Les scénarios d'émissions plausibles pour 2005-2050 prévoient un réchauffement de 2 à 3°C d'ici 2100 (anglais), Carbon Brief, 14 fév 2022
« Des scénarios de réchauffement futur “plausibles” prévoient une augmentation de la température mondiale de 2 à 3 °C d'ici 2100, selon une nouvelle étude. Les auteurs identifient les scénarios de réchauffement issus des cinquième et sixième rapports d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat [GIEC] qui prévoient les émissions de CO2 des combustibles fossiles et de l'industrie pour 2005-2050 les plus cohérentes avec les observations de 2005 à 2020 et les projections de l'Agence internationale de l'énergie jusqu'en 2050. Ils concluent que “le monde n'est toujours pas en mesure de limiter le réchauffement du 21e siècle à 1,5 ou moins de 2°C”. »
L'étude : Environmental Research Letters, 11 fév 2022
L'objectif de l'accord de Paris sur le climat reste à portée de main, selon une nouvelle étude de l'université du Colorado (communiqué de presse, anglais), Université du Colorado, Feb 11, 2022
« L'objectif de l'accord de Paris sur le climat reste à portée de main, selon une nouvelle étude de l'université du Colorado
L'objectif de l'Accord de Paris sur le climat, qui consiste à limiter le réchauffement de la planète à 2 degrés Celsius au cours de ce siècle par rapport aux températures de l'ère préindustrielle, est toujours à portée de main, tandis que les scénarios apocalyptiques les plus pessimistes ne sont plus plausibles, selon une nouvelle analyse de l'université du Colorado.
Publiée aujourd'hui dans Environmental Research Letters, la nouvelle étude révèle qu'un sous-ensemble de scénarios climatiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) les plus conformes aux données récentes et aux prévisions de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) jusqu'en 2050 prévoit un réchauffement de 2 à 3 degrés C d'ici 2100, avec une médiane de 2,2 degrés C. (…)
Afin d'explorer et de planifier les futurs possibles, la communauté des chercheurs en climatologie utilise des scénarios : des prévisions sur la façon dont le futur pourrait évoluer en fonction de facteurs tels que les émissions de gaz à effet de serre prévues et les différentes politiques climatiques possibles.
Les scénarios les plus couramment utilisés, appelés “trajectoires de concentration représentatives” (RCP) [Representative Concentration Pathways], ont été élaborés par le GIEC à partir de 2005. Les scénarios socio-économiques partagés (SSP) [Shared Socio-economic Pathways] qui ont suivi, à partir de 2010, ont été conçus comme une mise à jour. Ensemble, ces deux séries de scénarios sont à la base du cinquième et du sixième rapport d'évaluation du GIEC. (…)
Trajectoires et plausibilité
L'analyse s'inscrit dans un consensus croissant de groupes indépendants du monde entier dont les travaux montrent que les scénarios climatiques les plus extrêmes ont peu de chances de se produire au cours de ce siècle, et que les scénarios intermédiaires sont plus probables. Un rapport du sixième rapport d'évaluation du GIEC (AR6) publié en 2021 indique également que la probabilité de scénarios à fortes émissions est considérée comme faible.
Pourquoi ces scénarios du pire sont-ils aujourd'hui moins plausibles ?
Principalement parce qu'ils ont tous été élaborés il y a plus de dix ans et que beaucoup de choses se sont passées depuis.
Par exemple, les énergies renouvelables sont devenues plus abordables et donc plus courantes plus rapidement que prévu, a déclaré Matthew Burgess, coauteur et chercheur à l'Institut coopératif de recherche en sciences de l'environnement (CIRES) de l'université du Colorado.
Ces changements rapides sont pris en compte dans les scénarios élaborés par l'AIE [agence internationale de l'énergie], une organisation intergouvernementale basée à Paris, qui fournit des mises à jour chaque année.
Selon M. Burgess, professeur adjoint d'études environnementales, les scénarios climatiques ont également tendance à surestimer la croissance économique, en particulier dans les pays les plus pauvres. (…) »
Les scénarios jugés plausibles pour 2005-2050 prévoient un réchauffement de 2 à 3 °C d’ici 2100, Global Climat, 17 fév. 2022
« Une nouvelle étude suggère que les pires scénarios tablant sur un réchauffement de 4 à 5°C ne sont plus plausibles si l’on prend en compte les observations et les projections de l’Agence Internationale de l’Energie. Toutefois, les scénarios jugés plausibles indiquent également que le monde n’est toujours pas en mesure de limiter le réchauffement du XXIe siècle à 1,5 °C ou à moins de 2 °C.
Publiée dans Environmental Research Letters, la nouvelle étude identifie un sous-ensemble de scénarios climatiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) cohérent avec les données récentes et les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) jusqu’en 2050. Ce sous-ensemble conforme aux observations et aux prévisions se traduit par un réchauffement situé entre 2 et 3 °C à l’horizon 2100, avec une médiane de 2,2°C. D’après les auteurs de l’étude, les pires scénarios, qui prévoient de 4 à 5 °C de réchauffement d’ici la fin du siècle, apparaissent aujourd’hui invraisemblables. L’objectif de 2°C degrés fixé à Paris est encore à portée de main avec des efforts supplémentaires. (…)
La nouvelle analyse se propose de déterminer lesquels de ces scénarios sont aujourd’hui crédibles compte-tenu des informations dont nous disposons aujourd’hui. Un scénario “plausible” est défini par Roger Pielke et ses coauteurs comme un scénario dans lequel les taux de croissance futurs des émissions de CO2 montrent une cohérence avec les observations et les projections à court terme établies par l’AIE (World Energy Outlook 2021). Un scénario qui s’est déjà écarté de la réalité n’est, par définition, pas « réalisable ». Les scénarios STEPS de l’AIE concernent « les politiques annoncées » qui prennent en compte ce qui a réellement été mis en place par les Etats pour atteindre les objectifs liés à l’énergie, mais aussi les intentions politiques annoncées, dans la mesure où elles sont complétées par des mesures permettant leur réalisation. (…)
Après avoir identifié un sous-ensemble de scénarios plausibles à partir de l’ensemble plus large de scénarios disponibles, les auteurs de l’étude ont ensuite identifié ce que ce sous-ensemble de scénarios plausibles prévoyait jusqu’en 2100 en terme de changement de température mondiale. Pour évaluer la plausibilité des scénarios du GIEC, Pielke et ses collègues ont déterminé lesquels des scénarios prévoyaient des divergences de croissance des émissions de dioxyde de carbone inférieures à 0,1 ou 0,3 % par an par rapport aux taux de croissance observés entre 2005 et 2020 puis pour les projections des émissions futures de l’AIE jusqu’en 2050 (…°.
La limite supérieure des fourchettes de scénarios plausibles avec les deux filtres STEPS de l’AIE (2021) approche 40 gigatonnes (Gt) de CO2 par an d’ici 2100. Les sous-ensembles de divergence de ±0,1 %/an et de ±0,3 %/an comprennent également des scénarios avec des émissions négatives nettes (c’est-à-dire l’élimination du dioxyde de carbone de l’atmosphère) dans la seconde moitié du 21e siècle. Les scénarios sélectionnés avec les filtres d’erreur 2005-2019 et 2005-2020 (sans les projections) ont des limites supérieures plus élevées : ∼60-80 Gt CO2/an d’ici 2100 avec les filtres 2005-2020 (figure S3), et ∼70-100 Gt CO2/an d’ici 2100 avec les filtres 2005-2019. »
[Comprendre : en se basant uniquement sur la réalité des 20 dernières années, l'étude prévoit que les émissions en 2100 oscilleront entre +60/+100 Gt/an. En prenant en compte, en plus, les scénarios des politiques annoncées de l'AIE (ce que les états ont déclarés qu'ils font/feront) , l'étude prévoit que les émissions en 2100 oscilleront entre -60/+40 Gt CO2/an d’ici 2100 (voir le graphique corespondant dans l'article). Pour comparaison, en 2018, le monde a émis ~55 GT de CO2 équivalent.]
« Pour leur étude, Pielke et ses coauteurs ont commencé avec un total de 1 311 scénarios climatiques (1184 scénarios AR5 et 127 scénarios SSP) pour les comparer aux observations 2005-2020 et aux projections de l’Agence Internationale de l’énergie (AIE) jusqu’en 2050. Le nombre de scénarios qui correspondent le plus aux données des 15 dernières années et aux projections d’émissions ultérieures varie de 100 à près de 500, selon les différentes méthodes appliquées. Ces scénarios sont ainsi censés représenter les futurs plausibles si les tendances actuelles se poursuivent et si les pays adoptent les politiques climatiques prévues pour réduire les émissions de CO2. (…)
D’après [les auteurs de l’étude], le scénario du pire, le RCP8.5, a été trop mis en avant dans la recherche scientifique. La gamme RCP/SSP avec un forçage radiatif de 8,5 W m-2 se traduirait en 2100 par un réchauffement de 4 à 5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Plusieurs études récentes ont remis en question la plausibilité des scénarios à fortes émissions couramment utilisés (RCP8.5, SSP5-8.5) en raison notamment de leur hypothèse d’une expansion rapide du charbon au XXIe siècle.
La plausibilité des scénarios fait l’objet de discussions depuis de nombreuses années, mais le GIEC n’a pas vraiment évalué le réalisme des projections qui sont au cœur de la plupart des recherches et évaluations sur le climat. Le rapport du groupe de travail 1 du sixième rapport d’évaluation du GIEC (2021) précise bien qu’aucune probabilité n’est attachée aux scénarios évalués dans ce rapport. Le rapport du GIEC AR6 reconnaît tout de même que « la probabilité de scénarios à fortes émissions tels que RCP8.5 ou SSP5-8.5 est considérée comme faible et que les récents scénarios de « politique déclarée » de groupes tels que l’Agence internationale de l’énergie sont « approximativement conformes aux scénarios moyens RCP4.5, RCP6.0 et SSP2-4.5 ». (…)
La plupart des scénarios plausibles (62 % avec le filtre 0,1 %/an ; 56,3 % avec le filtre 0,3 %/an) projettent des trajectoires d’émissions jusqu’en 2100 qui sont cohérentes avec le SSP 3.4 (3,4 W m-2, 2,0°C-2,4 °C de réchauffement). Tous les scénarios plausibles se situent entre 2 °C et 3 °C d’ici 2100. (…)
Plusieurs points semblent cependant poser problème dans cette étude. Tout d’abord, il faut préciser que les filtres 2005-2019 et 2005-2020, qui ne prennent pas en compte les projections de l’AIE, admettent un petit nombre de scénarios avec un réchauffement supérieur à 3 °C. Ainsi, l’invraisemblance des scénarios de réchauffement supérieur à 3 °C dépend de l’exactitude des projections STEPS de l’AIE (2021), et plus particulièrement de sa projection selon laquelle les émissions mondiales de dioxyde de carbone plafonneront tout au plus au cours des prochaines décennies. Si le rythme de la décarbonisation mondiale ne parvient pas à suivre les projections STEPS de l’AIE (2021), les scénarios présentant un réchauffement supérieur à 3 °C d’ici 2100 redeviendraient plausibles.
Une autre interrogation majeure porte sur la trajectoire retenue. Il est tout à fait possible qu’un scénario qui s’est écarté de manière significative des observations et des projections – et qui est donc éliminé par l’étude – soit plus conforme à la réalité par la suite. (…)
Il est par ailleurs important de noter que parmi les scénarios que l’analyse identifie comme plausibles, beaucoup d’entre eux prévoient un déploiement important des technologies d’élimination du carbone dans la seconde moitié du siècle, dont la faisabilité n’est pas évaluée par l’analyse.
Pour conclure, l’étude permet d’entrevoir une limitation du réchauffement entre 2 et 3°C à la condition que les projections de l’AIE soient confirmées à l’horizon 2050 avec le concours des outils de transition énergétique. Mais on peut se demander si ce type d’analyse (symptomatique d’une évolution récente ?) ne prend pas trop pour acquis ce qui ne dépend au final que des engagements des Etats. »
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