Empreinte Carbone, kesako

Certains passages en gras rajoutés. Allez lire les articles en entier; cela ne vous prendra pas beaucoup plus de temps:)

Analyse : le concept d'empreinte carbone a-t-il été inventé par les pétroliers ?, Bon Pote, 25 oct. 2022

« L’empreinte carbone est un outil particulièrement efficace pour savoir si son mode de vie est compatible avec un monde soutenable. En cinq minutes et quelques clics, vous obtenez un résultat, traduisant votre participation plus ou moins grande au changement climatique. C’est ainsi que les résultats oscillent généralement entre 2 et 30 tonnes CO2eq/an, avec une moyenne française à environ 10 tonnes CO2/eq.

Mais cela fait des années que j’entends et lis que le concept d’empreinte carbone a été inventé et/ou popularisé par les grands groupes pétroliers. Que cela soit par des personnes bien ou mal intentionnées, bien ou mal informées, le constat est le même : il faut se méfier de cet outil, qui servirait les intentions des groupes pétroliers et ferait donc perdurer notre système basé sur les énergies fossiles. Des activistes climat aux politiques, ce concept d’empreinte carbone n’a pas que des alliés. (...)

L’invention du concept d’empreinte carbone est une chose. Mais pour que le concept ait une signification pour le grand public et qu’il dépasse la recherche scientifique, il a fallu une aide extérieure. Cette aide extérieure est principalement venue de deux acteurs, British Petroleum (BP) et Ogilvy. Dès le début des années 2000, BP, l’un des plus grands producteurs d’énergies fossiles au monde, cherchait à redorer son blason et pour cela, il a choisi des méthodes éprouvées par l’industrie du Tabac.

En juillet 2000, BP a dépensé 200 millions de dollars de publicités pour annoncer leur changement de logo et slogan “Beyond Petroleum” (au-delà du pétrole). Un nouvel horizon, où BP investirait dans les énergies renouvelables et sortirait progressivement des énergies fossiles. Nous connaissons la suite. BP a continué de lancer de nouveaux projets fossiles partout dans le monde en y investissant des milliards, et fait partie des entreprises les plus polluantes au monde, scope 3 inclus. (...)

Depuis deux décennies, les groupes pétroliers ont changé de stratégie pour continuer le Business as Usual. Ils reconnaissent désormais que le changement climatique est d’origine anthropique, mais que les efforts sont avant tout à faire du côté des individus. C’est une stratégie adoptée par l’industrie du Tabac et qui a été reprise avec succès par BP, ExxonMobil, Total etc. Cette étude de Naomi Oreskes et Geoffrey Suppran le met remarquablement en évidence :

Les chercheurs ont constaté qu’aux alentours de l’an 2000, une nouvelle tendance est apparue dans les communications de l’entreprise destinées au public. Les publicités ont commencé à se concentrer sur la façon dont les consommateurs utilisent l’énergie. « Soyez intelligent en matière d’utilisation de l’électricité », suggère un publireportage de 2007, qui poursuit : « Chauffez et refroidissez votre maison efficacement ». « Améliorez votre consommation d’essence. » « Vérifiez les émissions de gaz à effet de serre de votre maison ».

Les scientifiques ne cessent pourtant de rappeler que sans changements structurels, il n’y a aucune chance de voir arriver la transition écologique. C’est ainsi aux investisseurs, aux États, aux collectivités locales et aux entreprises de prendre les initiatives de ce changement de système.

Cette stratégie de la redirection sur l’individu est également utilisée par les gouvernements, à l’instar du gouvernement Macron qui propose tour à tour d’arrêter d’envoyer des emails rigolos à ses amis, ou de couper le wifi. C’est l’un des discours de l’inaction climatique, très utilisé par les climato-rassuristes, qui sont aujourd’hui les pires ennemis de la lutte climatique. (...)

L’intérêt du simulateur d’empreinte carbone est multiple. Tout d’abord, c’est un formidable outil d’information et il suffit de voir les commentaires après utilisation (sur Bon Pote ou ailleurs) pour voir l’effet. Un utilisateur peut savoir en quelques minutes quel est son impact sur le climat, avoir les ordres de grandeur en tête et savoir où agir pour réduire le plus rapidement et facilement possible. Si vous prenez l’avion ou si vous avez une utilisation très importante de votre voiture, le résultat parlera de lui-même.

Cet outil permet également de rapidement voir les limites de ce que vous pouvez faire et ce que nous devons collectivement souhaiter : un changement structurel. N’espérez pas un développement de la mobilité active via le vélo si les infrastructures sont inexistantes. Les personnes qui n’ont pas d’autres choix que de prendre leur voiture n’arrêteront jamais s’il n’y a pas d’alternatives crédibles et accessibles à toutes et tous. Ce n’est pas pour autant qu’il faut négliger les gestes individuels, indispensables pour lutter contre le réchauffement climatique. (...)

Si tous les habitants de cette Terre savaient ce qu’était une empreinte carbone et que chaque habitant avait une empreinte carbone maximum de 2 tonnes CO2eq /an (voire moins), disons-le clairement : dans le système actuel et sans changement rapide de business model, les entreprises fossiles feraient faillite . Rappelons ce que dit le dernier rapport du GIEC. Non seulement il ne faut plus aucun nouveau puits pétrolier ou gazier dans le monde, mais sans fermeture anticipée d’une partie des exploitations de charbon, gaz et pétrole, nous dépasserons un réchauffement mondial de +1.5°C.

Pensez-vous que les débats autour de l’énergie et du climat seraient les mêmes si tout le monde savait cela ? Que les gouvernements et grands groupes pétroliers se permettraient de parler des petits gestes et de rediriger la responsabilité vers les individus ? Que nous accepterions de voir l’empreinte carbone actuelle des services publics sans qu’il y ait une forte pression pour que eux aussi tendent vers la neutralité carbone ? (...)

D’après les travaux de Lucas Chancel, les 50 % de la population mondiale ayant les revenus les moins importants ont émis 12 % des émissions mondiales en 2019, alors que les 10 % les plus riches ont émis 48 % du total. Depuis 1990, la moitié de la population mondiale la moins aisée n’a été responsable que de 16% de la croissance totale des émissions, alors que les 1% les plus aisés ont été responsables de 23% du total. Alors que les émissions par habitant des 1 % les plus riches ont augmenté depuis 1990, les émissions des groupes à revenus faibles et moyens des pays riches ont elles diminué. (...)

Rediriger la responsabilité sur les bons individus

Si la redirection de la responsabilité du changement climatique est aujourd’hui sur les individus et notamment celles et ceux qui n’ont pas les moyens de changer le système, il est primordial de déplacer l’attention sur les “super-riches“. Non seulement les riches sont surreprésentés dans les gouvernements nationaux et il existe des liens étroits entre les plus riches et les élites politiques, mais aussi et surtout parce que les plus riches ne seront pas épargnés par le changement climatique et des possibles étés où la chaleur atteindra 50°C.

On ne peut cependant réduire les émissions des plus riches à leurs seules émissions, les fameux “1%”. Ils ne font pas qu’émettre du C02, ils tirent tout un système croissantiste et mortifère à faire la même chose par leur mode de vie. C’est le même principe avec les influenceurs, lorsqu’ils font des allers-retours à Dubaï en jet privé et le mettent en story Instagram. C’est ce que rappelle cette étude de Nielsen & al, 2021 :

Les personnes au statut socioéconomique élevé exercent une influence disproportionnée sur le climat en raison de leur rôle de consommateurs, d’investisseurs, de modèles au sein de leurs réseaux sociaux et pour les autres personnes qui observent leurs choix, de participants à des organisations et de citoyens cherchant à influencer les politiques publiques ou le comportement des entreprises. (...) »


Comment calculer son empreinte carbone, Bon Pote, 8 sept. 2020

« (...) L’empreinte carbone est un calcul des émissions de GES associées à la consommation au sens large (demande finale intérieure) d’un pays, quelle que soit l’origine géographique de la production des biens et services destinés à satisfaire cette consommation. Cette approche se distingue de l’inventaire national du bilan carbone, qui mesure les émissions sur le territoire (appelée approche territoriale).

Le gouvernement donne cette définition : “L’inventaire des gaz à effet de serre (GES) d’un pays donné est un tableau par grands secteurs qui présente les émissions sous une forme simple exploitable par toute personne qui souhaite un panorama objectif. Les inventaires sont réalisés en appliquant les principes méthodologiques définis par le GIEC.

Illustration : en France, comme nous importons plus de produits que nous n’en exportons, notre empreinte carbone est supérieure à l’inventaire national. En 2017, avec 633 Mt CO2 éq, l’empreinte carbone présente un niveau supérieur à celui de l’inventaire national. Voici le détail ci-dessous :

Si vous découvrez seulement ce chiffre, vous risquez d’être secoué : il va falloir en moyenne diviser par 5 vos émissions ! En d’autres termes, diviser votre confort énergétique par 5. Citons la stratégie nationale bas carbone, page 43 :

Rapportée à l’habitant, en 2015, l’empreinte carbone des Français est légèrement supérieure à celle de 1995 : 11 tonnes de CO2eq par personne. En termes d’évolution, l’empreinte carbone des importations a augmenté de 2 % par an en moyenne lors des 5 dernières années, et les émissions
du territoire métropolitain ont baissé de 2,5 % par an. Or, pour limiter l’augmentation des températures à + 2 °C, il faut viser dès les prochaines décennies une empreinte carbone à l’échelle mondiale de 2 tonnes de CO2eq par personne. (...)

Voici maintenant l’empreinte carbone moyenne des français, et l’objectif. Avec des chiffres de 2017, ce graphique de l’étude “Faire sa part” de Carbone 4 illustre bien l’effort à faire : 


Selon les sources, vous verrez ce chiffre évoluer de 9 t CO2eq à 12. Prenez en compte l’année de la source, et surtout, gardez bien en tête que ce qui est important ici, ce sont les ordres de grandeur. Libre à vous de creuser pour affiner et mieux comprendre les calculs. Carbone 4 a estimé l’empreinte moyenne à 9.9 t CO2eq en janvier 2022, cela correspond donc bien à l’ordre de grandeur de 10 tonnes de cet article. »

Le Calculateur d'empreinte carbone de l'ADEME


 


Jeff Sachs critique l’agressivité des États-Unis dans leurs relations internationales

Le 3 octobre dernier, l’économiste du développement Jeffrey Sachs, interviewé sur Bloomberg TV a mis en cause la politique internationale de son pays. Il a également évoqué la baisse de niveau de vie que subissent les Européens à cause de la baisse de la production, mais ce qui a marqué les esprits est son point de vue sur le sabotage des gazoducs Nord Stream.

« Être un ennemi des États-Unis est dangereux, mais être un ami est fatal. » Henry Kissinger, maître à penser et stratège de la politique étrangère des États-Unis durant quelques décennies.

Présentation de Sachs :

J.Sachs est « le seul universitaire à avoir figuré plusieurs fois au classement des personnalités les plus influentes du monde publié par le magazine américain Time Magazine. » Il a une expérience de la Russie puisqu’il a conseillé le gouvernement russe en matière économique après la chute de l’URSS.

Wikipédia anglais : « Il est connu pour son travail sur le développement durable, le développement économique et la lutte contre la pauvreté.

Sachs est (…) président du Réseau des solutions de développement durable des Nations unies. Il est un défenseur des objectifs de développement durable (ODD) pour le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), António Guterres, concernant les ODD, un ensemble de 17 objectifs mondiaux adoptés lors d’un sommet de l’ONU en septembre 2015. De 2001 à 2018, Sachs a été conseiller spécial du Secrétaire général de l’ONU, et a occupé le même poste sous le précédent Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, et avant 2016, un poste consultatif similaire lié aux précédents Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), huit objectifs sanctionnés par la communauté internationale pour réduire l’extrême pauvreté, la faim et la maladie d’ici 2015.

Extraits de sa page Wikipédia en français : « Il est connu pour ses travaux comme consultant économique auprès des gouvernements d’Amérique latine, d’Europe de l’Est, d’ex-Yougoslavie, d’ex-Union soviétique, d’Asie, et d’Afrique. Il a proposé une thérapie de choc (bien qu’il n’apprécie pas personnellement ce terme) comme solution aux crises économiques vécues en Bolivie, en Pologne et en Russie (politique qui aurait provoqué 3,2 millions de victimes en Russie, selon l’UNICEF et l’IRC). (…)

En 2007, la journaliste canadienne Naomi Klein a sévèrement critiqué l’action de Jeffrey Sachs en tant que conseiller économique. D’après elle, la « thérapie de choc ») qu’il a préconisée en Bolivie (1985), en Pologne (1989) et en Russie (1991) a eu des conséquences désastreuses. Si une petite partie de la population a pu chaque fois s’enrichir, le traitement de choc du « docteur Sachs » a entraîné un appauvrissement considérable des sociétés bolivienne, polonaise et russe. Ces mesures ont d’ailleurs été très mal accueillies par ces populations. En Pologne, sous la pression populaire, l’équipe dirigeante (issue de Solidarność) dut mettre fin à une vague de privatisations et à une politique contraires au programme du syndicat Solidarność. En Bolivie et en Russie, il fallut des manœuvres fort peu démocratiques (…), pour contraindre les populations à accepter cette nouvelle politique économique. (…)

L’universitaire américain Kenneth D. Lehman écrit qu’en Bolivie, à la suite de l’application en 1985 du « décret suprême 21060 » conçu par Jeffrey Sachs et son équipe « le pouvoir d’achat moyen a chuté de 70 % en 1986. (…) Le chômage a atteint entre 20 et 25 % [de la population active], cependant que l’on supprimait presque toutes les protections sociales dont jouissaient jusque-là les ouvriers. »

Il faut mentionner cependant que, en Pologne, pays où ses stratégies ont été payantes à plus long terme, sa contribution majeure a été reconnue plus tard. »

Transcription de l’interview :

l’animateur Tom Keene : Jeffrey Sachs est professeur d’économie à l’université de Columbia. (…), mais je tiens à souligner qu’il a été 10 ans en avance sur l’effondrement de l’éducation américaine et sur la lutte entre les deux Amériques. Vous étiez dans l’Atlantic [magazine américain] cette semaine et on vous compare à Mearsheimer comme étant le plus réaliste. Quelle devrait être notre réponse à M. Poutine, avec vos réflexions sur la guerre et l’agression après les atrocités humaines qui sont reportées ?

Jeffrey Sachs : J’ai été attaqué dans The Atlantic [magazine américain] pour être du côté de la paix. Et je l’avoue, je suis du côté de la paix. Je suis très inquiet que nous soyons sur la voie de l’escalade vers la guerre nucléaire, rien de moins.

La Russie estime que cette guerre est au cœur de ses intérêts de sécurité. Les États-Unis insistent sur le fait qu’ils feront tout pour aider l’Ukraine à vaincre la Russie. La Russie considère cela comme une guerre par procuration avec les États-Unis. Quoi qu’on en pense, c’est la voie d’une escalade extraordinaire et dangereuse.

Tom Keene : Vous avez vécu cela avec Eltsine, vous étiez là pour Gorbatchev et Eltsine et le reste. Je me souviens que vous êtes descendu de l’avion à l’aéroport JFK, bouleversé par l’effondrement de cette première expérience. Avez-vous le sentiment que M. Poutine est seul ? Son armée le soutient-elle ?

Jeffrey Sachs : Une grande partie du monde regarde ces événements avec horreur, et une grande partie du monde n’aime pas cette expansion de l’OTAN, qu’ils interprètent comme étant au cœur de tout cela. Ils veulent voir un compromis entre les États-Unis et la Russie.

Vote après vote aux Nations Unies, ce sont les pays occidentaux qui ont voté pour des sanctions, des dénonciations et d’autres actions. Alors que la majorité du monde, certainement la majorité du monde en termes de population, reste sur la touche. Ils voient cela comme un horrible affrontement entre la Russie et les États-Unis. Ils ne voient pas cela, comme nous le faisons dans les médias, comme une attaque non provoquée de la Russie contre l’Ukraine.

N’importe qui aux États-Unis pense, “eh bien, qu’est-ce que c’est d’autre ?” Mais c’est à cause de la façon dont nos médias ont rapporté cette affaire. Ce conflit remonte à loin, il n’a pas commencé le 24 février 2022. En fait, la guerre elle-même a commencé en 2014, pas en 2022. Et même cela avait des antécédents.

La plupart du monde ne le voit pas de la façon dont nous le décrivons. La plupart du monde est juste terrifié en ce moment, franchement.

C’est incroyable d’entendre d’un côté qu’ils utiliseront des armes nucléaires s’ils le doivent, tandis que l’autre côté dit : “Vous ne pouvez pas nous effrayer.”

l’animatrice Lisa Abramowicz : Professeur Sachs je partage cette inquiétude et je vais être honnête, j’ai aussi passé le week-end à lire des articles sur les États-Unis qui préparent des contre-attaques et des propositions sur ce qu’ils feraient en réponse à certaines de ces attaques. C’est définitivement une grande inquiétude. C’est aussi un problème quand on voit le changement radical de la trajectoire économique en Europe et au-delà. Et une partie de cela vient de la crise énergétique, mais soudainement nous parlons d’une inflation que nous n’avons pas vue depuis la Deuxième Guerre mondiale, une autre période de désastre incroyable et d’intervention militaire. Dans quelle mesure sommes-nous proches d’une sorte de, je ne veux pas dire d’hyperinflation, mais d’une impulsion inflationniste persistante bien au-dessus de l’objectif en Allemagne, dans la zone euro, alors qu’ils cherchent des moyens alternatifs pour empêcher les régions périphériques [de la zone euro, Italie, etc.] de devenir incontrôlables et qu’ils augmentent les taux à court terme ?

Jeffrey Sachs : L’Europe connaît une récession économique très, très forte. La forte baisse de la production et du niveau de vie se traduit également par une hausse des prix, mais le fait principal est que l’économie européenne est frappée de plein fouet par la coupure soudaine de l’énergie.

Et maintenant, pour être définitif, la destruction du gazoduc Nord Stream qui, je parie, était une action des États-Unis, peut-être des États-Unis et de la Pologne. C’est de la spéculation.

Tom Keen : Jeff, nous devons nous arrêter là. Pourquoi pensez-vous que c’était une action américaine ? Quelles sont les preuves que vous avez de cela ?

Jeffrey Sachs : Eh bien, tout d’abord, il existe des preuves radar directes que des hélicoptères militaires américains, normalement basés à Gdansk, tournaient au-dessus de cette zone. Nous avons également eu la menace des États-Unis [le président Biden] au début de l’année : “ d’une manière ou d’une autre, nous allons mettre fin au Nord Stream ”.

Vendredi dernier, lors d’une conférence de presse, le secrétaire d’État Blinken a fait une déclaration remarquable : “C’est aussi une formidable opportunité.” C’est une drôle de façon de parler si l’on s’inquiète du piratage d’une infrastructure internationale d’importance vitale.

Je sais que cela va à l’encontre de notre récit, que vous n’êtes pas autorisé à dire ces choses en Occident, mais le fait est que partout dans le monde, lorsque je parle aux gens, ils pensent que les États-Unis l’ont fait. Même les journalistes de nos journaux qui sont impliqués me disent “bien sûr” [que les États-Unis l’ont fait], mais cela n’apparaît pas dans nos médias.

Lisa Abramowicz : Professeur, nous ne nous lançons pas dans un débat sur ce qui ne s’est pas passé avec Nord Stream parce que je n’ai pas de preuves et que nous n’avons pas de contrepoint à cela. Il y a cependant un problème, qui est au cœur de ce que vous dites, qui est un manque de confiance dans les États-Unis, un manque de cohésion entre les alliés, au milieu d’un incroyable conflit politique et économique. Je veux dire, voyez-vous la possibilité de travailler ensemble à un moment où il y a des intérêts si disparates et des sentiments de méfiance ?

Jeffrey Sachs : Le plus gros problème est que nous avons des conflits géopolitiques majeurs, non seulement entre les États-Unis et la Russie, mais aussi entre les États-Unis et la Chine. Encore une fois, avec une énorme quantité de provocations venant du côté américain, nous brisons tout sentiment de stabilité en ce moment. Pour l’instant, beaucoup en Europe disent que les États-Unis sont leur plus proche allié et qu’ils doivent s’accrocher, mais surveiller ce qui se passe politiquement. Il y a des bouleversements en Europe. Pays après pays en ce moment. Nous entrons dans une période d’énorme instabilité. Et nous sommes instables aux États-Unis en ce moment. Nous sommes passés par une insurrection, nous n’avons toujours pas dépassé ça.

Nous entrons donc dans l’ère géopolitique la plus instable depuis plusieurs décennies. Nous entrons dans la première hyperinflation depuis plus de 40 ans. Et nous entrons dans la première escalade vers le précipice nucléaire depuis 60 ans. Il y a 60 ans exactement ce mois-ci avait lieu la crise des missiles cubains. C’est le moment le plus dangereux depuis la crise des missiles cubains.

C’est une surcharge extraordinaire et nous ne voyons aucune tentative pour l’atténuer ou la calmer. Chaque jour, c’est l’escalade, “nous allons vaincre l’autre camp, nous avons nos droits, nous pouvons défendre ce que nous voulons”. La présidente de la Chambre, Pelosi, s’envole pour Taiwan. Nous avons tant de provocations au milieu d’une grande instabilité !

Tom Keene : Jeffrey je vais en rester là. Jeff Sachs, merci beaucoup. J’apprécie énormément John. Nous recevons une réponse enflammée à cette interview.

l’animateur Jonathan Ferro : Etes-vous surpris ?

Tom Keene : Non, je ne le suis pas. Et vous savez que c’est ce que nous faisons. Il y a une opinion différente dans l’émission. Et je l’appellerais mineur, mais il y a une opinion réfléchie au niveau international sur sa position à propos de l’expansion de l’OTAN. Trop loin, trop vite.

Jonathan Ferro : Je vais être aussi diplomate que possible. Pouvons-nous clarifier ce que nous faisons dans l’émission ? Nous parlons à des experts de choses sur lesquelles ils sont experts. C’est un économiste, pas un spécialiste des relations internationales.

Tom Keene : Je dirai que c’était une coup de gueule en matière de relations internationales. Mais Jeff occupe une place particulière parce qu’il était le principal conseiller économique de l’expérience ratée de Eltsine. Il a une énorme connaissance de la Russie. Maintenant, après ça, tu as raison. Nous sommes dans beaucoup de choses ici, qui sont controversées.

Jonathan Ferro : J’ai très peu entendu parler des actions de Vladimir Poutine. Oui, j’ai très peu entendu parler de la rhétorique émanant des dirigeants russes. J’ai très peu entendu parler de ces choses-là. Et pour ce qui est de l’article de The Atlantic, le journaliste de The Atlantic a repris une citation de Jeffrey Sachs et la citation était la suivante “Depuis 1980, les États-Unis ont participé à au moins 15 guerres de choix à l’étranger et en ont traversé plusieurs. Alors que la Chine n’en a fait aucune et que la Russie n’a fait que vouloir la Syrie.” Au-delà de l’ancienne Union soviétique. Maintenant, cela exclut bien sûr la Géorgie et ce qui s’est passé en Ukraine en 2014 également. Dans un sens, cela ouvre la porte pour dire que ce n’était pas au-delà de l’ancienne Union soviétique. Donc la Géorgie et l’Ukraine, c’est ok. Je pense, Tom, que c’est incroyablement complexe. Certaines des accusations que l’économiste porte sur les relations internationales sans la moindre preuve. La raison pour laquelle je suis profondément mal à l’aise avec quelqu’un comme ça, c’est parce qu’ils ne présentent aucune autre preuve que celle de dire que les gens ne veulent pas en parler parce que cela va à l’encontre de l’opinion populaire…

Tom Keene : pour Nord Stream. Vous avez raison à propos des preuves.

Jonathan Ferro : Si elles s’avèrent exactes, alors elles s’avèrent exactes. Mais en tant que journaliste, on ne dit pas ce genre de choses à moins d’avoir des preuves pour le dire.

Tom Keene : Ce n’est pas un journaliste.

Jonathan Ferro : Et c’est pourquoi ces choses ne sont pas dites. Mais il n’est pas non plus un expert en politique étrangère. Et nous ne devrions pas le traiter comme tel. »

La guerre de la France en Libye était basée sur des mensonges [parlement britannique]

 L'article en anglais est long. J'en ai recopié ci dessous qu'une infime partie. Passages en gras rajoutés.

Un rapport du Parlement britannique détaille comment la guerre de l'OTAN en Libye en 2011 était fondée sur des mensonges, Salon, 16 sept. 2016

« Enquête britannique : Kadhafi n'allait pas massacrer les civils ; les bombardements occidentaux ont aggravé l'extrémisme islamiste.

Un nouveau rapport du Parlement britannique montre que la guerre de l'OTAN en Libye en 2011 était basée sur un ensemble de mensonges.

"Libye : Examen de l'intervention et de l'effondrement et les futures options politiques du Royaume-Uni", une enquête de la commission bipartisane des affaires étrangères de la Chambre des communes, condamne fermement le rôle du Royaume-Uni dans la guerre, qui a renversé le gouvernement du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi et plongé le pays d'Afrique du Nord dans le chaos.

"Nous n'avons vu aucune preuve que le gouvernement britannique ait effectué une analyse correcte de la nature de la rébellion en Libye", indique le rapport. "La stratégie britannique était fondée sur des hypothèses erronées et une compréhension incomplète des faits."

La commission des affaires étrangères conclut que le gouvernement britannique "n'a pas su identifier que la menace pour les civils était surévaluée et que les rebelles comprenaient un élément islamiste important."

L'enquête sur la Libye, qui a été lancée en juillet 2015, s'appuie sur plus d'un an de recherches et d'entretiens avec des politiciens, des universitaires et des journalistes, entre autres. Le rapport, qui a été publié le 14 septembre, révèle ce qui suit :

  • Kadhafi n'avait pas prévu de massacrer des civils. Ce mythe a été exagéré par les rebelles et les gouvernements occidentaux, qui ont fondé leur intervention sur des renseignements insuffisants.
  • La menace des extrémistes islamistes, qui ont eu une grande influence sur le soulèvement, a été ignorée et les bombardements de l'OTAN ont encore aggravé cette menace, donnant à ISIS [l'état islamique] une base en Afrique du Nord.
  • La France, qui a lancé l'intervention militaire, était motivée par des intérêts économiques et politiques, et non humanitaires.
  • Le soulèvement - qui était violent et non pacifique - n'aurait probablement pas réussi sans l'intervention et l'aide militaires étrangères. Les médias étrangers, en particulier Al Jazeera (Qatar) et Al Arabiya (Arabie Saoudite), ont également diffusé des rumeurs infondées sur Kadhafi et le gouvernement libyen.
  • Les bombardements de l'OTAN ont plongé la Libye dans une catastrophe humanitaire, tuant des milliers de personnes et en déplaçant des centaines de milliers d'autres, transformant la Libye, pays africain au niveau de vie le plus élevé, en un État défaillant déchiré par la guerre.

Le mythe selon lequel Kadhafi massacrerait des civils et le manque de renseignements (...)

L'extrémisme islamiste et la propagation des armes libyennes (...)

Les motivations économiques et politiques de la France (...)

Le rapport note également que les principales raisons pour lesquelles la France a poussé à une intervention militaire en Libye étaient les "ressources financières presque inépuisables" de Kadhafi, les projets du dirigeant libyen de créer une monnaie alternative au franc français en Afrique, "les plans à long terme de Kadhafi de supplanter la France comme puissance dominante en Afrique francophone" et le désir "d'accroître l'influence française en Afrique du Nord." (...)

Les officiers de renseignement français ont exprimé cinq facteurs qui ont motivé Sarkozy :

    "a. Le désir d'obtenir une plus grande part de la production pétrolière libyenne,

    b. Accroître l'influence française en Afrique du Nord,

    c. Améliorer sa situation politique intérieure en France,

    d. Fournir à l'armée française une occasion de réaffirmer sa position dans le monde,

    e. Répondre à l'inquiétude de ses conseillers quant aux projets à long terme de Kadhafi de supplanter la France en tant que puissance dominante en Afrique francophone."

Le rôle crucial de l'intervention étrangère (...)

Désastre humanitaire et échos de la guerre en Irak

Le rapport de la commission des affaires étrangères reproche au Royaume-Uni, aux États-Unis et à la France de ne pas avoir élaboré "une stratégie pour soutenir et façonner la Libye post-Kadhafi."

Le résultat de cela, note le rapport dans le résumé, "a été l'effondrement politique et économique, les combats entre milices et entre tribus, les crises humanitaires et migratoires, les violations généralisées des droits de l'homme, la dissémination des armes du régime Kadhafi dans toute la région et la croissance d'ISIL [l'état islamique] en Afrique du Nord." (...)

Avant les bombardements de l'OTAN en 2011, en revanche, la Libye était la nation la plus riche d'Afrique, avec l'espérance de vie et le PIB par habitant les plus élevés. Dans son livre "Perilous Interventions", l'ancien représentant de l'Inde auprès de l'ONU, Hardeep Singh Puri, note qu'avant la guerre, la Libye comptait moins de pauvres parmi sa population que les Pays-Bas. Les Libyens avaient accès à des soins de santé gratuits, à l'éducation, à l'électricité et à des prêts sans intérêt, et les femmes bénéficiaient de grandes libertés qui avaient été applaudies par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU en janvier 2011, à la veille de la guerre qui a détruit le gouvernement.

Aujourd'hui, la Libye reste si dangereuse que la commission des affaires étrangères de la Chambre des communes n'a en fait pas pu se rendre dans le pays pendant son enquête. Elle note dans le rapport qu'une délégation s'est rendue en Afrique du Nord en mars 2016. Ils ont rencontré des politiciens libyens à Tunis, mais "n'ont pas pu se rendre à Tripoli, Benghazi, Tobrouk ou ailleurs en Libye en raison de l'effondrement de la sécurité intérieure et de l'État de droit. (...) »

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