La biodiversité, un business pour la finance

Je connaissais "business is business" et "money is money". Maintenant  il faudra dire "biodiversity is money for business".

Je suis convaincu qu'il faut mettre une valeur pour chaque élément de la nature, afin d' intégrer dans le système économique, les coûts de son utilisation et des services qu'elle nous rend.Cependant, à mes yeux, les différents écosystèmes qui la composent sont des biens communs. Ils appartiennent à tous les terriens ou en tout cas, aux communautés locales.

Mes amis, ceux des banques et des fonds spéculatifs, ceux de l'OMC et de l'ONU, et les lobbyistes des multinationales sont d'accord avec moi... Sur le premier point seulement.
Ils mettent des prix sur la nature, pour la vendre, l'acheter et, pour soit disant compenser les destructions et la pollution.
2010, Year of BiodiversityImage by Stéfan via Flickr
2010 est l'année de la biodiversité. Comment vous ne saviez pas ? Depuis hier les palabres ont lieu au Japon à Nagoya : la COP10 !



Voici trois articles et une émission pour comprendre les enjeux :

Émission Terre à terre - France culture : Conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique (COP 10)


La nature peut-elle se monnayer ? | La Croix
EXTRAITS : Régulation du climat, épuration de l’eau et de l’air, décomposition des déchets, prévention de l’érosion et pollinisation des cultures vivrières… tous ces services rendus par la nature à l’échelle du globe représenteraient selon ses calculs 33 300 milliards de dollars. Le succès est fulgurant. Pensez, deux fois le PNB mondial ! [...]

En France, un exemple célèbre est celui de Vittel qui encourage financièrement les agriculteurs locaux à préserver la pureté de leur source. » Avec un risque de dévoiement du système : « Petit à petit, on est amené à compenser tous les gens qui ne détruisent pas la nature… au lieu de faire payer ceux qui la détruisent. »

La Nature n'a pas de prix (mais une immense valeur !) | Basta Mag
EXTRAITS : Attention, ce qui suit n’est pas une fiction. L’économie, plus aveugle que jamais, entend transformer les ressources naturelles en de quelconques objets financiers. Notamment grâce à des mécanismes dits de compensation qui permettront de continuer à détruire sous les applaudissements d’une opinion bernée. [...]

Generals Motors, une entreprise fabriquant les véhicules les plus polluants du monde, les fameux Hummer, a ainsi passé un accord avec l’État du Parana au Brésil pour compenser ses émissions de carbone en finançant la protection de plusieurs forêts. Conséquence : une « police verte » a été recrutée et plusieurs villageois ont été emprisonnés pour avoir coupé des arbres stockant le carbone de la multinationale états-unienne [...]

Pour de nombreuses entreprises, l’objectif de la prochaine conférence sur la biodiversité à Nagoya, est d’obtenir une généralisation des mécanismes de compensation pour la biodiversité et éviter ainsi de remettre en cause leur stratégie de développement économique. [...]

La première étape est de chiffrer la valeur des services environnementaux pour ensuite créer des actifs financiers et les échanger sur un marché de la biodiversité. Une entreprise pourrait alors compenser les impacts environnementaux d’un projet en achetant un « crédit biodiversité ». [...]

En France, la Caisse des Dépôts et Consignations s’est déjà positionnée sur le sujet avec la création d’une filiale spécifique « CDC biodiversité ». L’une des premières missions de cette filiale a été d’étouffer la polémique autour de l’autoroute A65 Pau-Langon en proposant pour le compte du concessionnaire Aliénor près de 1400 hectares de compensation, gérés pendant 55 ans. [...]

Contrairement à la présentation qui en est faite, la généralisation de ces mécanismes de compensation constitue davantage des freins à une transition vers des sociétés plus durables qu’une avancée. Ils permettent de légitimer de nombreux projets et politiques controversés et d’isoler ceux qui s’y opposent. [...]

La convergence de ces initiatives s’inscrit dans une logique commune : le seul moyen pour protéger la nature serait de lui mettre un prix et de la faire entrer dans un marché. C’est toute l’ambiguïté des récentes études, comme celle de Pavan Sukhdev - qui veut chiffrer économiquement les services que proposent aujourd’hui gratuitement la nature - car elle peine à trancher le débat récurrent entre « valeur » et « prix ». Or la nature a une valeur inestimable, [...]

Au-delà du risque d’accroître la main mise des multinationales sur les ressources naturelles, de nombreuses banques privées voient aujourd’hui dans la généralisation des mécanismes de compensation et la monétarisation de la nature un nouveau levier de croissance. [...]

Aussi l’intérêt croissant de la sphère financière pour les nouveaux marchés des services environnementaux risque d’accélérer la privatisation de la nature et de marginaliser politiquement encore davantage les communautés locales et les peuples autochtones. [...]

La finance à l'assaut de la biosphère | France Culture

EXTRAITS : de nombreux organismes publics et privés, des États [...] s'affairent depuis près d'une décennie : l'ONU et ses organismes satellites, l'Union européenne, en particulier la France et l’Allemagne, les Etats-Unis, l'Australie, le Canada etc...[...] que la seule solution est d’offrir « une argumentation économique exhaustive et irréfutable pour  la conservation des écosystèmes et de la biodiversité» [...]

Mais le problème est de donner une valeur marchande à des millions d'espèces et de molécules différentes. Pour contourner la difficulté, l'évaluation de la biodiversité ne porte plus sur les espèces mais sur tous « les services économiques », depuis la pollinisation à la filtration de l’eau, rendus à l'homme par la totalité des écosystèmes (forêts, zones humides, prairies, récif corallien...) [...]

un premier symposium destiné au monde des affaires, intitulé le « business of biodiversity », s’est tenu à Londres le 13 juillet. [...] Le rapport promet aux entreprises près de 1 100 milliards $ de profits supplémentaires en 2050, grâce aux services écosystèmiques [6]. Parmi les contributions au symposium, notons celles de William Evison, de PricewaterhouseCoopers, Mikkel Kallesoe, du World business Council for sustainable development qui regroupe des multinationales aussi notoirement écologiques que Dow chemical. [...]

« L’intérêt et les capacités du secteur privé (…) dans la conservation et l’utilisation durables de la biodiversité et des services des écosystèmes comme source de futures opérations commerciales, et comme condition à de nouvelles possibilités commerciales et de débouchés (…) » [...]

La véritable question qui intéresse les banquiers et les fonds d’investissement, c’est à l’évidence de transformer la biodiversité en fonds monétaire. [...]

Des systèmes de compensation, comme le «Paiement et compensation des services environnementaux» (PSE) sont déjà en vigueur. Pratiqué depuis quelques décennies, ce système se résume à cette idée : les écosystèmes fournissent des services essentiels au bien-être humains pourquoi ne pas les faire payer? Pour les pays du Sud, la FAO a proposé une convention-type de PSE. Elle incite, par exemple, les agriculteurs à cesser la culture sur brûlis ou l'écobuage (dénomination réservée aux éleveurs transhumants)... «Toutefois, le PSE ne s'applique pas aux multinationales, en particulier celles qui détruisent les forêts pour planter des palmiers à huile. Il ne contraint que les petits paysans qui mettent fin à leurs droits d'usages » reconnaît Alain Karsenty, du CIRAD . En l’échange d’une compensation arbitraire, les petits paysans du Sud n’auront plus qu’à acheter les engrais et les pesticides… [...]

Pour gérer ces contrats, les banques de compensation entrent en jeu. « [...] Une société privée finance, via un crédit bancaire, la restauration d'une zone humide; «celui qui offre la meilleure prestation au plus bas prix emporte le marché de gestion». [...]
Chacun sait que les banques de compensation, telles Clearstream, ne sont absolument pas régulées. Leurs activités sont fondées sur les contrats à terme qu'elles transfèrent ensuite aux chambres de compensation chargées de vérifier les transactions. Leur fonctionnement est si opaque qu'en 2008, elles ont été qualifiées de « trou noir de la finance». Comment peut-on prétendre qu’elles vont protéger la biodiversité et les écosystèmes ? [...]

Selon Sarah Hernandez, économiste environnementale,
la compensation financière a toutes les chances de devenir «une licence de destruction» de la nature. Le seul intérêt serait donc celui des banques. Elles seront habilitées à transformer les territoires en actifs financiers et ceci n’est pas une vue de l’esprit. [...]
 

 Le cœur du capitalisme financier [...] s’apprête à franchir un nouveau pas : se garantir sur nos réserves d’actifs naturels.[...]
Après avoir coulé le système économique par des investissements véreux, il ne manque plus aux banques que de couler la terre. [...]

Cette financiarisation de la nature va soustraire aux communautés locales et aux souverainetés nationales l’usage de leurs ressources et territoires.
«On ne peut pas protéger la biodiversité sans toucher au droit de propriété», affirmait Patrick Hubert, ex-conseiller d'État qui a dirigé plusieurs cabinets ministériels, dont celui de Dominique Perben. [...]

les solutions proposées par les technocrates et les financiers à Nagoya, vont à contre-sens de la préservation de la nature.
Vont-ils y parvenir à les imposer ?


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