Voici une traduction amateur et non autorisée de la quatrième section du « futur de l’approvisionnement pétrolier ». Les gras remplacent les italiques de l’article original (expressions importantes) ou sont de mon fait. Les éléments entre accolades sont des rajouts qui m’ont paru utiles. Retrouvez le sommaire de l'article par ici.
Le taux d’épuisement est le taux auquel les réserves de pétrole diminuent.le taux de déclin est le taux auquel la production baisse.
Quand la production pétrolière culmine - Oil "peaking"
La production du pétrole conventionnel doit finalement baisser à quasiment zéro, car c’est une ressource finie. Le phénomène du "pic pétrolier" vient des caractéristiques physiques fondamentales de la ressource pétrolière qui contraint la forme du cycle de production (c’est-à-dire le taux de production au fil du temps) d’une région de production. Il conduit généralement la production à augmenter jusqu’à un maximum puis à décliner. Mais ces propriétés physiques sont arbitrées par de multiples facteurs techniques, économiques et politiques qui créent toute une gamme de possibilité pour la courbe du cycle de production d’une région, et une incertitude considérable quant au timing des futurs pics de production. L’importance relative de ces facteurs attribués au sous-sol ou aux humains fluctue entre les régions et au cours le temps et, est devenue, un élément central de débat.
Le plafonnement de la production d’un puits et d’un champ
Au moment où un puits de pétrole est lancé, son rythme de production augmente rapidement jusqu’à un pic qui peut être rallongé par un plateau en réduisant le débit ou en injectant des fluides pour maintenir la pression du réservoir. Mais à un moment, la production commence à décliner suite à la baisse de pression et/ou le passage de gaz et d’eau (figure 9). Dans les puits matures, la proportion d’eau peut atteindre 90 % ou plus du volume du liquide produit, ce qui crée un problème de traitement.
Après un plateau, la production des gisements et des puits individuels décline normalement à taux constant (baisse exponentielle) ou avec un taux en baisse (déclin hyperbolique). Des équations empiriques pour modéliser cette baisse de production sont largement utilisées pour prévoir la production future d’un puits ou d’un gisement, et pour estimer la récupération finale maximum [9,30, 31]. Pratiquement, la courbe du cycle de production est souvent modifiée par des interruptions de production, l’introduction d’une nouvelle technologie et d’autres facteurs.
Pour la plupart des champs pétroliers, la période de déclin constitue la majorité du cycle de production et la plus grosse partie de la production cumulée. La figure 10, à titre d’illustration, montre comment chacun des plus vastes gisements offshore britanniques (Forties, Brent and Ninian) a mis 3 à 8 ans pour atteindre un pic, est resté sur un plateau pendant 2-3 ans puis est entré dans un long déclin à peu près exponentiel. Forties produisit 29 % de sa production cumulée avant de plafonner, Ninian 30 % et Brent 40 %. En prenant un échantillon de 77 gisements britanniques ayant culminé, nous avons estimé un taux de déclin moyen de 12,5 % par an, et une moyenne de 40 % de la production cumulée avant le maximum - un chiffre qui diminuera avec le temps parce que les gisements produisent encore [4].
Figure 10. Profils de production de trois gisements pétroliers britanniques de la Mer du Nord, avec les courbes indicatives de déclin exponentiel. Source : UK Department of Energy and Climate Change. |
Pour maintenir ou augmenter une production régionale, la production déclinante des gisements ayant plafonné doit être remplacée par une production en hausse de nouveaux gisements.↵11 Du coup, le taux de déclin moyen des champs ayant culminé est un déterminant essentiel des besoins d’investissement mondiaux et régionaux et de l’approvisionnement futur. Des études récentes d’échantillons mondialement représentatifs de gisements de pétrole brut ayant dépassé leur pic calculent un taux de déclin moyen pondéré de la production d’au moins 6,5 % par an [5,32, 33]. C’est plus bas que le taux moyen, car les plus grands gisements ont tendance à décliner plus lentement [4,32–37]. Les taux de déclin semblent particulièrement faibles pour les gisements super géants du Moyen-Orient, mais c’est en partie une conséquence des quotas de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole {OPEP} et des interruptions causées par des conflits politiques. La même étude démontre également que les champs offshore déclinent plus vite que ceux à terre et que les nouveaux gisements déclinent plus vite que les anciens [4]. Si les champs plus petits, plus récents et offshore constituent une part croissante de la production mondiale future, alors le taux de déclin moyen des gisements de pétrole conventionnel augmentera avant le pic [5].↵12 Une plus grande dépendance aux ressources de pétrole de roche compacte produites par la fracturation hydraulique aggravera les tendances croissantes dans les taux moyens de déclin mondiaux, car ses puits n’ont pas de plateau et déclinent très rapidement - par exemple, de 90 % ou plus les cinq premières années (figure 11) [24]. Les implications de tout cela sont explorées un peu plus loin.
Pic régional
Un bassin pétrolier est une région définie géologiquement contenant plusieurs gisements, comme la Mer du Nord. La courbe de son cycle de production dépend de la distribution des tailles des gisements qui la composent, de l’ordre dans lequel ils ont été découverts et produits et du cycle de production de chacun. La plupart des ressources d’un bassin ont tendance à être situées dans un petit nombre de grands gisements. Le reste étant situé dans un plus grand nombre de petits gisements [4,39–41].↵13 Les grands champs sont plutôt découverts relativement tôt, en partie parce qu’ils occupent une plus grande zone. Les découvertes suivantes deviennent progressivement plus petites et nécessitent plus d’effort pour les localiser [11].
Malgré des influences politiques et économiques variées sur le développement de la ressource, ce schéma général s’applique habituellement et a d’importantes implications qui peuvent être illustrées à l’aide d’un simple modèle (figure 12). Ici, on suppose qu’un champ commence à produire chaque année et que chaque nouveau champ est de 10 % plus petit que le précédent. Dans cet exemple le pic régional de production (la neuvième année) survient quand la production additionnelle des plus petits champs qui furent développés relativement tard devient insuffisante pour compenser le déclin de production des gisements plus grands qui furent développés plus tôt. À ce moment, approximativement un tiers des ressources récupérables a été produit, la moitié de la ressource récupérable est contenue dans les réserves des champs en production déjà découverts et un cinquième reste à découvrir.
Des modèles comme celui-ci sont robustes pour une variété d’hypothèses concernant la distribution des tailles, la séquence des découvertes et le cycle de production des champs individuels, si l’on suppose que les plus grands champs sont découverts et développés tôt [43]. De tels modèles suggèrent que la production d’un bassin commencera à décliner quand moins de la moitié des ressources ultimes récupérables d’une région aura été produite, conduisant à un cycle de production agrégée asymétrique à sa gauche [11]. Ceci est fortement soutenu par des preuves empiriques provenant d’un nombre croissant de régions de production qui ont passé leur pic. Par exemple, Brandt [44] a analysé 74 régions ayant passé leur pic et a découvert que l’augmentation du taux de production dépassait dans 90 % des cas le taux de déclin. Nous avons analysé pareillement 37 pays post pic et trouvé en moyenne que seulement 24 % des URR avaient été produite au début du déclin.↵14 La Mer du Nord britannique fournit un excellent exemple de ce processus, c’est une des rares régions dont les données sont dans le domaine public. Le premier pic précéda le désastre de la plateforme Piper Alpha de 1988. Cette catastrophe conduisit à d’importants travaux de rénovation et à une production moins élevée dans de nombreux gisements, mais le second pic correspond aux mécanismes décrits plus haut. Ce pourrait ne pas être une coïncidence que ce pic arriva en 1999 quand les prix du pétrole et du forage d’exploration étaient à un plus bas de 30 ans. Mais la petite taille des découvertes ultérieures suggère que le pic n’aurait pas pu être significativement repoussé, et qu’en l’absence du désastre de Piper Alpha il serait arrivé plus tôt.
Figure 13. Production pétrolière britannique offshore par champ, 1975-2011. Source : data from UK Department of Energy and Climate Change. |
Les pays producteurs incorporent des bassins partiels, uniques ou multiples qui ne sont pas nécessairement développés par ordre de taille décroissante. Cependant les cycles de production nationaux ou régionaux sont généralement similaires à ceux des bassins individuels. La figure 14 montre la production agrégée des États-Unis décomposée par région et par catégorie de pétrole. Le pic de 1970 dans la production des 48 états (9,6 Mb par jour) fut anticipé par Hubbert [46] et largement déterminé par la taille déclinante des champs nouvellement découverts bien que les restrictions du gouvernement sur la production ont influencé le timing [47]. De nouveaux bassins en Alaska et en eaux profondes dans le Golfe du Mexique augmentèrent temporairement la production américaine totale à la fin des années 70 et au milieu des années 80. Le développement des ressources de pétrole de roche compacte a fait la même chose depuis 2008.
Figure 14. Production de pétrole brut américain par région et par type, 1949-2011. Source : US Energy Information Administration (http://www.eia.gov/dnav/pet/pet_crd_crpdn_adc_mbblpd_a.htm) ; North Dakota Department of Mineral Resources ; Texas Railroad Commission. La production de pétrole de roche compacte de la formation Bakken a été estimée en soustrayant la production de pétrole conventionnel de la production totale.
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Le cycle de production des ressources en pétrole de roche compacte obéit à un ensemble légèrement différent de mécanismes, car cette ressource est située dans des formations continues plutôt que dans des champs discrets. Cependant, le résultat est similaire à ceux du pétrole conventionnel. Avec des taux de déclin exceptionnellement importants pour les puits individuels (figure 11), la production régionale de pétrole de roche compacte peut être seulement maintenue par le forage continu de puits très proches les uns des autres.↵15 Mais les bassins de pétrole de roche compacte sont hétérogènes, avec une productivité de puits bien plus grande dans les "zones idéales" qu’ailleurs [22–24,48]. Donc quand les zones parfaites deviennent épuisées, cela devient de plus en plus difficile de maintenir la production régionale. En se basant sur ces considérations, Hugues [24] suggère que la production de pétrole de roche compacte devrait culminer autour de 2,5 Mb/j (à comparer à une production totale américaine de 6,9 Mb/j en 2008) puis devrait décliner très rapidement après 2017.↵16 D’autres études moins détaillées sont plus optimistes : par exemple l’AIE prévoit un pic à 3,2 Mb/j en 2025, suivi par un déclin plus lent.
Notes
↵11 Historiquement, les techniques de récupération assistée (EOR) ont été capables d’inverser le déclin des champs conventionnels post pic seulement brièvement. Les effets de l’EOR sont déjà inclus dans les estimations actuelles du déclin moyen du taux de production de différents groupes de champs.
↵12 À long terme, quand la production mondiale conventionnelle dépassera son pic et que le taux et la taille des découvertes seront baissiers, les champs géants âgés devraient progressivement dominer la production totale. Si cela arrive, le taux long terme agrégé de déclin devrait converger vers celui des champs géants [38].
↵13 Il y a un ancien débat quant à savoir si les champs pétroliers suivent une distribution des tailles selon une loi de puissance ou une loi lognormale [4]. Mais les incertitudes concernent largement la queue de distribution et ne modifient pas la conclusion générale.
↵14 En nous servant des estimations de sondages géologiques américains des réserves récupérables ultimes régionales, nous avons évalué une moyenne simple de l’épuisement au pic à 22 %, une moyenne pondérée de la production de 24 % avec un maximum de 52 %. Comme la connaissance s’enrichit, les prix augmentent et la technologie s’améliore, les estimations de ressources ultimes récupérables tendent à augmenter avec le temps, et donc les estimations du niveau d’épuisement au pic baissent naturellement.
↵15 Le plus grand bassin de pétrole de roche compacte aux États-Unis est le Bakken dans le Dakota du Nord. En mai 2012, il produisait 0,57 Mb/j avec 4598 puits. La production était sur une tendance haussière, soutenue par le forage d’approximativement 1500 puits supplémentaires chaque année. L’agence américaine d’information sur l’énergie (EIA) estime qu’il y a environ 11 700 lieux de forage disponibles dans le Bakken, bien que les estimations de l’industrie soient plus importantes [24].
↵16 L’analyse de Hughes [24] se fonde sur l’histoire de la production de 65 000 puits de 31 bassins schisteux contenue dans la base de données DI Desktop/HDPI et sur les données de l’EIA quant aux nombres de lieux de forages disponibles au sein de chaque bassin. En partant de l’hypothèse, que les taux de forage actuels soient maintenus, Hughes prévoit un pic de la production américaine de pétrole de roche compacte de 2,3 Mb/j en 2016, baissant rapidement à 0,7 Mb/j en 2025.
Références
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