Revue de web de la semaine 1, 2023

Fil conducteur de la semaine, le principe de base des systèmes complexes : le tout est plus que la somme des parties. Si un article est indisponible, contactez-moi. Traduction automatique corrigée deepl.com.

 

Extraits :

La “polycrise” est peut-être un mot à la mode, mais elle pourrait nous aider à résoudre les problèmes du monde (anglais), Michael Murray Lawrence, 11 déc. 2022

Les commentateurs avertissent de plus en plus souvent que le monde est englué dans une “polycrise”, c'est-à-dire un enchevêtrement de crises qui touchent tous les systèmes mondiaux. Mais si nous avons le moindre espoir d'y échapper, nous devons réfléchir plus attentivement à ce que signifie réellement la polycrise.

« Jamais auparavant les activités humaines n'ont poussé les systèmes écologiques de la planète si loin dans le déséquilibre que tous les autres systèmes mondiaux sont en danger, de la production alimentaire au commerce mondial en passant par la sécurité internationale.

Certains chercheurs ont ajouté d'autres couches au concept de polycrise, soulignant qu'une polycrise crée des dilemmes dans lesquels les tentatives de résoudre une crise en aggravent une autre, comme lorsque les mesures de réduction de la pauvreté augmentent les émissions de combustibles fossiles. » Cascade Institute

 

 

Pourquoi les crises du climat et de la biodiversité sont liées (payant), Audrey Garric, Le Monde, 12 déc. 2022

De plus en plus de scientifiques appellent à aborder ensemble les deux questions, le réchauffement aggravant la destruction des écosystèmes – et vice-versa.

 « « La cause ultime de ces deux crises a à voir avec le modèle de société global, en particulier l’évaluation du progrès fondé sur la croissance ainsi que les systèmes institutionnels, de valeur et technologiques qui vont avec » (...)

Certaines zones auraient dépassé un point de non-retour. « Si beaucoup d’écosystèmes deviennent des sources permanentes de carbone, peu importe alors ce que fera l’homme pour réduire ses émissions, ces processus naturels seront trop forts »
 

Climat : « Les pays africains doivent considérer la nature géopolitique et géostratégique de l’énergie », La Tribune, 19 déc. 2022

Expert en développement durable et en énergie depuis bientôt 40 ans, le Professeur Youba Sokona est Vice-président du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) qu’il a rejoint en 1990. Dans cette conversation avec La Tribune Afrique, il partage ses convictions sur la manière dont le continent devrait aborder ce tournant décisif de son développement face à la contrainte climatique.

« l'énergie est un moyen pour satisfaire les besoins socio-économiques. Il n'y a aucun endroit au monde où on a pu améliorer les conditions de vie des gens sans aborder convenablement la question de l'énergie. On ne peut rien faire dans la vie sans énergie. Résoudre la question de l'énergie, c'est résoudre à peu près 70 à 80% des problèmes d'un pays.

Quand on regarde toutes les tensions existantes dans le monde, il y a en toile de fond la question de la maîtrise de l'énergie. La crise ukrainienne, c'est quoi ? C'est l'énergie. Le problème de l'agriculture, c'est quoi? C'est l'énergie. (…)

On parle très souvent d'industrialisation. Mais l'industrialisation est liée à l'énergie. La grande question aujourd'hui est de savoir quelle est l'option énergétique qui permette d'industrialiser nos pays. Actuellement, ce n'est pas avec les énergies renouvelables que nous pouvons le faire.

Si nous ne résolvons pas l'équation de l'énergie, nous ne pouvons pas nous industrialiser. Même de manière impropre, il n'y a aucune possibilité pour l'Afrique de s'industrialiser sans avoir au préalable résolu la question de l'énergie. L'énergie est le ba.-ba de tout développement. Pourquoi hier les gens sont allés en Chine? Pourquoi aujourd'hui les Chinois délocalisent-ils en Ethiopie? C'est tout simplement parce que l'essentiel du système énergétique éthiopien -surtout l'électricité- provient de l'hydroélectricité, à un coût très bas.

Cependant, il y a des types d'industries à l'heure actuelle qui ne peuvent pas fonctionner avec le renouvelable. C'est le cas par exemple de l'industrie du ciment, de l'aluminium et tout ce qui concerne la sidérurgie … »
 

La transition écologique, un leurre doublé d’une chimère !, Fabrice Bonnifet, 3 janv. 2022

Lors de ses vœux du Nouvel An, Emmanuel Macron a martelé que la France devait gagner la “bataille” de la transition écologique. On en est très loin, pointe Fabrice Bonnifet, membre du groupe Bouygues et président du C3D, le Collège des directeurs du développement durable, qui nous livre son nouvel édito.

«  La transition n’aura jamais lieu tant que nous n’accepterons pas de faire le deuil d’une économie ultra-financiarisée et mondialisée, qui refuse par essence de choisir entre l’essentiel et l’accessoire. En outre, on entend que la sobriété, c’est consommer mieux, comme si nous avions peur de dire qu’il nous faut désormais consommer moins, comme l’implorent tous les rapports du Giec.

On nous raconte que les énergies renouvelables (ENR) peuvent remplacer les énergies fossiles. Mais ouvrons les yeux ! Le mix énergétique mondial est encore aujourd’hui à 83% carboné, et depuis toujours, les différentes sources d’énergie ne se sont jamais substituées, mais se sont empilées. Dès lors, qui peut affirmer que nous allons pouvoir atteindre la neutralité carbone planétaire dans seulement 27 ans, grâce au remplacement de la totalité de la capacité de production thermique par son équivalent à base d’ENR ? (...)

il est urgent d’arrêter de mentir sur une pseudo transition qui factuellement n'existe pas, d’accepter enfin la réalité de la finitude du monde, d’avoir la lucidité de regarder l’implacabilité des faits avant d’émettre des opinions. Bref, la sagesse d’une véritable transition juste nous imposerait d’engager immédiatement une réduction planifiée et démocratique de la production et de la consommation dans les pays riches, pour réduire les pressions environnementales et les inégalités, tout en améliorant la qualité de vie de tous les citoyens du monde. Mais l'humanité ne fera pas cela (…) »
 

« Le mythe de la souveraineté énergétique » (payant), Jean-Baptiste Fressoz, déc. 2022

La complexité des chaînes de valeur de la production d’énergie – y compris nucléaire – rend inopérante l’idée d’une « indépendance » énergétique, observe l’historien Jean-Baptiste Fressoz dans sa chronique.

 

En Europe, le risque démocratique de la crise énergétique, La Tribune, 14 déc. 2022

La compétition acharnée qui se profile pour l’approvisionnement en gaz naturel liquéfié (GNL) entre l’Europe et l’Asie risque de provoquer des prix d’achat très élevés pour arracher les contrats, voire des pénuries. Et ce, dès l’hiver prochain. De tels scénarios constituent une menace pour les démocraties européennes. Car en fragilisant l’industrie - et l’emploi industriel -, la crise énergétique favorise la montée des extrêmes, de gauche comme de droite. Un risque d’autant plus grand que les pays européens sont pour l’heure incapables de s’accorder sur des réponses collectives pour faire baisser les prix de l'énergie.

« la crise énergétique pourrait porter le coup de grâce [à la démocratie en Europe] si le gaz venait à manquer ou si les prix actuels de l'énergie devaient s'installer dans la durée. Pourquoi ? Parce que, s'ils se confirmaient, de tels scénarios risquent fort de balayer l'industrie européenne et, par ricochet, l'emploi industriel, le meilleur rempart face à la montée des mécontentements sur lesquels surfent les extrêmes en tout genre. Quand l'industrie recule, la colère monte et les partis extrémistes aussi. En témoigne la poussée de l'extrême-droite depuis les années 1980, marquée par l'accélération de la mondialisation et son cortège de délocalisations. (...)

Ironie de l'histoire, cette menace sur l'industrie gagne du terrain au moment même où le mouvement de réindustrialisation enclenché ces dernières années commençait à porter ses fruits, en France notamment, et que l'Europe commence à prendre enfin conscience de l'importance de ce secteur d'activité pour assurer sa souveraineté. »


De l’état des lieux en termes de minerais au Low-Tech et à la sobriété, La pensée écologique, 14 déc. 2022

Entretien avec Emmanuel Hache, économiste à IFP Énergies nouvelles, directeur de recherche à l’IRIS

 « (…) le destin des matières premières minérales, des métaux et de l’énergie est en très large partie lié. Les métaux ont constitué un important levier des industries énergétiques carbonées (construction des infrastructures de production et de transport du charbon, du gaz et du pétrole), mais également des énergies renouvelables. Sans métaux, pas d’énergie et pas de métaux sans énergie. Il existe ainsi une relation symbiotique entre l’ensemble de ces ressources naturelles. (...)

en raison de la diminution de la concentration des minerais, notamment dans le secteur du cuivre, davantage de minerais doivent être extraits pour obtenir une même quantité de cuivre, avec en corollaire une hausse de la consommation d’énergie, d’eau et de déchets miniers. La taille des mines a ainsi tendance à augmenter au cours du temps, ce qui renforce les dégradations environnementales et l’empreinte d’un site minier. La question de la consommation en eau est de ce point de vue fondamentale, à la fois au regard de sa disponibilité, mais également de sa qualité.

En 2019, l’extraction de matériaux (biomasse, énergie, minerais métalliques et non métalliques) nécessaire à nos cadres de vie était d’environ 34 kg par tête et par jour au niveau mondial, contre 24 kg en 1980. Elle pourrait atteindre près de 45 kg par jour et par personne en 2060, avec la poursuite de l’urbanisation, le développement des infrastructures et la production de biens de consommation. Les seuls minerais métalliques ont vu leurs extractions multipliés par 3,5 au niveau mondial depuis 1970. Il faut donc ralentir de manière urgente notre consommation de matières premières et de manière plus globale ralentir nos styles de vie. Les pouvoirs publics doivent ainsi travailler à des politiques de formation à la circularité des biens de consommation, et encourager tous les leviers (recyclage, mobilité soutenable) permettant de diminuer les pressions sur les ressources en informant les consommateurs sur les conséquences invisibles des décisions de consommation. Des outils existent et doivent être développés, mais il faudrait aller encore plus loin ! Il faut parler de sobriété matériaux d’un point de vue global et changer l’ensemble des représentations attachées à la consommation et c’est un travail de longue haleine. L’enjeu est aussi bien réglementaire (bannir le jetable, légiférer sur le délit d’obsolescence programmée, etc.) que sociologique (représentations, mimétisme) et prospectif. (…) »


Métaux stratégiques : et si les pays producteurs se regroupaient en cartel du type OPEP ?, Emmanuel Hache, Pauline Bucciarelli et Valérie Mignon, Connaissances des énergies, 15 déc. 2022

« Les matériaux stratégiques ou critiques constituent ainsi aujourd’hui un enjeu majeur des politiques de décarbonation mondiales qui impose de réfléchir à trois questions :

la disponibilité géologique des minerais ; la dépendance stratégique des pays consommateurs ; la cartellisation de certains marchés de métaux, à l’image de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). »

 

Automobile : les trois raisons qui expliquent l’explosion des ventes de voitures électriques en Norvège, La Tribune, 4 janv. 2023

« la décision des gouvernements successifs de fortement subventionner l'achat de véhicules électriques (…)

les incitations à rouler en véhicules électriques : exemption de toutes taxes, notamment la TVA, réduction voire gratuité pour les tarifs des péages urbains de ferrys et de stationnement sur les parkings publics. (...)

« Ils ont eu une constance économique pendant 20 ans, exemptions fiscales sur bornes de recharges, des avantages sur l'autoroute. C'est cette cohérence dans le temps qui a eu un impact fort » (...)

Une deuxième explication de ce succès norvégien dans le passage au tout électrique peut se trouver dans le pouvoir d'achat des habitants nordiques. « C'est un pays avec de gros revenus. Le PIB par habitant en Norvège est de 80.000 dollars quand il est de 35.000 dollars en France »


Un nouvel ordre énergétique mondial prend forme (anglais, payant), Rana Foroohar, Financial Times, 3 jan. 2022

Le commerce mondial du pétrole se dédollarise lentement mais sûrement

Traduction de l'article

« "la naissance du petroyuan"(...)

"La Chine veut réécrire les règles du marché mondial de l'énergie", dans le cadre d'un effort plus large de dédollarisation des pays dits Bric (Brésil, Russie, Inde et Chine), et de nombreuses autres régions du monde après la militarisation des réserves de change en dollars suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie. (...)

Pour commencer, beaucoup plus de commerce pétrolier se fera en renminbi. (...)

La perspective d'une énergie bon marché attire déjà les entreprises industrielles occidentales vers la Chine. Il suffit de penser à la récente décision de l'entreprise allemande BASF de réduire son usine principale de Ludwigshafen et de transférer ses activités chimiques à Zhanjiang. Cela pourrait être le début de ce que Pozsar appelle une tendance "de la ferme à la table", dans laquelle la Chine tente de capter localement davantage de production à valeur ajoutée, en utilisant l'énergie bon marché comme appât. (Un certain nombre de fabricants européens ont également augmenté le nombre d'emplois aux États-Unis en raison des coûts énergétiques moins élevés dans ce pays). (...)

Les pétrodollars ont également accéléré la création d'une économie plus spéculative, alimentée par la dette aux États-Unis, car les banques débordant de liquidités ont créé toutes sortes de nouvelles "innovations" financières, et l'afflux de capitaux étrangers a permis aux États-Unis de maintenir un déficit plus important. (...)

il y a moins d'acheteurs étrangers pour les bons du Trésor américain. Si le pétroyuan décolle, cela alimentera le feu de la dédollarisation. Le contrôle par la Chine de réserves énergétiques plus importantes et des produits qui en découlent pourrait être un nouveau facteur important d'inflation en Occident. C'est un problème à combustion lente, mais peut-être pas aussi lente que certains acteurs du marché le pensent.  »

Combien va nous coûter le choc énergétique ?, Fipaddict, Alternatives Economiques, 20 déc. 2022

« Le coût de la crise énergétique correspond donc à la somme de deux effets : le ralentissement de la croissance en volume du PIB, d’une part, et la baisse du pouvoir d’achat de ce PIB en volume, d’autre part. (…)

Pour la France, la perte de revenu s’élève ainsi à 2,7 % environ sur 2022, soit près de 70 milliards d’euros. Elle s’approche même de 5 % en Allemagne et en Espagne.

Il s’agit donc d’un choc considérable : à titre de comparaison, le PIB a reculé de 3,9 % en France pendant la grande crise financière de 2008-2009. (...)

Un impact à long terme inquiétant

Ce qui devrait à mon sens nous inquiéter, c’est moins le niveau du soutien budgétaire à court terme que l’impact durable du choc énergétique sur le potentiel de production des économies européennes. (...)

Plutôt que de s’écharper sur le retour du « quoi qu’il en coûte », la priorité devrait donc être de débattre des moyens les plus efficaces pour permettre au tissu productif et aux ménages de s’adapter à des prix de l’énergie durablement élevés… et ce d’autant plus qu’après avoir renoncé au gaz russe en quelques mois, il faudra abandonner les énergies fossiles en trente ans !

Dans cette perspective, il est douteux que le maintien d’un bouclier tarifaire anesthésiant le signal-prix constitue une stratégie gagnante à moyen terme. La solution allemande consistant à subventionner uniquement la consommation de base des ménages et des PME, qui préserve l’incitation à réaliser des économies d’énergie, apparaît mieux calibrée aux défis qui s’annoncent. »

 

L’État et les länder détaillent plusieurs mesures clés du bouclier anti-inflation, Ministère fédéral des Affaires étrangères (Allemagne), 7 nov. 2022

« Un frein tarifaire prendra le relais au 1er mars 2023 (voire dès février si possible). Il plafonnera le tarif du gaz à 12 centimes d’euro le kilowattheure sur la consommation de base (correspondant à 80 % de la consommation de l’année précédente) (...)

Pour l’électricité, le frein tarifaire prendra effet au 1er janvier 2023. Il plafonnera le tarif à 40 centimes d’euro le kilowattheure sur la consommation de base (80 % de la consommation de l’année précédente). (...)

25 000 grandes entreprises industrielles jouiront d’un plafond tarifaire fixé à 7 centimes d’euro le kilowattheure pour le gaz et à 13 centimes d’euro pour l’électricité. Il s’appliquera à partir du 1er janvier 2023 sur un volume équivalent à 70 % de leur consommation de 2021. »

 

Réconcilier l’économie et les interactions sociales, Dialogues économiques, 30 nov. 2022

Interactions et normes sociales sont au cœur de l’existence humaine. Elles influent tous les aspects de notre vie et sont donc un facteur à prendre en compte dans toutes les disciplines scientifiques. Pourtant, de nombreux modèles en économie les ignorent. Les économistes, Marc Fleurbaey, Ravi Kanbur et Dennis Snower, tentent de changer cette perspective et d’incorporer l’économie dans le tissu des interactions sociales.

« En 1954, Kenneth Arrow et Gérard Debreu prouvent l’existence d’un équilibre entre l’offre et la demande dans une économie de marché avec plusieurs produits : l’équilibre de « concurrence parfaite ». En d’autres termes, ils montrent que sous certaines conditions, il existe un ensemble de prix tel que l’offre et la demande de chaque bien sont à l’équilibre. Un postulat de cette approche est l’exclusion des interactions sociales à l’exception du commerce. (…)

Cette exclusion des interactions sociales conduit à une vision faussée du monde : l’économie réelle est comme observée à travers un prisme déformant. »

 

Gillian Tett: “Le monde obéit aussi à des modèles tribaux”, L'Echo, 3 juil. 2021

Anthropologue de formation, la journaliste du Financial Times décortique la société et l'économie via le prisme de cette discipline.

 « En anthropologie, vous devez transformer l’"étrange" en “familier” et le “familier” en “étrange”. Vous devez être capable de changer de points de vue et vous placer dans la mentalité de quelqu’un qui vous est culturellement complètement étranger. »
 

Puces : la nouvelle course aux armements (anglais), Michael Roberts, 11 déc. 2022

Les semi-conducteurs pourraient être au vingt-et-unième siècle ce que le pétrole a été au vingtième. Si c'est le cas, l'histoire des semi-conducteurs sera l'histoire du vingt-et-unième siècle. " (Larry Summers)

« (...) Miller soutient de manière imagée que les micropuces sont le nouveau pétrole - la ressource rare dont dépend le monde moderne. Aujourd'hui, le pouvoir militaire, économique et géopolitique est construit sur la base des puces informatiques. Pratiquement tout, des missiles aux micro-ondes, des smartphones au marché boursier, fonctionne avec des puces. Jusqu'à récemment, l'Amérique concevait et fabriquait les puces les plus rapides et conservait son avance en tant que superpuissance. Mais aujourd'hui, l'avantage des États-Unis est en train de s'effriter, miné par les concurrents de Taïwan, de la Corée, de l'Europe et, surtout, de la Chine. Comme le révèle Chip War, la Chine, qui dépense chaque année plus d'argent pour importer des puces que pour importer du pétrole, consacre des milliards à une initiative de production de puces pour rattraper les États-Unis. L'enjeu est la supériorité militaire et la prospérité économique de l'Amérique. (...)

Plus encore que le commerce traditionnel et la production manufacturière, et plus encore que la puissance financière, Miller affirme que celui qui sera le leader et  dominera la production de puces dominera l'économie mondiale. (...)

La Chine est la véritable cible et la bataille pour briser les avancées technologiques de la Chine est loin d'être gagnée. (...)

La lutte pour maintenir la suprématie des États-Unis et réduire le développement de la Chine (et, espérons-le, provoquer un "changement de régime") sera très coûteuse pour l'économie américaine, mais apparemment, elle en vaut la peine au détriment du commerce et de la production mondiaux - et même de la paix mondiale. (...)

Ce qui est réellement en jeu, c'est la suprématie mondiale des États-Unis. Et cela est plus important que l'expansion du commerce et de la technologie au profit de tous. Les stratèges américains craignent que la Chine puisse encore surmonter les obstacles que les États-Unis mettent sur son chemin. Cette crainte est en fait fondée sur la planification des investissements par l'État chinois, que les théoriciens de droite ont appelée "économie de la force brute" parce qu'elle ne s'appuie pas sur le "marché libre". "Dans l'industrie des semi-conducteurs, par exemple, le programme de Pékin est clairement affiché. Il s'appuie sur des montants massifs de soutien de l'État, sur le vol ciblé de la propriété intellectuelle pour aider les champions nationaux, sur le transfert de connaissances des experts techniques formés aux États-Unis et dans les pays alliés, et sur le traitement préférentiel des entreprises nationales pour faire pencher le terrain de jeu en sa faveur."»

Evolution des parts de marché de la fabrication de semi-conducteurs1990-2020 - FT via Roberts


Friends or Frenemies?: Significant Trans-Atlantic Divides Emerge in Global Chip War, Der Spiegel, 2 déc. 2022

U.S. President Joe Biden has adopted a heavy-handed approach to China and hopes to cut Beijing off from modern chip technologies. To do so, he will need European support. Will he get it?

« New, de facto monopolies have emerged, with enormous significance for central areas of the global digital economy. The Dutch company ASML, for example, is the only company in the world whose processes can produce highly integrated circuits measuring only five nanometers. One of its most important customers, Taiwan’s TSMC, now produces around 90 percent of the ultramodern semiconductors needed by U.S. tech giants.

As such, the company is at the center of what is probably the greatest geo-economic risk scenario of the present day. If a war were to break out over Taiwan, which Chinese leader Xi Jinping has not ruled out, the global economy could suddenly lose one of its most important raw materials. The economic dangers of a chip crisis are “about 10 times greater than a failure of Russian gas supplies,” says one Brussels-based industry expert. (...)

the U.S. government is moving not only to cut off China’s supply of recent generations of chips. It is also seeking to prevent China from emerging as a competitor in quantum computing, artificial intelligence, biotechnology and renewable energies. At the same time, Biden’s security advisor Jake Sullivan wants to use the billions in subsidies from the U.S. CHIPS Act to ensure that large parts of the value chain are once again firmly rooted in U.S. soil: from raw materials to factories to recycling. (…)

Baden-Württemberg machine manufacturer Trumpf, for example, generates almost a fifth of its sales with ASML, for which it supplies the lasers for its most advanced machines. The latest U.S. regulations won’t directly affect that, because exports of high-end systems to China were already prohibited before. Managers at Trumpf are nonetheless concerned about possible Chinese countermeasures in the wake of the U.S. boycott.

If China were to stop supplying connectors, cables or electronic components, it would “severely impact production,” says company owner Nicola Leibinger-Kammüller. In addition, China is a “large sales market” that can’t be eliminated “without serious consequences,” she says. “I don’t even want to imagine what would happen in Germany if the Chinese market for automotive and mechanical engineering disappeared.” (…)

a letter of warning published by a number of top German executives after the recent visit by Chancellor Olaf Scholz to China. “Despite all the challenges,” the letter states, the “fundamental growth momentum” will continue in China. It then continued: “Withdrawing from China would cut us off from these opportunities,” which is why it is “in Germany’s very best interest” to continue cooperating with China. (...)

To catch up, he says, Europe must promote the establishment of complete value chains – from research and development to manufacturing and software solutions – around semiconductors. That’s how the Americans do it. They intend to pump $52 billion into the chip industry in America, much of it into research and development. (...)

The chip giants can play the countries off against each other in the poker for stimulus money, factory land and favorable corporate taxes. (…)

in 2019, Huawei made an appearance in the top group of global mobile phone manufacturers, briefly even taking first place, ahead of Samsung and Apple. But then, the U.S. government cut off its supply of semiconductors. It is now a shadow of its former self. Huawei is now no longer even in the top five, and in the first half of 2022 alone, revenues in the company’s mobile phone unit fell by 25 percent. (…)

the losers in the technology race also include Western consumers, who will have to brace themselves for rising prices. China mainly manufactures components from earlier generations of technology. If the country is completely cut off from the global market, then these chips are likely to become scarce and more expensive as a result. Just as energy and raw materials are today, microchips could soon become a driver of inflation in Western economies. (…)

the European Commission in Brussels is finding it difficult to pursue a clear course. On the one hand, the EU’s executive body is disappointed with Washington’s heavy-handed approach, in controlling chip exports and with the Inflation Reduction Act. These decisions could “divide the West,” French President Macron has scolded.

On the other hand, Brussels is also aware that Europe doesn’t need a major trade conflict with Washington right now. The Europeans are dependent on the Americans for financial and military support for Ukraine, just as they are for the enforcement of sanctions against Russia. (…) »

Russie, Chine : comment les patrons français se préparent à la nouvelle géopolitique des affaires, Marc Endeweld, déc. 2022

Après le choc de la crise ukrainienne, les entreprises françaises se sont désengagées de Russie et veulent réduire leur exposition au risque géopolitique chinois. Le différentiel de coût de l'énergie entre les Etats-Unis et l'Europe est en train de mettre à terre l'industrie européenne. Notre modèle économique passera-t-il l'hiver ? Si c'est un simple dos d'âne oui, mais si c'est un changement durable, il faudra revoir nos certitudes et cesser notre naïveté. Enquête.

« Carlos Tavares, le directeur général du groupe Stellantis, ne prenait pas de pincettes pour commenter la situation du business en Chine : « Cela fait plusieurs années qu'à travers les discussions et négociations, j'ai perçu un changement de comportement de la part de nos partenaires d'affaires en Chine. La politisation du modèle d'affaires chinois est allé crescendo depuis 5 ans (…) Pour tous les acteurs occidentaux, vendre des véhicules en Chine devient de plus en plus difficile ». (…)

Quand il y a des sanctions croisées entre l'Occident et des Etats non-occidentaux, les premières victimes ce sont les entreprises occidentales. (…)

La Chine, vue avant la crise du Covid-19 comme un véritable eldorado, est désormais regardée avec méfiance et même crainte. Pour les grandes entreprises occidentales, l'ex-empire du Milieu n'apparaît plus comme la solution à tous leurs problèmes. Le géant asiatique est plutôt perçu désormais comme une cause potentielle de risques futurs. (…)

Quelques mois plus tôt, la guerre en Ukraine avait déjà sonné le glas d'une certaine forme de globalisation, celle que l'Occident avait promu depuis la chute de l'Union soviétique en 1991, d'abord à grand coup de sommets internationaux sur le commerce des marchandises, puis à travers la création de l'OMC en 1995 centrée sur les services et l'immatériel. C'était la grande époque du libre-échange, toutes les barrières devaient sauter, pour la plus grande joie des investisseurs internationaux et des financiers. Loin d'apparaître comme une menace, la Chine devenait à bas bruit « l'atelier du monde ». En Europe, la mode était au fabless, aux entreprises sans usines. On pensait conserver facilement les activités à plus forte valeur ajoutée au sein des pays dits « développés ». (...)

avant la guerre, la France était le premier employeur étranger en Russie avec 700 filiales dont celles de 35 groupes du CAC 40 (…)

« Au-delà de la crise énergétique, on constate un repli sur soi planétaire », alerte le président de la CPME. Le chef d'entreprise s'étonne notamment des choix faits par Berlin, qui a décidé cette automne l'instauration d'un « bouclier énergétique » à travers une enveloppe exceptionnelle d'aides et de subventions de 200 milliards d'euros, contrevenant aux règles de Bruxelles, et ce, sans aucune concertation avec les autres partenaires européens. « Au sein même de l'Union Européenne, certains se taillent la route sans se poser la question de l'unité. Il va falloir se ressaisir. L'Europe, c'est une vraie force, mais si chacun joue sa partition dans son coin, on va vers l'éclatement du marché unique. C'est une chose de se faire la guerre entre grandes zones de puissance économique, mais se faire la guerre au sein de la même zone… » (…)

L'instauration de l'IRA (« Inflation reduction act ») par l'administration Biden, ce vaste plan d'investissement de 337 milliards de dollars pour la transition énergétique, inquiète particulièrement François Asselin qui estime que « les grandes entreprises qui ont des sites industriels vont être tentés ou commencent à délocaliser ». (...)

Drôle de période où grands patrons et responsables patronaux reprennent le vocabulaire que certains intellectuels critiques du capitalisme financier utilisaient depuis vingt ans comme un certain… Emmanuel Todd. (…)

Fabriquer en Chine devient compliqué, mais acheter des composants électroniques chinois également du fait des nouvelles sanctions américaines : « C'est devenu aussi compliqué que de réaliser des transferts bancaires, témoigne Jean-Paul Smets. Les outils de contrôle commercial servent à maintenir la domination de l'industrie américaine. Ils veulent s'assurer que la valeur ajoutée est créée chez eux et pas ailleurs, ils veulent ré-internaliser la valeur ajoutée aux États-Unis. Résultat, on ne sait plus où l'on peut vendre certains composants 5G ou les assembler. Selon les relations diplomatiques des pays avec les États Unis, c'est oui ou non ». De fait, Rapid Space ne voit pas rompre toute relation avec la Chine car, son domaine, c'est « le seul pays qui fournit de quoi de ne pas dépendre d'une décision arbitraire des États-Unis », estime Jean-Paul Smets. Ajoutant : « Finalement, l'Allemagne a raison de continuer de coopérer et de commercer avec la Chine pour ne pas totalement dépendre des États-Unis ». Le découplage économique avec la Chine ardemment souhaité par certains à Washington n'est donc pas forcément dans l'intérêt de l'Europe… (…)

Renaud Guidée, directeur des Risques au sein du groupe AXA (…) « Le monde se complexifie. Avec l'innovation et la croissance, le paradoxe, c'est qu'il y a davantage de risques que par le passé. Du fait des interconnexions, les menaces sont de plus en plus mondiales. La science et l'innovation créent de nouveaux risques. Risque et progrès sont indissociables. (...) »

Pour Renaud Guidée, le monde est en train de séparer en trois grands blocs : « Un bloc chinois dont la figure centrale est l'État, le bloc américain avec la figure centrale de l'entreprise, la volonté de promouvoir le business et l'innovation, et l'Europe qui essaye de subsister comme bloc, centré sur le citoyen allocataire et consommateur, avec la protection des données comme valeur centrale ». Selon lui, « l'Europe tient la prospérité comme acquise » et fait preuve d'une « très grande naïveté vis-à-vis de la Chine, qui produit la moitié des terres rares et en assure 90 % de leur transformation ». Face à l'impératif climatique, « on n'est pas capable d'assurer la transition énergétique sans la Chine », rappelle cet expert, qui constate dans le même temps que l'Union Européenne se limite à « édicter des normes » sans proposer un programme d'investissements pour contrebalancer les effets de l'IRA américain. « Les États-Unis sont en train de faire un bon de géant en mobilisant de l'argent pendant que l'Europe édicte des normes ».

Dans Challenges, Benoit Bazin, directeur général de Saint-Gobain, ne disait pas autre chose il y a quelques jours : « Aujourd'hui, la Chine et les Etats-Unis disposent d'une énergie beaucoup moins chère, de réglementations moins contraignantes, alignent autant voire plus de milliards et se montrent plus protectionnistes. L'Europe ne doit pas être naïve (…) Les Etats-Unis conditionnent carrément les aides à leurs industriels au bannissement de composants importés et, alors que les produits chinois déferlent en Europe, la Chine, elle, contrôle strictement les importations et les investissements étrangers. L'Europe devrait, elle aussi, plus fonctionner en boucle fermée avec ses propres chaînes d'approvisionnement continentales. C'est un enjeu majeur à la fois industriel et géopolitique ». (…)

l'industrie de la chimie est une grande consommatrice d'énergie : ainsi, 70 % du coût de fabrication de l'ammoniac correspond aux dépenses d'énergie. « On a pu estimer l'écart de compétitivité entre les États-Unis et l'Europe, en incluant le coût de transport, entre 30 et 50 % », souligne-t-on chez France Chimie. Un écart considérable.

Résultat, à l'automne, l'industrie chimique européenne se retrouve quasiment à l'arrêt. En quelques jours, près de 60 % des capacités de production d'ammoniac sont mises en stand by. Concernant le PolyChlorure de Vinyle (PVC), c'est près de 30 %. Dans le même temps, les importations d'ammoniac venant des États-Unis ont été multipliées par quinze. À France Chimie, on multiplie les alertes auprès du gouvernement. Tous les signaux sont aux rouges : « Cela se traduit par une balance commerciale de la chimie européenne négative depuis le début des statistiques dans le domaine ! »

Cela se sait peu, mais la chimie reste en France le premier secteur industriel exportateur, tiré par l'industrie des cosmétiques, au coude-à-coude avec l'aéronautique. En Allemagne, le secteur de la chimie souffre bien plus des hausses du prix de l'énergie qu'en France, car les activités présentes sont plus dépendantes du gaz, car plus électro-dépendantes. Sauf que l'Allemagne est le premier client de la France dans le secteur. Résultat, les mauvais résultats de la filière outre-Rhin influent directement sur l'activité en France qui a d'ailleurs baissé cet automne entre 15 % et 20% par rapport à l'année dernière. (…) »

 

Chine : derrière la volte-face sur la politique “Zéro Covid”, la répression à l’œuvre, Asialyst, 7 déc. 2022

Le régime chinois a annoncé mercredi 7 décembre un revirement majeur dans sa politique du « zéro Covid » à travers un allègement des restrictions sanitaires. Une victoire pour la contestation populaire inédite depuis trois décennies en Chine ? En parallèle de cet assouplissement réglementaire, l’énorme machine de la censure et la répression sont à l’œuvre pour enterrer ce qui s’est cristallisé autour de ce vaste mouvement contre la gestion de la pandémie.

« La censure chinoise est une machine très sophistiquée. Elle réunit, selon certains experts, quelque 200 000 personnes qui travaillent 24 heures sur 24 avec pour mission de traquer tous les messages « déviants » ou « subversifs » sur la toile, de nature à porter tort au Parti ou au gouvernement. Aussitôt découvert, le message est supprimé, tout comme le lien qui conduisait à lui. Selon une source informée, les censeurs chargés de TikTok travaillent devant leur écran dix heures par jour, sous la surveillance étroite d’un chef placé derrière eux, de façon à avoir un regard plongeant sur leur travail contrôlé en temps réel. Si les censeurs de base risquent leur emploi en cas de mauvaise performance, leurs chefs risquent la même chose puisqu’ils sont eux-mêmes surveillés, mais à distance. Les censeurs les plus efficaces sont récompensés. Les mauvais sont licenciés. Cette surveillance oblige les censeurs du haut en bas de l’échelle à faire preuve d’un zèle irréprochable où les états d’âme n’ont pas droit de cité. (…)

le régime chinois a lui-même commis au moins deux erreurs funestes que la population chinoise n’a pas fini de payer. La première est le refus d’utiliser les vaccins occidentaux à ARN messager dont l’efficacité prouvée est très nettement supérieure aux vaccins chinois Sinopharm et Sinovac. Ceci pour des raisons de fierté nationale, Pékin et sa propagande ne pouvant accepter l’évidence : les faiblesses de la recherche scientifique et médicale chinoise comparée à celle de l’Occident. La deuxième est le faible taux de vaccination dans le pays, en particulier chez les personnes âgées. D’où le risque grave d’une hécatombe avec l’assouplissement des contraintes sanitaires. Certaines études occidentales parlent de la possibilité d’un million de morts en Chine dans les mois qui viennent.

Selon les projections de Wigram Capital Advisors, un institut basé en Nouvelle Zélande spécialisé en macroéconomie asiatique, la disparition des mesures sanitaires pourrait créer une « vague hivernale » d’infections au Covid-19 qui se traduirait à terme par un million de morts avec un taux de mortalité quotidien de 20 000 décès à la mi-mars prochain. Un tel scénario submergerait le système hospitalier chinois dont la capacité en unités de soins intensifs est dix fois moindre que les 70 000 malades qui nécessiteraient une hospitalisation à cette date. En outre, les déplacements très nombreux occasionnés par le Nouvel An lunaire chinois accélérait encore ce scénario noir. (...)

Le régime chinois est donc pris en tenaille entre l’impérieuse nécessité de calmer les esprits et de redonner vie à une économie en pleine tourmente tout en évitant une hausse vertigineuse de la mortalité avec l’assouplissement des règles sanitaires. En outre, ce virage à 180 degrés est en lui-même un désaveu cinglant et rarissime pour Xi Jinping car il est celui qui a pris la décision de mener cette gestion de la pandémie et son principal architecte. « Le gouvernement chinois se retrouve dans une position inextricable qu’il a lui-même crée », estime Han Yang, un ancien diplomate chinois qui vit aujourd’hui en Australie, cité par le quotidien japonais Asia Nikkei. « Le « zéro Covid » porte la signature de Xi. Cette volte-face sera un coup porté à son autorité »

 

La série de billets du blog “le siècle le plus important” (anglais), Holden Karnofsky, Cold Takes, déc. 2021

« 5 points fondamentaux :

  • L'avenir à long terme est radicalement inconnu. Des avancées technologiques suffisantes pourraient conduire à une civilisation durable, à l'échelle de la galaxie, qui pourrait être une utopie radicale, une dystopie, ou n'importe quoi entre les deux.
  • L'avenir à long terme pourrait arriver beaucoup plus vite que nous le pensons, en raison d'une possible explosion de la productivité due à l'IA.
  • Il semble que le type d'IA approprié sera développé au cours de ce siècle, ce qui fait de ce siècle celui qui initiera et aura l'opportunité de façonner une future civilisation à l'échelle de la galaxie.
  • Ces affirmations semblent trop “ délirantes ” pour être prises au sérieux. Mais il y a de nombreuses raisons de penser que nous vivons à une époque folle et que nous devons être prêts à tout.
  • Nous, les personnes vivant dans ce siècle, avons la possibilité d'avoir un impact énorme sur un très grand nombre de personnes à venir - si nous parvenons à comprendre la situation suffisamment pour trouver des actions utiles. Mais pour l'instant, nous ne sommes pas prêts pour cela.

Cette thèse a un côté farfelu, de science-fiction. Elle est très éloignée de ce à quoi je m'attendais lorsque j'ai entrepris de faire le plus de bien possible.

Mais une partie de l'état d'esprit que j'ai développé grâce à GiveWell et Open Philanthropy est d'être ouvert aux possibilités étranges, tout en les examinant de manière critique avec autant de rigueur que possible. Et après avoir beaucoup investi dans l'examen de la thèse ci-dessus, je pense qu'elle est suffisamment probable pour que le monde ait besoin de s'y intéresser de toute urgence.

En écrivant sur le sujet, j'aimerais soit obtenir plus d'attention à son sujet, soit gagner plus d'opportunités d'être critiqué et de changer d'avis. »

Holden Karnofsky - Cold Takes

Mots-clés : “altruisme efficace” long-termisme “intelligence artificielle”

 

Comment ralentir le progrès scientifique selon Leo Szilard (anglais), Roots of Progress, 3 jan., 2023

Traduction

 

Dans le cerveau, ce sont les connexions qui commandent !, CNRS Le journal, 5 déc. 2022

Entretien avec Michel Thiebaut de Schotten, qui propose un nouveau modèle du cerveau permettant une meilleure compréhension de son fonctionnement et une meilleure prise en charge des troubles neurologiques.

« nous proposons que les fonctions cérébrales émergent non pas des seules aires cérébrales, mais de l’échange entre ces régions ; cela met les connexions au cœur du fonctionnement du cerveau. (...)

les connexions cérébrales ne sont plus considérées comme de simples canaux de transfert de signaux entre les régions du cerveau. Au contraire, elles apparaissent comme un chef d’orchestre, capable d’amplifier ou de réduire les signaux cérébraux et de favoriser le « dialogue » entre plusieurs régions cérébrales, en les interconnectant entre elles à un moment donné pendant une certaine durée. Ce faisant, elles permettent l’émergence de fonctions qui ne pourraient pas être exercées par les régions cérébrales prises isolément. Celles-ci pouvant être activées par des tâches très variées. Le cerveau apparaît alors comme un ensemble beaucoup plus dynamique dont peuvent émerger beaucoup plus de fonctions ! Bref, le fonctionnement intégré du cerveau grâce aux connexions cérébrales fait que, comme l’a écrit le philosophe grec antique Aristote, « le tout est supérieur à la somme de ses parties ». (…)

Il est désormais bien établi que l’architecture des réseaux neuronaux varie d’un individu à l’autre ; un peu comme l'information génétique, dont 0,1 % est différent d’une personne à l’autre. Cette « neurovariabilité » détermine qui nous sommes, puisque les différences de connectivité sont associées à des différences de performances dans certaines fonctions cognitives (mémoire, langage, motricité fine…). Mais point important, notre connectivité cérébrale peut beaucoup évoluer au fil de la vie, en fonction notamment des apprentissages. Lesquels peuvent entraîner l’apparition ou la disparition de certaines connexions, grâce au processus de plasticité cérébrale. (…) »

Comment ralentir le progrès scientifique Selon Leo Szilard, Jason Crawford

Comment ralentir le progrès scientifique Selon Leo Szilard (anglais), Jason Crawford, 3 janv. 2023


Leo Szilard - le physicien qui a été le premier à concevoir la réaction nucléaire en chaîne et qui a incité les États-Unis à entreprendre le projet Manhattan - a également écrit des romans. Son livre de nouvelles, The Voice of the Dolphins, contient une histoire intitulée "The Mark Gable Foundation", datée de 1948, dont je vous présente un extrait, sans commentaire :

« Je pense à créer un fonds fiduciaire. Je veux faire quelque chose qui contribuera vraiment au bonheur de l'humanité ; mais il est très difficile de savoir quoi faire avec de l'argent. Lorsque M. Rosenblatt m'a dit que vous seriez ici ce soir, j'ai demandé au maire de m'inviter. J'apprécierais certainement vos conseils."

"Auriez-vous l'intention de faire quelque chose pour l'avancement de la science ?" J'ai demandé.

"Non", a répondu Mark Gable. "Je crois que le progrès scientifique est trop rapide comme il est."

"Je partage votre sentiment sur ce point", ai-je dit avec la ferveur de la conviction, "mais alors pourquoi ne pas faire quelque chose contre le ralentissement du progrès scientifique ?".

"J'aimerais beaucoup le faire", a dit Mark Gable, "mais comment m'y prendre ?".

"Eh bien," ai-je dit, "je pense que cela ne devrait pas être très difficile. En fait, je pense que ce serait assez facile. Vous pourriez créer une fondation, avec une dotation annuelle de trente millions de dollars. Les chercheurs qui ont besoin de fonds pourraient demander des subventions, s'ils peuvent présenter un dossier convaincant. Faites nommer dix comités, composés chacun de douze scientifiques, pour examiner ces demandes. Prenez les scientifiques les plus actifs hors du laboratoire et faites-en des membres de ces comités. Et les meilleurs hommes dans le domaine devraient être nommés présidents avec un salaire de 50 000 dollars chacun. Il faudrait également prévoir une vingtaine de prix de cent mille dollars chacun pour les meilleurs articles scientifiques de l'année. C'est à peu près tout ce que vous auriez à faire. Vos avocats pourraient facilement préparer une charte pour la fondation. En fait, n'importe lequel des projets de loi sur la Fondation nationale des sciences qui ont été présentés aux soixante-dix-neuvième et quatre-vingtième Congrès pourrait parfaitement servir de modèle."

"Je pense que vous feriez mieux d'expliquer à M. Gable pourquoi cette fondation retarderait en fait le progrès de la science", dit un jeune homme à lunettes assis au bout de la table, dont je n'avais pas obtenu le nom au moment de la présentation.

"Cela devrait être évident", ai-je dit. "Tout d'abord, les meilleurs scientifiques seraient éloignés de leurs laboratoires et occupés à siéger dans des comités chargés d'examiner les demandes de fonds. Deuxièmement, les scientifiques qui ont besoin de fonds se concentreront sur des problèmes considérés comme prometteurs et qui sont à peu près sûrs d'aboutir à des résultats publiables. Pendant quelques années, il pourrait y avoir une forte augmentation de la production scientifique, mais en s'attaquant à ce qui est évident, la science se tarirait rapidement. La science deviendrait une sorte de jeu de société. Certaines choses seraient considérées comme intéressantes, d'autres non. Il y aurait des modes. Ceux qui suivraient la mode obtiendraient des subventions. Ceux qui ne le feraient pas ne le feraient pas, et très vite, ils apprendraient à suivre la mode, eux aussi." »

Un nouvel ordre énergétique mondial se dessine, Rana Fohoorar

Un nouvel ordre énergétique mondial se dessine (anglais), Rana Fohoorar, FT, 3 janv. 2023

Le commerce mondial du pétrole se dédollarise lentement mais sûrement.


Le jour de la Saint-Valentin en 1945, le président américain Franklin Delano Roosevelt a rencontré le roi saoudien Abdul Aziz Ibn Saud sur le croiseur américain USS Quincy. C'était le début de l'une des plus importantes alliances géopolitiques de ces 70 dernières années, dans laquelle les États-Unis offraient leur sécurité au Moyen-Orient en échange de pétrole libellé en dollars.

Mais les temps changent, et 2023 pourrait rester dans les mémoires comme l'année où ce grand marché a commencé à se transformer, alors qu'un nouvel ordre énergétique mondial entre la Chine et le Moyen-Orient prend forme.

Alors que la Chine achète depuis un certain temps déjà des quantités croissantes de pétrole et de gaz naturel liquéfié en provenance d'Iran, du Venezuela, de Russie et de certaines régions d'Afrique dans sa propre monnaie, la rencontre du président Xi Jinping avec les dirigeants saoudiens et ceux du Conseil de coopération du Golfe (CCG) en décembre a marqué "la naissance du pétroyuan", comme l'a déclaré Zoltan Pozsar, analyste au Credit Suisse, dans une note adressée à ses clients.

Selon Pozsar, "la Chine veut réécrire les règles du marché mondial de l'énergie", dans le cadre d'un effort plus large de dédollarisation des pays dits Bric (Brésil, Russie, Inde et Chine), et de nombreuses autres régions du monde après la militarisation des réserves de change en dollars suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Qu'est-ce que cela signifie dans la pratique ? Pour commencer, le commerce du pétrole se fera beaucoup plus souvent en renminbi. Xi a annoncé qu'au cours des trois à cinq prochaines années, la Chine allait non seulement augmenter considérablement ses importations en provenance des pays du CCG, mais aussi œuvrer à une "coopération énergétique multidimensionnelle". Cela pourrait impliquer une exploration et une production conjointes dans des endroits tels que la mer de Chine méridionale, ainsi que des investissements dans les raffineries, les produits chimiques et les plastiques. Pékin espère que tout cela sera payé en renminbi, à la bourse du pétrole et du gaz naturel de Shanghai, dès 2025.

Cela marquerait un changement massif dans le commerce mondial de l'énergie. Comme le souligne M. Pozsar, la Russie, l'Iran et le Venezuela représentent 40 % des réserves pétrolières prouvées de l'Opep+, et tous vendent leur pétrole à la Chine avec une forte décote, tandis que les pays du CCG représentent 40 % supplémentaires des réserves prouvées. Les 20 % restants se trouvent dans des régions situées dans l'orbite de la Russie et de la Chine.

Ceux qui doutent de la montée en puissance du petroyuan, et de la diminution du système financier basé sur le dollar en général, soulignent souvent que la Chine ne jouit pas du même niveau de confiance mondiale, de l'état de droit ou de la liquidité de la monnaie de réserve que les États-Unis, ce qui rend les autres pays peu enclins à vouloir faire des affaires en renminbi.

Peut-être. Bien que le marché du pétrole soit dominé par des pays qui ont plus en commun avec la Chine (du moins en termes d'économie politique) qu'avec les États-Unis. De plus, les Chinois ont offert une sorte de filet de sécurité financière en rendant le renminbi convertible en or sur les marchés de l'or de Shanghai et de Hong Kong.

Si cela ne fait pas du renminbi un substitut du dollar en tant que monnaie de réserve, le commerce en petroyuan a néanmoins d'importantes implications économiques et financières pour les décideurs et les investisseurs.

Tout d'abord, la perspective d'une énergie bon marché attire déjà les entreprises industrielles occidentales en Chine. Il suffit de penser à la récente décision de l'entreprise allemande BASF de réduire son usine principale de Ludwigshafen et de transférer ses activités chimiques à Zhanjiang. Cela pourrait être le début de ce que Pozsar appelle une tendance "de la ferme à la table", dans laquelle la Chine tente de capter localement davantage de production à valeur ajoutée, en utilisant l'énergie bon marché comme appât. (Un certain nombre de fabricants européens ont également augmenté le nombre d'emplois aux États-Unis en raison de la baisse des coûts énergétiques dans ce pays).

La pétro-politique comporte des risques financiers, mais aussi des avantages. Il est utile de rappeler que le recyclage des pétrodollars par les nations riches en pétrole vers les marchés émergents tels que le Mexique, le Brésil, l'Argentine, le Zaïre, la Turquie et d'autres par les banques commerciales américaines à partir de la fin des années 1970 a conduit à plusieurs crises de la dette des marchés émergents. Les pétrodollars ont également accéléré la création d'une économie plus spéculative, alimentée par l'endettement aux États-Unis, car les banques débordant d'argent ont créé toutes sortes de nouvelles "innovations" financières, et l'afflux de capitaux étrangers a permis aux États-Unis de maintenir un déficit plus important.

Cette tendance pourrait maintenant commencer à s'inverser. Déjà, il y a moins d'acheteurs étrangers pour les bons du Trésor américain. Si le pétroyuan décolle, il alimentera le feu de la dédollarisation. Le contrôle par la Chine de réserves énergétiques plus importantes et des produits qui en découlent pourrait être un nouveau facteur important d'inflation en Occident. C'est un problème à combustion lente, mais peut-être pas aussi lente que certains acteurs du marché le pensent.

Que doivent faire les décideurs politiques et les chefs d'entreprise ? Si j'étais directeur général d'une multinationale, je chercherais à régionaliser et à localiser autant de production que possible pour me prémunir contre un marché énergétique multipolaire. Je ferais également plus d'intégration verticale pour compenser l'inflation accrue dans les chaînes d'approvisionnement.

Si j'étais un décideur américain, je réfléchirais aux moyens d'augmenter la production de schiste nord-américaine à court et à moyen terme (et d'offrir aux Européens un rabais pour cela), tout en accélérant la transition écologique. C'est une raison supplémentaire pour laquelle les Européens ne devraient pas se plaindre de l'Inflation Reduction Act, qui subventionne la production d'énergie propre aux États-Unis. La montée du pétroyuan devrait inciter les États-Unis et l'Europe à abandonner les combustibles fossiles aussi vite que possible.

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