Exposition en extérieur de photos à la Gacilly (Insta), présentation de quelques photographes et suppléments
Cig Harvey - Expériences sensorielles
« La photographie a toujours eu ce rôle pour moi, de me rappeler que le monde possède sa part de beauté et que mon appareil peut en témoigner: c'est un microscope qui permet d'observer le monde. Ces photos représentent mes espoirs, mes peurs, mes amours, mes préoccupations. »
(…) Dans ses natures mortes ou ses compositions étranges et hypnotisantes, les couleurs sont plus réelles qu'elles ne l'ont jamais été auparavant. L'artiste parvient à faire surgir toute leur identité primordiale. Car pour nos cerveaux, qu'il s'agisse des rouges, des bleus ou des verts, toutes les teintes ont un goût, une odeur, une aura, quelque chose d'indicible qui provoque, au plus profond de nos êtres, des émotions, des réactions, des instincts. (…) Dans son introduction, elle cite une phrase de Matisse résumant tout l'intérêt de son travail: «Avec la couleur, on obtient une énergie qui semble provenir de la sorcellerie ».
La première victime de notre monde moderne ? La capacité à s'émerveiller. Avec la série « You an Orchestra, You a Bomb », Cig Harvey nous rappelle qu'il faut chérir ces Instants qui peuvent nous procurer frissons et émotions; ces Indices qui font savoir à notre corps et à notre esprit que l'on se trouve face à quelque chose d'extraordinaire. Alors l'artiste cultive l'émerveillement, l'admiration, la peur excitante de l'inconnu en regardant ces fragments de la vie quotidienne, banale et commune de prime abord, pour leur Insuffler une énergie unique. (…)
Martin Parr (Insta) - La Tendre Albion
« J'aime mes contemporains et j'éprouve beaucoup d'empathie pour eux. Il n'y a aucune méchanceté lorsque je choisis de capturer des attitudes ou des détails qui peuvent faire sourire. Je fais juste preuve d'espièglerie. Mais si certains ne veulent pas le voir de cette façon, ce n'est pas grave, je l'accepte »
N'hésitez pas à dire à Martin Parr qu'il est «kitsch»: il considère que c'est un très beau compliment. Celui qui a autant marqué la photographie britannique que Cartier-Bresson l'a fait pour la française, est aujourd'hui devenu un artiste incontournable. Son style, inimitable, a inspiré des centaines de jeunes talents. «Une photo parfaite, ça n'existe pas. Mais tous les matins, quand vous sortez, vous espérez quand même en faire une», explique le photo- graphe dans le film de Lee Shulman («I Am Martin Parr >>) qui lui est consacré. «Je considère qu'un de mes rôles est d'essayer de déterminer ce que c'est que d'être anglais».
Après ses premiers clichés en noir et blanc, Martin Parr se tourne vers la couleur et démontre, à l'époque, que cette nouvelle écriture n'est pas destinée qu'à la mode et à la publicité, et qu'elle peut être une photo d'auteur, documentaire ou artistique. Il décline alors en images ces scènes lumineuses, saturées, cyniques et souvent drôles. Son regard sur la classe moyenne anglaise suscite la controverse: certains y voient une critique acerbe-pour ne pas dire un mépris - de ses contemporains. Martin Parr s'en est toujours défendu: «Mon rôle est de montrer les choses telles qu'elles sont, sans les enjoliver». L'homme a cet œil acéré à la fois affectueux, satirique et amusé qui nous fait grimacer autant que sourire. (…)
Un vrai photographe ne raccroche jamais ses boîtiers. À 73 ans, il continue de sillonner plages, foires et autres espaces publics à la recherche du fameux instant et de l'imperceptible détail celui qui résume les manies et encapsule les contradictions de ses concitoyens. « Kitsch » ou non, ses images possèdent en tout cas un double niveau de lecture. Au-delà du comique, elles suscitent un questionnement: sur l'identité, sur le rapport à la surconsommation et ses effets sur les sociétés et l'environnement… Une démarche à cheval entre tendresse, dérision et information, au point de créer un style immédiatement reconnaissable, jusqu'à s'imposer dans nos esprits comme «du Martin Parr». La signature des génies qui savent marquer leur époque. Photos
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The Last Resort jeu de mots avec resort terme qui signifie à la fois recours (le dernier recours) et station balnéaire |
Tony Ray-Jones - Les Anglais dans le viseur
« Mes conseils en photographie ? Restez sur le sujet, soyez patient. Variez les angles. Soyez conscient de la composition. Arrêtez de prendre des photos ennuyeuses et parlez aux gens. Simplifiez vos images, approchez-vous, ne shootez pas trop, et ne restez jamais à mi-distance de la scène. »
Il est de ces artistes qui partent toujours trop tôt. Tony Ray-Jones n'aura vécu qu'une trentaine d'années, mais son nom est désormais indissociable de la photographie anglaise. Formé au London College of Printing puis à Yale aux États-Unis, il découvre la vitalité de la scène photographique américaine de l'époque, animée par les ténors de la street photography comme Garry Winogrand, Lee Friedlander ou Joel Meyerowitz (Insta).
De retour au Royaume-Uni, il arpente les stations balnéaires (Blackpool, Margate, Brighton) et s'attache aux détails, à ce qui fait la substantifique moelle de la vie anglaise de l'époque: tenues élégantes, pique-niques contrariés par la pluie et autres petits rituels sociétaux. Son style, une empathie matinée d'ironie et de spontanéité, marque un tournant. Il jette un regard neuf sur les mœurs de ses compatriotes, sans jamais sombrer dans la méchanceté gratuite. Sortant des sentiers battus, curieux de tout, ce jeune prodige de l'image est animé d'une boulimie méthodique, alliant chacun de ses clichés malicieux à une composition graphique parfaite. Un jeune photographe découvre à l'époque son travail. C'est pour lui une révélation. Son nom? Martin Parr. Sans Tony Ray-Jones, il n'aurait sans doute pas trouvé sa passion.
Emporté par une leucémie en 1972, à seulement 31 ans, Tony Ray-Jones laisse derrière lui une œuvre brève mais déjà entière, complète et profonde, trop peu dévoilée au public français. Comme souvent dans ce cas-là, elle ne sera vraiment reconnue qu'après sa mort. Ses planches-contacts témoignent d'une volonté de saisir l'âme anglaise» dans ce qu'elle a de plus trivial et de plus universel à la fois. Aujourd'hui, comme pour beaucoup de géants des arts, son influence n'a fait que grandir. Et de nombreux photographes continuent de puiser dans son héritage, consciemment ou non, pour y renouer avec les origines de cette photographie éprise du goût de l'observation des petits moments de l'existence.
Tony Ray-Jones : La photo de rue en 13 conseils
Peter Dench (Insta) - Honni soit qui mal y pense
« Je n'ai pas toujours été très tendre avec sa Majesté la Reine. Je l'avais suivie dans une tournée en Afrique du Sud. Lorsque mes photos ont été publiées, j'ai reçu un fax qui disait: « Le palais a adoré. Je crois que j'ai été pardonné. La famille royale est comme une vieille Rolls Royce, qu'on rafistole et qu'on sort pour les grandes occasions. Son entretien est coûteux mais suscite la jalousie des voisins. »
Est-ce que Peter Dench aime l'Angleterre? Celui qui naît en 1972, le jour de la Saint-Georges (protecteur du royaume), grandit dans un pays en pleine mutation, tiraillé entre la tradition conservatrice et les aspirations au progrès. Passionné par l'image, il se tourne vite vers la photographie documentaire et se met à parcourir son pays: de la campagne profonde aux grandes métropoles, jusqu'aux villes balnéaires où la météo s'acharne à contrarier les projets des vacanciers. Ses images sont celles de scènes banales et cocasses: enterrements de vie de garçon, fêtes de village, pub crawls, supporters de foot déchaînés… Cliché? Peut-être. Mais ces clichés-là viennent bien de quelque part. Et Peter Dench ne cesse de nous surprendre en créant presque des images d'Épinal d'une Angleterre que le visiteur devine lors de ses séjours outre-Manche.
Son approche est frontale, teintée certes d'ironie mais toujours d'une forme d'affection pour ses sujets. Les contradictions du quotidien anglais y sont mises en avant: un savant cocktail de classe et de «trash». À travers son travail, Peter Dench nous montre une Angleterre qui cultive un mélange de flegme et d'excentricité, où le snobisme peut côtoyer la vulgarité la plus brute. II a publié plusieurs livres, dont England Uncensored et plus récemment Carry on England, deux ouvrages incontournables pour mieux comprendre un peuple partagé entre frasques et traditions. Ses reportages ont également été repris par des magazines du monde entier, friands de sa capacité à révéler l'absurde enfoui dans la banalité, jusqu'à devenir l'un des principaux chroniqueurs visuels de l'Angleterre contemporaine. La force de ses photographies vient de ce mélange indéfinissable où le rire est souvent jaune, mais toujours spontané. La quintessence, finalement, de cet humour britannique, oscillant entre satire et tendresse. Peter Dench, c'est certain, aime l'Angleterre. Mais qui aime bien, châtie bien.
Terry O'Neill (Insta) - Les légendes du rock
« J'ai eu une vie formidable! Tout s'est enchainé si vite avec tant d'insouciance. Pour être honnête, on pensait tous que ça allait s'arrêter net. On se retrouvait dans des clubs, avec les Beatles et les Stones, et on parlait tous du boulot qu'on allait décrocher quand tout serait fini! On n'a jamais pensé que ça durerait. Si mes photos ont marché, c'est parce qu'elles racontent toutes une histoire. Je suis un conteur d'images. »
C'est le Londres fantasmé. Celui qu'on aurait aimé connaître. Celui, bouillonnant, exalté, délirant du début des années 1960. Terry O'Neill, né en 1938, en a profité comme personne. Le gamin qui se rêvait batteur dans un club de jazz prévoit de devenir steward pour pouvoir voyager aux États-Unis et étudier les grands noms de la musique noire américaine. Le destin décide de mettre la photo sur sa route. Le rock'n'roll déferle sur le monde et sur l'Europe. Les Beatles et les Rolling Stones veulent casser, aussi, la manière dont un groupe se montre et se met en scène. Ils veulent quelque chose de plus naturel, de plus décontracté, de plus abrasif, de moins conventionnel. Terry O'Neill est au rendez-vous pour combler ces demandes et devient ainsi l'un des principaux témoins de cette révolution musicale mais aussi sociétale.
Son style est direct, spontané: il n'hésite pas à faire poser ses modèles dans des endroits inattendus ou à privilégier les moments de détente. Aujourd'hui, rien d'étonnant. Mais à l'époque, c'est novateur. Les médias du monde entier, de Vogue à Paris Match, s'arrachent ses productions. Certaines de ses photos vont jusqu'à façonner l'identité que ces artistes vont graver dans l'imaginaire collectif pour des décennies à venir : le glam de David Bowie, l'énergie électrisante d'Elton John, les moues de Mick Jagger, des légendes entrent dans l'Histoire. À une époque où la photographie est (déjà) le médium-roi pour construire une «mythologie», elle va permettre de les transformer en icônes. Ses images sont d'ailleurs toujours exposées dans de nombreux musées, intégrées à des collections permanentes. On ne peut s'empêcher, devant ces clichés, de sentir le pincement de la nostalgie. De se demander si une telle époque de liberté créatrice et de révolution culturelle, où sont nés tant de géants, reviendra un jour. Si c'est le cas, il n'y a qu'à espérer qu'un photographe du talent de Terry O'Neill soit là pour l'immortaliser.
Mary Turner (Insta) - L'Angleterre périphérique
« Après s avoir débuté ma carrière dans la photographie de presse, je me suis attachée à raconter les dessous de l'actualité, ce qui m'a conduit à mon premier grand projet documentaire: l'histoire de la communauté des gens du voyage [Irish Travellers]. Cette expérience, qui permet d'établir la confiance et la compréhension, essentielles à la communication, est au cœur de mon travail sur la survie des personnes marginalisées. »
Il y a l'Angleterre des Rois et des Reines. Celle des Lords et des châteaux. Et il y a l'autre Angleterre, héritée de la révolution industrielle, de la prospection minière et de l'ère victorienne. Celle immortalisée par le romancier Charles Dickens ou le cinéaste Ken Loach. Celle des banques alimentaires, des centres d'aide sociale, des clubs d'ouvriers, des pubs miteux; cette Angleterre qui s'effrite à la périphérie des grandes villes. Ces quartiers de briques rouges ravagés par les crises économiques et la désindustrialisation, où vivent des communautés marginalisées.
C'est cette Angleterre que Mary Turner s'emploie à documenter depuis des années. Pour plusieurs journaux, notamment pour The New York Times, elle s'affaire à raconter la vie des gens, à qui l'on ne pense pas. Ceux qui vivent dans les quartiers que les touristes ne viennent pas visiter; ceux que l'on néglige ou que l'on méprise pour un accent. Comme aussi les gens du voyage, les Irlandais et les Gitans, Mary Turner explore leur réalité.
Elle ne tombe jamais dans le piège de la photographie sociale: le misérabilisme. Après avoir gagné la confiance de ces familles habituées à se sentir indésirées, elle n'exploite pas leur détresse pour renforcer ses images. Il n'y a pas, non plus, de sentimentalisme. Ses clichés sont bruts, sans fard, fruits de la patience et d'un travail journalistique méthodique: un travail qui place l'humain au centre, sans tordre les faits, sans ajouter ses propres préjugés.
Ce n'est pas le photojournalisme le plus glamour, mais il a toute son importance. Il puise ses origines dans la photographie humaniste et dans les grandes enquêtes photographiques sociales du siècle dernier. Voir et accepter l'existence de ceux qui sont à la marge est la première étape pour leur rendre justice. En documentant cette Angleterre périphérique, Mary Turner nous rappelle qu'un pays ne se résume pas à ses cartes postales mais aussi, et surtout, à la manière dont il traite les plus faibles de ses citoyens.
Josh Edgoose (Insta) - Swinging London
« Les photos de rue prises sur le vif sont celles que je préfère et avec lesquelles je me sens le plus à l'aise. J'ai toujours pensé qu'il était important de ne pas se prendre trop au sérieux. J'aime faire rire les gens. J'essaie d'y parvenir grâce à la photographie, mais ces images peuvent être assez difficiles à obtenir. »
Le pseudo de Joshua, «Josh» Edgoose sur Instagram est « Spicy Meatball » (Boulette de viande épicée). Pourquoi? On ne sait pas. Mais c'est exactement la sensation que provoquent ses photos: tendres et piquantes à la fois. Vidéaste avec un fort intérêt pour la couleur, la coïncidence et la serendipité (ce sont ses mots), Josh Edgoose fait ces photos qu'on aurait aimé savoir faire. Sous son œil, le quotidien, le banal, le commun prennent vie.
Et des couleurs, il y en a. Voir la capitale de l'Angleterre sous son regard, c'est comme découvrir le Kodachrome après des décennies de pellicules noir et blanc. Une main sur une barre de métro, des pieds qui descendent un escalier, un geste, un sourire, un reflet dans une vitre, une rencontre improbable… Sous son regard avide de ces détails que le profane ne voit pas, il met en scène la diversité et l'excentricité d'un Londres qu'on redécouvre, capturant l'énergie de la vie urbaine dans une exploration teintée de vibrations constantes, de couleurs extrêmes, de beautés éphémères.
Il trouve dans la photographie de rue un moyen de capitaliser sur la richesse et les hasards qui font le miel d'une cité. Comme une abeille dans une ruche, il butine cette gigantesque boîte de Petri. Là où il n'y a que grisaille londonienne, son œil va déceler la luminosité d'un parapluie, d'un ongle verni, d'une paire de lunettes ou tout simplement un angle d'où surgira une composition évocatrice et étonnante.
Très suivi sur les réseaux sociaux, et notamment sur YouTube où sa chaîne dédiée à la photographie de rue compte des dizaines de milliers d'abonnés, Josh Edgoose rappelle que la photo, ce n'est pas que l'instant « T ». C'est aussi une manière de voir, de percevoir, de manier, de traiter et de penser le réel qui est devant nous, puis d'y transmettre une intention. Dans le cas de Josh Edgoose, celle-ci est joyeuse, rafraîchissante, inattendue et profondément bienveillante. Dans un esprit et un humour si britannique!
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Charlotte |
Axelle de Russé (Insta) - Attractions polaires
« Après avoir découvert les effets du réchauffement climatique dans le Nord polaire, j'ai voulu me rendre dans l'extrémité australe. Deux civilisations, deux univers distincts avec cependant tant de points communs. Ces deux mondes sont les sentinelles d'un climat bouleversé, les témoins d'une nature malmenée. »
Tout au nord du globe, à plus de 1000 kilomètres du pôle, se trouve, dans l'archipel du Svalbard, la petite ville de Longyearbyen, la plus septentrionale de la planète. Perdue au milieu de l'Arctique norvégien, elle est peuplée d'aventuriers, de mineurs, de scientifiques, et vit au rythme des deux saisons polaires, le jour et la nuit. C'est là, dans ces confins, que le réchauffement climatique est le plus significatif: depuis 1960, la température y a augmenté de 8°Cenhiver,et 6°Cen été. Comment résiste la petite cité ? Qui sont-ils, celles et ceux qui vivent en première ligne face à l’inévitable ?
À l’autre extrême, en Patagonie chilienne, se situe Puerto Williams, l’agglomération la plus australe au monde. En zone subantarctique, elle semble à première vue l'exact reflet de sa sœur du Nord. Les petites maisons en bois, comme posées sur les flancs des montagnes, abritent environ 2000 habitants. Cette terre qui abritait autrefois les Indiens Yagan, aujourd’hui base maritime, est peuplée de pêcheurs, de cœurs brisés et des derniers descendants du peuple autochtone. Isolée, loin de tout, comme figée dans le temps, elle regarde sa voisine argentine Ushuaïa avec la fierté de ceux qui vivent dans les zones extrêmes. Mais avec une certaine envie. Les autorités locales cherchent à développer le tourisme et profiter, un peu, d’une manne non négligeable. Comme partout ailleurs, les effets du réchauffement se font sentir: la neige se fait de plus en plus rare, les glaciers du canal de Beagle fondent à vue d'œil, et les araignées de mer, si demandées, s'éloignent de plus en plus des côtes, vers une eau plus froide.
Dans cet essai photographique, à la fois documentaire et artistique, la photographe Axelle de Russé joue sur cette similarité chromatique des deux Pôles touchés par le bouleversement climatique : « L'obscurité des photos vise à exprimer l’évanescence d'un monde fragile, en danger. J'ai également cherché à suggérer le réchauffement et la sensation de chaleur grâce au procédé de l’infrarouge. Il permet de mettre en valeur ce qui n’est pas perceptible à l'œil humain en transformant la colorimétrie de l’image. À la prise de vue, les points les « plus chauds » deviennent alors magenta. »
Stéphane Lavoué (Insta) - Les travailleurs de la mer
« En portrait, trois paramètres doivent être gérés: la personne à photographier, la lumière et le fond. Ainsi, en très peu de temps, il faut figer la lumière et le cadre, pour avoir du temps pour se concentrer sur le personnage et, comme en sculpture, travailler sur l'attitude du sujet. »
Ils sont capitaines de remorqueurs, mareyeurs, scaphandriers, apprentis au lycée maritime, pêcheurs, sémaphoristes ou fusiliers militaires, et ont tous en commun d’être en contact quotidien avec l'Atlantique qui borde la côte morbihannaise.
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Ile de Groix, vue du sémaphore de Beg Melen |
« La mer a toujours été ma passion. Je la voyais tous les jours en rentrant de l'école. Pendant les vacances, je ne partais pas de chez moi, je restais sur la côte avec mes amis.
Dans l'armée, c’est le côté marin qui m'intéresse. Nous, les guetteurs, nous devons être à l'affût. Lorsque nous faisons des tours d'horizon, avec nos jumelles, nous devons être curieux et suivre les trajectoires de chaque navire. Nous sommes les maîtres de la zone et nous devons savoir ce qui s'y passe. Mon bureau c'est la mer et je ressens que je suis là où j'ai toujours été. » Mélissa, maître, technicienne sémaphoriste, sémaphore de Beg Melen, île de Groix »
Pour cette édition qui souhaite faire la part belle aux enjeux de la mer, le photographe Stéphane Lavoué, portraitiste émérite notamment récompensé par le Prix Niépce Gens d'Images en 2018, et l’auteure Catherine Le Gall sont partis des semaines durant à la rencontre de ces travailleurs de la mer. Dix ans après avoir réalisé un travail sur l'alimentation en Bretagne, également exposé au Festival Photo La Gacilly, le duo s’est intéressé cette fois aux métiers liés à l'océan, pour cette commande photographique initiée par le Conseil départemental du Morbihan. Ils ont sillonné nos rivages, de Lorient à Vannes en passant par Étel, Saint-Gildasde-Rhuys ou Groix pour rencontrer ces hommes et ces femmes dont le travail est lié intrinsèquement et intimement à la mer.
Quelle relation entretiennent-ils avec l'élément marin ? Quel plaisir tirent-ils à être en contact permanent avec l'océan ? Quelle est la particularité d'une activité essentiellement marine? Ils sont une vingtaine à s'être prêtés à l'exercice d’un portrait photographique accompagné d'un verbatim pour raconter qui ils sont et ce qu'ils ressentent. Dans leurs regards se lisent la détermination, le sens du devoir, la fierté, parfois la fatigue. Qu'ils soient nés dans la région ou qu'ils y soient venus pour leur travail; qu'ils plongent, ramassent des algues, fabriquent des filets ou traquent le poisson; qu'ils soient à quai, au milieu de la mer ou dans des hangars, tous nous transmettent cette passion qu'ils ont pour leur métier et l’environnement dans lequel ils évoluent tous les jours. Car il faut savoir affronter de jour comme de nuit des hivers rudes, des intempéries parfois impétueuses, et rester humble face aux aléas de la météo.
Robert Doisneau - Allons voir la mer
« La qualité d'un photographe doit être l'espoir du miracle contre toute logique. Une espèce de foi dans l’heureux hasard. N'importe quoi peut arriver au coin d'une rue. Je me fais un décor, un rectangle et j'attends que des acteurs y viennent jouer je ne sais pas quoi. »
On le connaît surtout pour ses scènes de rue parisiennes. Ses écoliers en culottes courtes, son couple qui s’'embrasse devant l'Hôtel de Ville de Paris. Mais Robert Doisneau n'a pas fait qu'écumer la capitale. II a aussi promené son objectif curieux et poétique le long du littoral français, de la Bretagne à la Côte d'Azur, en passant par la Normandie, la Vendée, le Pays basque ou encore le Languedoc. Des pérégrinations qu'il faisait à l’occasion de reportages, de commandes publicitaires ou de séjours en famille.
Celui qui aimait se décrire comme un « révolté du merveilleux » s'emploie alors à saisir cet univers côtier. Pêécheurs, dockers, vacanciers, marins du dimanche :tous deviennent protagonistes de cette comédie humaine qu’on retrouve toujours dans l’œuvre de Robert Doisneau. Qu'il s'agisse de pavés parisiens ou de jetées bretonnes, ce qui l’intéresse, c’est l’Homme, dans une inspiration toujours joyeuse. Le reste n'est qu'un décor où il évolue.
Ses premières images de bord de mer, réalisées dès les années 1930, ont autant cette patte « doisnesque » que ses photos plus connues. On y aperçoit sa femme Pierrette, minuscule silhouette sur une plage de sable. Elle précède des scènes plus sociales, maïs toujours dans l’esprit de cette « photographie humaniste » : sardiniers rentrant au port, enfants ramassant des coquillages, badauds en goguette sur une promenade. Un aspect méconnu de son travail que font vivre, et revivre, ses filles Annette Doisneau et Francine Deroudille.
Ces photographies permettent de jeter un autre regard sur Robert Doisneau, d'apprendre à mieux le connaître et à le comprendre. Elles rappellent, aussi et surtout, qu’au-delà de clichés qui ont fait sa célébrité, il fut avant tout un témoin attentif et précieux d’une époque révolue transcendée par la douceur et l’insouciance. En cela, il est et restera à jamais l’un des rares noms incontournables de la photographie française du XX° siècle - à Ia ville comme à la mer.
Gina Soden (Insta) - Urbex, quand la nature reprend ses droits
« Ce qui me fascine dans les ruines, c'est cette couleur, cette texture si particulière propre aux lieux abandonnés. Je suis toujours à la recherche de sites exceptionnels. Mais aussi, je suis très exigeante sur la symétrie et la composition. Si je peux combiner tous ces éléments, alors je suis parfaitement heureuse. »
Lorsque la photographe britannique Gina Soden pénètre dans un lieu abandonné, c'est toujours le silence qu'elle trouve en premier. Viennent ensuite les murs fissurés, les vitres brisées, la peinture écaillée, les meubles poussiéreux, des herbes sauvages qui ont envahi les espaces clos… Plutôt que de fuir la déshérence de ces endroits que tout le monde semble avoir abandonnés, Gina Soden en fait son royaume, son champ d’expression artistique. Elle y voit une richesse esthétique et une mémoire patinée par le temps. La photographe écume l'Europe à la recherche de châteaux hantés, d’hôpitaux délabrés, d'usines désaffectées, et de manoirs abandonnés. Sans jamais révéler leurs emplacements, elle les revisite le temps d’une prise de vue.
Son approche n'est pas documentaire. Elle préfère jouer avec la composition de ces endroits pour leur redonner vie presque artificiellement. Chaque image révèle une esthétique radicalement picturale. Mais contrairement à d'autres photographes dits «d’urbex» ou «d'exploration urbaine», ses œuvres ne sont jamais Jugubres ou anxiogènes. Exposées dans des galeries à Londres et à Paris, elles amènent à réfléchir sur la notion de patrimoine, sur notre rapport à l’histoire et à l’'obsolescence, programmées ou non.
Dans une époque obsédée par le beau, le neuf, le parfait et le lisse, la photographe réfléchit sur le délabrement, le pourrissement, la détérioration… et, in fine, l’idée sous-jacente de la mort - en tout cas de la disparition. Une philosophie et une approche qui permettent à Gina Soden de sauver brièvement de l'oubli des architectures en perdition. Des lieux qui témoignent d’un passé ne s’effaçant pas assez vite par rapport à la marche du progrès. Des images qui montrent souvent que la «fin» de quelque chose est toujours le début d’une autre. Une poésie à l’origine du succès de cette photographe londonienne qui a su faire de l'abandon une renaissance.
Don McCullin (Insta) - La vie, la mort et ce qui reste
« Je me sens tout le temps coupable: coupable d'être parti au moment où un homme meurt de faim, où un autre est sur le point d'être assassiné. Et je suis las de cette culpabilité. Je veux maintenant photographier des paysages et des fleurs. Je me condamne à la paix. »
Don McCullin a une relation compliquée avec la guerre. Il lui arrive même de dire qu'il courait après les conflits comme l’alcoolique après une canette de bière. Chypre, le Vietnam, Cuba, le Cambodge, le Salvador, l'Irlande… C'est en pionnier du photojournalisme - et aux côtés de noms tels que Capa, Jones Griffiths ou Burrows - qu'il donne ses lettres de noblesse à la discipline. Ses photos permettent à tout un public d’être informé de ce qui se déroule à des milliers de kilomètres de chez lui; des clichés qui bouleversent l'opinion publique et les consciences.
Né en 1935 dans le quartier populaire de Finsbury Park à Londres, Don McCullin débute sa carrière presque par hasard: en 1959, une de ses photos du gang «The Guvnors » est publiée par The Observer après le meurtre d’un policier. La violence est au cœur de sa renommée, mais elle n'est pas le seul aspect de son travail. En marge de ces reportages, Don McCullin s'intéresse aux populations marginalisées dans sa propre ville, photographiant des sans-abris, des migrants, desouvriers. C'est là qu'émerge son regard social, hérité de l'enfant du Londres qu'il est. Celui d’un témoin précoce de la misère ambiante, qui sait cerner les fractures sociales de son pays, les laisséspour-compte de l’industrialisation, les recalés de la mondialisation.
Anobli en 2017 par la Reine, il est l’un des rares photographes à avoir reçu une telle distinction consacrant une carrière exceptionnelle. Aujourd’hui installé dans le Somerset, il se consacre à la photographie de paysage. Une transition qui pourrait surprendre. Mais finalement, pas tant que ça. Dans les ciels nuageux de la campagne anglaise, dans les ruines suppliciées de Palmyre, en Syrie, Don McCullin continue de voir la griffe de l’histoire et l'empreinte d’une violence. Ses photos, même de lieux paisibles, sont comme chargées de poudre. Comme un éternel écho aux théâtres de guerre qui ont façonné son regard de manière irréversible.
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Syrie, Palmyre, Vallée des Tombeaux [détruit par l’État Islamique en 2015]. |
De l'Air a 25 ans
Le 18 avril 2000 sortait dans les kiosques un magazine taille XL, imprimé sur un beau Papier pas glacé pour un sou, vendu 29 francs et promettant des “reportages d'un monde à l'autre››. Doté d'une maquette élégante et originale (signée Gilles Poplin, l'un des cofondateurs), de l'air souffle un vent nouveau dans l'univers de la presse photo. Pas de star ni de top en couv, pas de tests produits ni de conseil sur l'utilisation d'un filtre couleur à l'intérieur, mais des reportages de jeunes photographes alors comme Grégoire Korganow et Julien Chatelin, tous deux cofondateurs, Olivier Culmann (Tendance floue), Guillaume Herbaut, le regretté Jérôme Brézillon et Isabelle Eshraghi (VU') qui
nous avait présenté une perse inconnue, Shadi Ghadirian, autrice d'une couverture collector !
Ce premier numéro consacré à la jeunesse iranienne fut un succès. Public et critique. Heureusement, car la pub se montrait discrète dans les pages de ce journal difficile à classifier. Il y avait bien une voiture qui ne roulait pas à l'électricité, une pellicule qui vantait des couleurs éclatantes, un téléphone
qui se contentait de téléphoner, un opérateur qui nous promettait la lune avec un nouveau service appelé l'Internet... Un autre monde dans lequel de l'air, financé avec quelques milliers de francs, totalement indépendant, inaugurait une nouvelle ère, celle de la presse photo d'auteur. Vingt-cinq ans
après, au temps des écrans, de l'air persiste, insiste, résiste. Certes, le reportage n'est plus l'apanage du magazine, le format a rétréci, les finances toujours tendues, mais le désir de donner à voir dure. De l'Air
Concours photo CEWE (Insta de CEWE France)
Découvrez, au travers de cette exposition, 10 photos gagnantes du CEWE Photo Award 2023, prises par des photographes français. Le CEWE Photo Award est le plus grand concours photo au monde, organisé par CEWE, leader européen de l'impression photo. Gratuit et ouvert à tous, sa mission est de promouvoir la photographie et de révéler les talents de photographes à travers le monde, qu'ils soient amateurs ou professionnels. Les candidatures pour l'édition 2025 viennent de se terminer. La prochaine édition commencera en mai 2026. Un total de 1000 gagnants se partageront une dotation exceptionnelle de 250 000€. Et pour chaque photo déposée, CEWE reversera 10 centimes à son association de cœur, SOS Villages d'Enfants International.
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Saint-Malo |