Le concept de neutralité carbone est un piège dangereux

Traduction du fil Twitter de James Dyke présentant son article « Le concept de neutralité carbone est un piège dangereux »  (en anglais, The Conversation, 22 avril 2021) :


« Les politiques climatiques construites autour du "net zéro" [neutralité carbone ou “zéro émission nette”] sont devenues un piège dangereux. C'est l'article le plus difficile que j'ai écrit. Non pas parce qu'il est technique, mais à cause des émotions et de l'inquiétude d'être mal compris. (...)

Bon, alors, qu'est-ce que le "net zéro" ? Nous avons tous déjà entendu ce terme : il s'agit du point où nos émissions de gaz à effet de serre sont équilibrées par les puits [de carbone] naturels et artificiels. Nous devons atteindre le zéro émission nette net aussi vite que possible pour éviter un changement climatique dangereux. Tout cela est très sensé. Les problèmes apparaissent lorsque les scénarios de politique climatique commencent à inclure l'élimination spéculative du dioxyde de carbone (EDC). Cela a commencé au début et au milieu des années 1990. L'hypothèse d'un avenir avec plus d'arbres a été utilisée pour justifier la combustion de plus de charbon.

Quelques années plus tard, le captage et le stockage du carbone (CSC) ont été proposés pour rendre le charbon plus respectueux du climat, car on envisageait de stocker le carbone des centrales électriques  sous terre. Même si cette technologie n'existait pas, elle a commencé à être incluse dans les scénarios de politique climatique. À propos, le CSC pour le charbon propre n'existe toujours pas. Il y a bien eu une seule installation de démonstration à la centrale à charbon de Boundary Dam au Canada, mais la plupart du carbone capturé est utilisé pour la récupération assistée du pétrole (et donc pour récupérer davantage d'hydrocarbures du sol). Pendant des années, le CSC a été présenté comme la technologie qui permettrait de libérer la contribution du charbon aux besoins énergétiques de l'humanité. Finalement, au tournant du millénaire, la plupart des gens ont reconnu qu'il s'agissait d'une chimère coûteuse. Il fallait donc trouver une autre solution.

Cette solution magique devait non seulement ralentir l'augmentation des concentrations de carbone, mais aussi l'inverser, étant donné que les mesures d'atténuation s'avéraient si difficiles à mettre en œuvre. C'est ainsi qu'est apparu le système de captage et de stockage du carbone par bioénergie (BECCS). Aujourd'hui, on ne parle pas beaucoup du BECCS. Il consommera de grandes quantités de terre et d'eau. Il va dévaster la biodiversité.

C'est pourquoi le terme BECCS est désormais utilisé comme un terme générique pour toute approche d'élimination du dioxyde de carbone. Boisement, capture directe de l'air, ensemencement des océans. Les spécificités ne semblent pas avoir d'importance. Ce qui importe, c'est que les décideurs politiques puissent désigner une solution future. Et c'est là que nous intervenons.

Parce que le monde universitaire a involontairement facilité l'inaction. Le "net zéro" est un exemple d'optimisme technologique dans la classification des discours de report : plutôt que de faire le dur travail d'atténuation maintenant, nous concentrons notre attention sur des solutions futures. Et nous le faisons, même lorsque les solutions proposées sont absurdes.

Par exemple, la capture directe de l'air (CDA) ? Cela va-t-il vraiment jouer un rôle sérieux dans la limitation du réchauffement à 1,5°C maximum ? Remarque : le CDA en lui-même n'est pas une mauvaise idée - c'est même très intelligent. Ce qui est stupide et imprudent, c'est de proposer de la déployer, ou toute autre solution d'élimination du dioxyde de carbone, à très grande échelle.

De même, les politiques de zéro émission sont en principe d'excellents moyens de réduire les effets néfastes sur le climat. Mais en proposant de futures suppressions de carbone, elles ont été détournées par un processus de politique climatique impitoyablement obsédé par la croissance. Un processus de politique climatique qui, à l'échelle nationale et internationale, n'a jamais été capable d'envisager autre chose que des approches progressives basées sur le marché. Un processus qui trouve plus facile d'évoquer des licornes climatiques que de remettre en question des hypothèses sur la société. Un processus de politique climatique qui a spectaculairement échoué depuis des décennies. 

Plutôt que d'accélérer l'atténuation, le "net zéro" pourrait finalement avoir fourni aux décideurs politiques des moyens d'éviter de prendre maintenant des décisions dites difficiles. Le moment est venu d'exprimer nos craintes et d'être honnête avec la société dans son ensemble. Les politiques "net zéro" actuelles ne permettront pas de limiter le réchauffement à 1,5°C, car elles n'ont jamais été conçues pour cela. Si nous voulons que les gens soient en sécurité, il faut réduire les émissions de carbone de manière importante et durable dès maintenant. C'est l'épreuve de vérité très simple qui doit être appliquée à toutes les politiques climatiques. Le temps des vœux pieux est terminé. »

Comment la Big Tech nous a trahis

Extraits d'une présentation donnée par Rana Foroohar, journaliste économique américaine, à la Royal Society of Arts de Londres en 2019. Cette brève animation présente les nombreuses façons dont le capitalisme de surveillance continue de se développer sans contrôle, et un plan potentiel de réorientation:

« 80 % de la richesse des entreprises se trouve aujourd'hui dans 10 % d'entre elles - et ce sont les entreprises qui possèdent le plus de données personnelles et de propriété intellectuelle, surtout les grandes entreprises technologiques comme Google, Amazon, Facebook...

Google est en fait un arc narratif intéressant parce que Google a inventé le modèle économique du capitalisme de surveillance. C'est le modèle économique qui consiste essentiellement à surveiller tout ce que vous faites, dites, en ligne, et de plus en plus, hors ligne, et à l'utiliser pour établir votre profil et ensuite  vendre ces informations à des annonceurs qui veulent vous cibler à un niveau microscopique.

Réfléchissez donc à cela maintenant que ce modèle économique se tourne vers les secteurs de la santé, de la finance et de l'assurance. Voici un exemple concret de ce qui se passe : dans certains pays et sur certains marchés où cela est légal, les compagnies d'assurance mettent désormais des capteurs dans les voitures des particuliers ou leurs maisons. Disons par exemple, que je conduis maintenant avec mon enfant à l'arrière et que je ne m'arrête pas assez vite à un feu rouge; ce sera comptabilisé, je pourrais avoir un mauvais point sur mon assurance. 

Tout d'abord, c'est plutôt effrayant, mais cela a aussi pour effet de changer complètement le modèle économique [de l'assurance], qui est passé d'un mode mutualisé, dans lequel il est question du partage et la mise en commun des risques  à un mode individuel où nous sommes tous séparé; soudain, nous sommes tous des risques individuels, et peut-être que vous et moi pouvons être assurés, mais il y a peut-être un groupe de personnes non assurables ici. Cela crée un véritable système à niveaux au sein de la société où il y a des gens qui peuvent être complètement privés de leurs droits. 

D'abord Wall Street et ensuite la Silicon Valley ont vraiment plus de pouvoir que toute autre entité. Je vois tant de similitudes entre la façon dont Wall Street a élaboré la capture monétaire et cognitive de la politique [financer les hommes politiques et influencer la déréglementation financière] avant et, dans une certaine mesure, après la crise financière et la façon dont la Big Tech a capturé le débat maintenant. Avec les banques il y a au moins des exigences quant à la façon dont elles enregistrent les évènements dans les livres comptables.

Avec les entreprises technologiques c'est vraiment un système très opaque. Elles ne font pas de transactions en dollars ou en livres sterling, elles font des transactions en données, c'est une opération de troc. C'est une transaction très opaque.

Rappelez-vous ce qu'Adam Smith a déclaré sur ce qu'il faut pour que le marché fonctionne correctement: vous avez besoin d'un accès égal à l'information, vous avez besoin d'une transaction transparente - donc les deux parties doivent comprendre ce qui est échangé - et vous avez besoin d'un cadre moral partagé. On pourrait dire qu'à l'ère du « big data », rien de tout cela n'est en vigueur. 

Pensez à la transaction la plus opaque de la crise financière  c'est-à-dire  les produits dérivés - les armes de destruction financière massive. Et bien les transactions que nous effectuons actuellement sur une base horaire sont tout aussi opaques, sinon plus. Nous ne comprenons pas vraiment ce qui se passe dans la boîte noire algorithmique. L'une des raisons pour lesquelles les grandes entreprises technologiques ont été si réticentes à réguler la publicité politique est qu'elles ne veulent pas ouvrir cette boîte noire algorithmique. 

Une des réponses élégantes possibles à certains des problèmes dont nous avons parlé - de la vie privée à l'innovation, en passant par la compétitivité - serait de créer des banques de données numériques où les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs pourraient avoir accès aux données, mais uniquement de la manière dont les citoyens et les gouvernements démocratiquement élus le décideraient. Il suffit de dire que nous devons passer de l'ancien modèle capitaliste à une sorte de nouveau partage plus équitable de la richesse. »

Sur la création monétaire

Voici un court extrait d'un article de vulgarisation intitulé « La création monétaire dans l'économie moderne ». Il est rédigé par les économistes de la Banque d'Angleterre (la banque centrale anglaise c'est à dire la banque des banques qui ont leur siège social en Angleterre):

« L’immense majorité de la monnaie détenue par le public se  présente sous la forme de dépôts bancaires [la colonne crédit de nos comptes bancaires]. Mais on ne  comprend pas toujours bien d’où proviennent ces  derniers. Une idée fausse répandue est que les banques  agissent simplement comme des intermédiaires, en  prêtant l’argent des dépôts que les épargnants leur  confient. Dans cette optique, les dépôts seraient en  principe « créés » par les décisions d’épargne des  ménages, et les banques prêteraient ensuite ces dépôts  existant aux emprunteurs, par exemple à des sociétés qui  cherchent à financer des investissements ou à des  particuliers souhaitant acheter un bien immobilier.

En réalité, quand des ménages décident d’épargner davantage de monnaie sur des comptes bancaires, ces dépôts sont simplement créés aux dépens de versements qui, autrement, seraient allés à des sociétés en paiement  de biens et services. L’épargne ne constitue pas en elle- même une augmentation des dépôts ou des « fonds  disponibles » que les banques peuvent prêter. En effet,  voir les banques comme de simples intermédiaires  consiste à ignorer le fait qu’en réalité, dans l’économie  moderne, les banques commerciales sont les créateurs de  l’argent des dépôts. Cet article explique comment, plutôt  que de considérer que les banques prêtent l’argent des  dépôts placés chez eux, c’est le fait de prêter qui crée les dépôts, c’est-à-dire exactement l’inverse du mécanisme décrit dans les manuels d’économie traditionnels. »

Dit autrement, une banque ne prend pas l'argent sur le compte bancaire de Paul pour prêter à Jacques. Les banques créent de la nouvelle monnaie "à partir de rien" en accordant des prêts, dans un premier temps.

La richesse tue la planète, avertissent des scientifiques

« Depuis plus d’un demi-siècle, la croissance mondiale de la richesse n’a cessé d’accroître l’utilisation des ressources et des émissions polluantes bien plus rapidement que celles-ci n’ont été réduites grâce à une meilleure technologie. Les citoyens aisés du monde entier sont responsables de la plupart des impacts environnementaux et sont au cœur de toute perspective future de retour à des conditions environnementales plus sûres. Nous résumons les faits et présentons les approches de solutions possibles. Toute transition vers la durabilité ne peut être efficace que si des changements profonds du mode de vie complètent les avancées technologiques. Cependant, les sociétés, les économies et les cultures existantes incitent à l’expansion de la consommation et l’impératif structurel de croissance dans des économies de marché compétitives empêche les changements sociétaux nécessaires. » Wiedmann T., Lenzen M., Keyßer, L.T. et al. Scientists » warning on affluence. Nature Communications (2020).

La richesse tue la planète, avertissent des scientifiques, The Conversation, 24 juin 2020 [traduction de l'article de vulgarisation qui accompagne la perspective dans le journal "Nature Communications" (passages en gras rajoutés)]

Vous n'avez rien à cacher, n'est-ce pas ?

« Il est facile de s’indigner en ligne. Mais vous ne vous énervez pas pour la violation de votre intimité  sur internet, n’est-ce pas ? Vous la dévoilez en un clic, encore et encore. Peu importe, n’est-ce pas ? Vous n’avez rien à cacher, n’est-ce pas ? Mais c’est pourtant vraiment important, et voici pourquoi. Sur 98 % des sites que vous visitez, les entreprises technologiques ajoutent des logiciels de suivi à votre navigateur. Elles surveillent tout ce que vous faites, tous les articles que vous lisez, tous les boutons que vous cliquez, toutes les vidéos que vous regardez, peut-être même le fait que vous regardez cette vidéo en ce moment même. Vous ne vous êtes probablement pas rendu compte que vous aviez donné votre accord à tout cela. Il y a bien plus grave. À chaque clic et à chaque pression [de vos doigts sur l’écran], elles vous comprennent mieux. Elles vous apprennent. Elles apprennent ce qui vous intéresse. Les actualités que vous lisez, les émissions que vous regardez. Elles apprennent ce que sont vos finances, combien d’argent vous gagnez, le montant de vos emprunts, combien vous pouvez acheter. Elles apprennent ce qui vous fait vibrer, rire, pleurer. Elles apprennent ce qui vous met en colère. Ces sociétés disent que vous avez accepté tout cela. Vous n’avez certainement pas accepté ce qui suit. Ces sociétés rassemblent toutes ces données pour créer une version numérique de vous-même. Avec l’accès à votre version numérique, les entreprises et les organisations politiques et toute autre personne prête à payer peuvent utiliser vos faiblesses pour manipuler non seulement les produits que vous achetez, mais aussi votre façon de penser, et même votre façon de voter sans que vous vous en rendiez compte. Chaque fois que vous ouvrez une page web, ces entreprises envoient vos données à des milliers d’annonceurs. C’est ce qu’on appelle les enchères en temps réel et cela se produit en quelques milliardièmes de seconde, des milliards de fois chaque jour. Elles vous vendent au plus offrant comme un produit. Vous ne pouvez pas contrôler où et à qui ces sociétés vendent vos données. Vous n’avez pas donné votre accord. Cela viole un ensemble de règlements sur la protection des données appelé RGPD, conçu par le Royaume-Uni et l’Union européenne pour protéger notre droit fondamental à la vie privée. Mais elles continuent à le faire et en tirent des milliards. Elles pensent que vous ne le remarquerez pas et elles parient que vous vous en moquerez. Vous avez le droit de garder la version numérique de vous-même, privée, et vous devez être indemnisé pour l’utilisation de vos données personnelles. Le Collectif pour la protection de la vie privée est un groupe d’universitaires et d’avocats spécialisés dans les droits de l’homme qui poursuivent en justice deux méga-entreprises. Nous tenons Salesforce et Oracle pour responsables de la collecte et de la vente abusive de quantités incommensurables de nos données personnelles. Il vous suffit de cliquer une seconde sur le bouton « Like » de notre site. Cela montre aux juges que vous vous souciez de la protection de la vie privée en ligne. Ensemble, nous pouvons mettre fin à cette pratique et vous obtenir une indemnisation. »


« Nous intentons une action en justice contre deux sociétés de technologie pour les empêcher d’enfreindre la loi et pour obtenir une indemnisation pour la collecte et le partage illicites de vos données personnelles à des fins lucratives. Pour soutenir la demande d’indemnisation et si vous pensez que la protection de la vie privée en ligne est importante, consultez le site The Privacy Collective. »

You've Got Nothing To Hide, Right? | The Privacy Collective from The Privacy Collective on Vimeo.

« Le Collectif Vie Privée se consacre à la demande d'indemnisation pour l'utilisation abusive de vos données personnelles. Pour ce faire, nous engagerons une action collective en votre nom. Plus nous bénéficierons d'un soutien, plus notre voix sera forte.

Chacun a le droit de naviguer sur le web sans être suivi. Votre historique de recherche ne doit pas être à vendre. Individuellement, vous n'avez aucun moyen de recours. L'union fait la force, et collectivement, nous pouvons vous obtenir ce qui vous est dû.

Pour en savoir plus et appuyer les demandes, visitez le site The Privacy Collective »

Semi-conducteurs : chaîne de production, position de la Chine et des Etats-Unis, raisons de la pénurie [revue de web]

 Semi-conducteurs : chaîne de production, position de la Chine et des États-Unis, raisons de la pénurie (passages en gras rajoutés).

  • La chaîne de production des "puces électroniques"
  • « La production de semi-conducteurs est aujourd’hui largement dominée par les États-Unis » (source) (mais pas que), La Chine est à la traîne et devrait mettre du temps pour rattraper son retard.
  • Les raisons de la pénurie de semi-conducteurs
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...