Formation et classification du pétrole (le futur de l'approvisionnement pétrolier 2/5)

Voici une traduction amateur et non autorisée de la deuxième section du « futur de l’approvisionnement pétrolier ». Les gras remplacent les italiques de l’article original (expressions importantes) ou sont de mon fait. Les éléments entre accolades sont des rajouts qui m’ont paru utiles. Retrouvez le sommaire de l'article par ici. 

Formation et classification du pétrole


Le pétrole comprend tout les hydrocarbures se trouvant naturellement dans des roches, et provient de matières organiques (le plus généralement des organismes marins) incluses dans des roches sédimentaires.↵1 Celles-ci sont appelées roches-mère et sont typiquement des roches carbonatées à grain fin {NdT: fine-grained mudstones et roches carbonées} ou des roches sédimentaires formées d'éléments fins disposés en lits {NdT: shales}. Le tassement et l'enfouissement de ces roches au cours des temps géologiques augmente leur température et leur pression et commence le processus de maturation organique. En premier, la matière organique fossilisée est convertie en un mélange insoluble de très longues molécules organiques, appelée kérogène, puis comme la maturation avance, le kérogène se réduit en molécules riches en hydrogène et plus petites qui deviennent liquide, laissant un résidu de kérogène réfractaire. Une production significative de pétrole liquide commence typiquement autour de 70°C jusqu'à 120-160°C, une plage appelée la fenêtre du pétrole. Des températures plus élevées peuvent causer une décomposition plus poussée du kérogène restant pour produire des hydrocarbures gazeux C1-C5  (méthane -pentane) {NdT: C1 = un atome de carbone, méthane CH4; C5 = 5 atomes de carbone, pentane C5H12} et une réduction thermique du pétrole déjà produit en molécules de plus en plus petites. Le taux actuel de génération du pétrole a été estimé à un maximum de quelques millions de barils↵2 par an [3], à comparer avec la consommation mondiale de près de 30 milliards de barils par an. La production de pétrole brut a augmenté approximativement de 1,5% par an entre 1995 et 2005, puis a atteint un plateau avec un accroissement plus récent dans l'approvisionnement liquide venant des liquides de gaz naturel (LGN voir cadre 1) {NdT: natural gas liquids - NGL}, des sables bitumineux et du pétrole de roche compacte. On s'attend à ce que ces tendances continuent.


La roche-mère mature en contact avec des roches adjacentes poreuses expulse le pétrole généré en suivant le gradient de pression. Si le pétrole ne peut être expulsé de sa roche-mère on le nomme pétrole de roche compacte {tight oil}, une catégorie qui comprend tous les pétroles piégés dans des roches imperméables. Le pétrole expulsé est moins dense que l'eau, il va donc avoir tendance à migrer lentement vers le haut au travers de roches perméables et à remplacer l'eau interstitielle. Le pétrole peut éventuellement migrer jusqu'à la surface et apparaître sous forme de suintements, mais s'il atteint une barrière imperméable, une roche-couverture {seal}, dans une structure formant un piège {trap}, il peut s'accumuler à cet endroit dans un gisement contenu dans une roche-réservoir. Les roches-réservoir sont essentiellement caractérisées par leur porosité et leur perméabilité mais aussi par leur épaisseur, continuité, uniformité et leur lithologie (minéralogie, composition et structure). Les lithologie de roches-couverture imperméables sont plutôt du type schistes argileux {shale} et sel. En général, un réservoir de pétrole est entouré en dessous d'une roche saturée en eau et au dessus il peut y avoir une calotte de gaz {gas cap}. Un bassin pétrolier possède un ensemble spécifique de conditions géologiques, défini en terme de source, maturité, chemin de migration, réservoir, piège et étanchéité, qui est propice à l'existence de gisements de pétrole au sein d'une région géographiquement définie.

Un champ pétrolier {oil field} comprend un ou plusieurs gisements séparés. D'une manière générale, les champs pétroliers sont des concentrations suffisamment grandes pour être spatialement définies mais ne sont pas nécessairement viables économiquement. Il y a une gamme complète de concentrations allant jusqu'au champ géant et supergéant, qui sont définis comme contenant respectivement plus de 500 millions à 5 000 millions de barils de pétrole récupérable. La répartition des tailles des champs commerciaux est bien connue [4], mais la distribution des plus petits champs ne l'est pas, en partie parce qu'ils ne sont intentionnellement recherchés ni toujours déclarés quand il sont rencontrés.
Dans les gisements individuels et aussi dans les régions plus grandes {bassins pétrolifères}, la majorité de la ressource a tendance à être située dans un petit nombre de grandes concentrations. Par exemple, alors qu'il y a jusqu'à 70 000 champs pétroliers dans le monde, à peu près 500 champs géants et supergéants constituent les deux tiers du pétrole qui a été découvert [4]. Comme nous le verrons plus loin, Cette caractéristique physique fondamentale est d'une importance essentielle pour l'approvisionnement futur.

Les ressources en pétrole sont communément classées en différentes catégories sur la base des propriétés physiques du pétrole et des roches, de la technologie d'extraction et du lieu mais il y a un manque de cohérence dans la terminologie utilisée. La figure 2 résume notre classification, alors que l'encadré 1 s'étend sur ces définitions. Nous définissons le pétrole conventionnel comme regroupant le pétrole brut, le condensat et les liquides de gaz naturel et nous définissons le pétrole non conventionnel comme le pétrole de roches compactes, le pétrole extra-lourd, les sables bitumineux et le pétrole de kérogène. Comme le pétrole de roche compacte est similaire dans sa composition chimique au pétrole brut (alors que les autres pétroles non conventionnels ne le sont pas), il pourrait également être classé comme conventionnel. Nous l'avons classé dans la catégorie non conventionnel ici, pour souligner le fait que le pétrole de roche compacte est une nouvelle source de combustibles liquides en rapide expansion qui fut historiquement exclu des estimations de ressources en pétrole conventionnel et des prévisions de production. Le pétrole de roche compacte diffère aussi du pétrole conventionnel par les caractéristiques géologiques de la ressource et par les méthodes de production.

Figure 2. Classification des hydrocarbures liquides


Encadré 1. Catégorisation des hydrocarbures liquides.
  • Crude oil - le pétrole brut est un mélange hétérogène d'hydrocarbures liquides qui reste en phase liquide quand il atteint la surface. Le pétrole brut est communément classifié par sa densité, mesurée en degrés de densité API, plus l'API est élevé plus le pétrole est léger.↵3 Les définitions de l’industrie varient, mais un pétrole lourd a classiquement moins de 20° API.
  • Condensate - le condensat est un liquide volatile, très léger, généralement entre 50 et 75° API, qui est le résultat de la condensation des gaz produits quand ils arrivent à la surface. Le condensat est normalement mélangé avec le pétrole brut et les volumes produits sont rarement enregistrés séparément.
  • Natural gas liquids (NGLs) - les liquides de gaz naturel (LGN) est un terme générique pour la fraction non-méthane du gaz naturel (essentiellement de l'éthane au propane) qui est soit liquide aux températures et aux pressions normales, ou qui peut être transformé relativement facilement en liquide avec l'application d'une pression modérée.
  • Extra-heavy oil - Le pétrole très lourd est un pétrole brut avec une densité API de moins de 10°C et une viscosité caractéristique égale ou de plus de 10 000 centipoise.↵4 Le gros de la production actuelle vient de la ceinture de l'Orénoque au Venezuela.
  • Oil sands (or tar sands) - les sables bitumineux sont un mélange de sable, d'eau, d'argile et de bitume proche de la surface, où ce dernier a une densité API de moins de 10°C et un viscosité entre 10 000 et 1 0 00 000 centipoise. Le bitume est le vestige dégradé de pétrole conventionnel quand le pétrole dans des accumulations proches de la surface a été altéré par la perte des molécules d'hydrocarbure les plus légères, principalement par un oxydation bactérienne, biodégradation et dissolution dans les eaux du sous-sol. Le pétrole restant devient progressivement plus riche en bitume, plus dense et plus visqueux. La production actuelle vient de l'Alberta dans des mines à ciel ouvert atteignant des profondeurs de 65 mètres. Le bitume peut être dilué ou mis à niveau en un pétrole synthétique pour le transport via des pipelines.
  • Tight oil (or shale oil) - le pétrole de roche compacte ou pétrole de réservoir compact est un pétrole brut léger contenu dans des roches de schistes sédimentaires argileuses ou carbonatées avec une très faible perméabilité qui peut être extrait en utilisant des puits horizontaux avec une fracturation hydraulique en plusieurs étapes. On retrouve l'essentiel de cette production dans les gisements de Bakken et d'Eagle Ford aux États-Unis. {le pétrole de schiste est une sous catégorie du pétrole de roche compacte}
  • Kerogen oil (or "oil shale" oil) - le pétrole de kérogène ou schistes bitumineux est un pétrole obtenu en traitant le kérogène contenu dans des roches sédimentaires à grains fins. Cela implique d'extraire et de broyer la roche, de la chauffer pendant des périodes prolongées à de fortes températures ensuite d'en supprimer la vapeur et de distiller. Des process *in situ *sont en cours de développement, mais dans un futur proche aucune approche n'est prête à être rentable du point de vue économique.
  • Gas-to-liquids (GTLs) - les liquides issus du gaz ou carburants GTL sont dérivés de la liquéfaction du méthane en utilisant le procédé Fischer-Tropsch. Cela implique une re-formation de vapeur de gaz naturel pour produire du monoxyde de carbone et de l'hydrogène suivie de réactions chimiques catalysées pour produire des hydrocarbures liquides et de l'eau.
  • Coal-to-liquids (CTLs) - les liquides issus du charbon ou carburants CTL sont obtenus soit par pyrolyse du charbon (à bas rendement) soit par une gazéification suivie par un procédé Fischer-Tropsch (à haut rendement).
  • Biofuels - les biocarburants sont issus de sources organiques. Aujourd'hui, cela consiste en de l'éthanol produit par une fermentation à base de levure à partir de sucre ou de cultures arables riches en amidon, ou de biodiesel obtenus à partir d'huiles oléagineuses. Une deuxième génération de biocarburants à base de cellulose utilisant une matière première non-alimentaire est aussi en cours de développement.


La question centrale de l'approvisionnement futur est l'ampleur et le taux de l'épuisement du pétrole conventionnel, car il fournit actuellement 95% de l'offre mondiale liquide. Les options pour compenser cet épuisement comprennent :
  • le remplacement du pétrole conventionnel par le pétrole non-conventionnel;
  • le remplacement de tout ce qui est pétrole par d'autres liquides non-conventionnels (carburants GTL, carburants CTL et biocarburants); et
  • la réduction de la demande de tous les liquides (par exemple en améliorant l'efficience de la consommation finale, en les remplaçant par des vecteurs d'énergie non liquides comme le gaz et l'électricité ou en réduisant la demande pour certains services énergétiques).
Mais l'ampleur et le taux de l'épuisement et la faisabilité et le coût des différentes options d'atténuation sont le sujet de débats intenses.

Notes


↵1 Des origines alternatives, non-biologiques ("abiotiques") du pétrole ont été proposées. Celles-ci exigent un source géologique très profonde de méthane primordial qui est converti par des réactions de type Fischer-Tropsch en de longues chaine d’alcanes et d'autres molécules, soit dans le manteau supérieur (la théorie russe) soit dans la croûte supérieure (la théorie de Thomas Gold). Ces théories ont généralement étaient discréditées, à la fois sur des bases thermodynamiques et chimiques et par des preuves empiriques considérables, comme la présence dans le pétrole de molécules à marqueurs biologiques que l'on relie directement à des précurseurs biologiques [2].

↵2 Les ressources et la production de pétrole sont classiquement mesurées en terme de volume, malgré des variations significatives de contenu énergétique et de densité. Un baril (b) fait approximativement 158 litres et pèse entre 0,12 et 0,16 tonne. Les multiples utilisés fréquemment sont le millier (kb), le million (mb) et le milliard de barils (Gb). Un " baril équivalent pétrole" (boe) {baril of oil equivalent} est une quantité de combustibles contenant l'énergie thermique moyenne d'un baril de pétrole c'est-à-dire 6,1 Gigajoules {GJ} (valeur calorifique plus haute).

↵3 La densité API est définie comme étant égale à (141,5/densité) - 131,5. Donc la densité API augmente quand la densité baisse.

↵4 L'eau a une température de 21°C a une viscosité d'environ un centipoise.

Troisième partie : Production et ressources de pétrole


Références


[1] Malthus T. 1798 An essay on the principle of population as it affects the future improvement of society with the remarks on the speculations of Mr Godwin, Mr Condorcet and other writers. London, UK : Reeves and Turner.

[2] Glasby GP. 2006 Abiogenic origin of hydrocarbons: an historical overview. Resource Geol. 56, 85–98.

[3] Miller R. 1992 The global oil system: the relationship between oil generation, loss, half-life, and the world crude oil resource. Bull. Am. Assoc. Petrol. Geol. 76, 489–500.

[4] Sorrell S, Speirs J, Bentley R, Miller R, Thompson E. 2012 Shaping the global oil peak: a review of the evidence on field sizes, reserve growth, decline rates and depletion rates. Energy 37, 709–724.

Troisième partie : Production et ressources de pétrole

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