Michael Hudson, professeur d'économie à Kansas City n'en revient pas : le temps d'un week-end il s'est cru à la remise des Oscars ! Plus de 2 000 personnes sont venus l'acclamer, lui et quatre de ses collègues, à Rimini en Italie lors d'un colloque sur la théorie monétaire moderne (les bases de la théorie en français, par Aliena).
Les choses bougent ! Avez-vous déjà entendu parler de 2 000 personnes réunies dans un gymnase pour écouter des économistes ?
Stephanie Kelton , William K Black, Marshall Auerback, Alain Parquez et Hudson sont venu expliqué pourquoi la zone Euro est dans l'impasse mais surtout quelle est l'alternative à ce qui nous est imposé aujourd'hui par le néolibéralisme.
Emporté par son enthousiasme, j'ai traduit un extrait de son article (merci Linguee).
L'idée maîtresse de notre argument est que, tout comme les banques commerciales créent le crédit par voie électronique sur leurs claviers d'ordinateur (création d'un crédit de compte bancaire pour les emprunteurs en échange de leur signature d'une reconnaissance de dette à charge d'intérêt), les gouvernements peuvent créer de l'argent. Comme les claviers d'ordinateur fournissent une source de création de crédit à peu près libre pour financer les dépenses, il n'y a pas besoin d'emprunter auprès des banques.
La différence, bien sûr, est que les gouvernements dépensent de l'argent (du moins en principe) afin de promouvoir à long terme la croissance et l'emploi, pour investir dans les infrastructures, la recherche publique et le développement, fournir des soins de santé et d'autres fonctions de base de l'économie. Les banques ont un délai à plus court terme. Elles prêtent contre des garanties, du collatéral(1). 80% des prêts bancaires sont des hypothèques sur des biens immobiliers. D'autres prêts sont faits pour financer des acquisitions par emprunt LBO(2) et des rachats d'entreprises. Mais la plupart des nouveaux investissements en capital fixe par les sociétés [machines, immeubles, etc] sont financés par les bénéfices/profits non répartis [qui ne sont pas distribués en dividende aux actionnaires].
Malheureusement, de plus en plus, le flux de leurs gains est actuellement détourné vers le secteur financier - pas seulement pour payer des intérêts et des agios aux banques, mais pour des rachats d'actions(3) destinés à soutenir [voir faire monter] les prix de ces actions et donc la valeur des stock-options(4) que les gestionnaires d'entreprises financiarisés se donnent aujourd'hui à eux-mêmes . En ce qui concerne le marché boursier - que les manuels d'économie dépeignent encore comme la collecte de fonds pour de l'investissement dans de nouveaux capitaux - il a été transformé en un support pour racheter des entreprises à crédit (par exemple, avec des obligations pourries à fort taux d'intérêt) en remplaçant l'investissement-capital par de la dette. Dans la mesure où les paiements des intérêts sont déductibles des impôts, comme s' ils étaient un coût nécessaire au fait de faire des affaires, les paiements de l'impôt sur le revenu des sociétés baissent. Et ce à quoi le collecteur d'impôts [l'état] renonce, est disponible pour être versé aux banquiers et aux possesseurs d'obligations qui s'enrichissent en chargeant l'économie avec de la dette.
Bienvenue dans l'économie post-industrielle, de type financiarisé. Le capitalisme industriel est passé par une série d'étapes du capitalisme financier : de l'économie de bulle à l'étape des fonds propres négatifs, des saisies, de la déflation par la dette [déflation = moins de monnaie disponible donc l'activité économique ralentit], de l'austérité - et de ce qui ressemble à de la servitude pour de la dette en Europe, spécialement pour les PIIGS: Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne. (Les pays baltes, Lettonie, Estonie et Lituanie, ont déjà été plongé si profondément dans la dette que leurs populations ont émigré pour trouver du travail et pour fuir leur dettes sur l'immobilier. La même chose a miné l'Islande depuis que l'arnaque opérée par ses banques s'est effondrée en 2008.)
Pourquoi les économistes ne décrivent pas ce phénomène? La réponse est une combinaison d'idéologie politique et d’œillères analytiques. Par exemple, dès que la conférence a pris fin à Rimini le dimanche soir, la chronique de Paul Krugman du lundi, 27 Février dans le New York Times, "De quel mal souffre l' Europe ?" blâmait les problèmes de l'euro simplement sur l'incapacité des pays à dévaluer leurs monnaies. Il critiquait à juste titre la ligne du parti républicain [USA] qui accuse les dépenses sociales européennes pour les problèmes de la zone euro, et qui critique également les déficits budgétaires.
Mais il a laissé de côté le carcan de la Banque centrale européenne (BCE) qui est incapable de monétiser les déficits, suite a une théorie économique pourrie écrite dans la constitution de l'UE.
Si les pays de la périphérie avaient encore leurs propres monnaies, ils pourraient et voudraient utiliser la dévaluation pour rétablir rapidement leur compétitivité. Mais ils ne les ont plus, ce qui signifie qu'ils sont dans une longue période de chômage de masse ainsi qu'une lente et écrasante déflation. Leurs crises de la dette sont principalement un sous-produit de cette triste perspective, parce que les économies déprimées entraînent des déficits budgétaires et la déflation augmente le fardeau de la dette.
Une dévaluation ferait baisser le prix du travail tout en augmentant le prix des importations. Le fardeau de la dette libellés en devises étrangères augmenterait en accord avec la dévaluation, ce qui créerait des problèmes à moins que le gouvernement n'adopte une loi pour re-libeller toutes les dettes en monnaie nationale. Ce serait répondre à la directive première des financements internationaux: toujours libeller les dettes dans votre propre monnaie, comme les États-Unis le font.
En 1933, Franklin Roosevelt annula la clause-or dans les contrats de prêt aux États-Unis, qui permettaient aux banques et autres créanciers d'être payés en or d'une valeur équivalente. Mais à sa manière néoclassique habituelle, M. Krugman ne tient pas compte de la question de la dette:
Les nations touchées, en particulier, n'ont rien que des mauvais choix: soit ils subissent les douleurs de la déflation ou ils prennent la décision radicale de quitter la zone euro, ce qui ne sera pas politiquement faisable jusqu'à ce que ou à moins que tout le reste échoue (un point dont la Grèce semble être proche). L’Allemagne pourrait aider en inversant ses propres politiques d'austérité et en acceptant une inflation plus élevée, mais cela n'arrivera pas.
Mais abandonner l'euro n'est pas suffisant pour éviter la déflation par la dette, l'austérité et les saisies si la nation qui se retire, conserve la politique néolibérale qui sévit dans l'euro. Supposons que l'économie post-euro ait une banque centrale qui refuse toujours de financer les déficits budgétaires publics, forçant le gouvernement à emprunter auprès des banques commerciales et des investisseurs obligataires? Supposons que le gouvernement estime qu'il devrait équilibrer le budget plutôt que de donner à l'économie le pouvoir de dépenser pour augmenter sa croissance?
Supposons que le gouvernement coupe les dépenses d'aide sociale publique, ou renfloue les banques pour leurs pertes, ou prend les paris perdants des banques au bilan comptable de l'état comme l'Irlande l'a fait? Ou d'ailleurs, si les gouvernements ne baissent pas les prêts hypothécaires immobiliers et les autres dettes à hauteur de la capacité à payer des débiteurs, ce que l'Islande n'a pas réussi à faire? Le résultat sera toujours la déflation par la dette, la confiscation des biens, le chômage - et une marée montante d'émigration tandis que l'économie nationale et les possibilités d'emploi se réduisent.
Alors quelle est donc la clé ? Elle est d'avoir une banque centrale qui fait ce pourquoi les banques centrales ont été créées : monétiser les déficits budgétaires publics de manière à dépenser de l'argent dans l'économie, d'une manière destinée à promouvoir la croissance économique et le plein emploi.
Tel est le message de la MMT [modern money theory] que cinq d'entre nous ont été invités à expliquer à l'auditoire de Rimini. Certains participants ont expliqué qu'ils avaient fait tout le chemin de l'Espagne, de France et d'autres villes à travers l'Italie. Et même si nous avons fait beaucoup d' interviews pour la presse, la radio et la télé, on nous a dit que les grands médias ont été orientés pour nous ignorer comme nous ne sommes pas politiquement correct.
Tel est l'esprit de censure de l'austérité monétaire néolibérale. Sa devise est TINA: There Is No Alternative. Il veut laisser les choses comme çà tant qu'il peut supprimer la discussion sur de meilleures alternatives dans l'espoir que le public restera consentant alors que son niveau de vie plonge et que la richesse est aspirée vers le haut de la pyramide économique des 1%.
Ndt
Retrouvez le billet complet sur http://captainshortman.blogspot.com/
Les choses bougent ! Avez-vous déjà entendu parler de 2 000 personnes réunies dans un gymnase pour écouter des économistes ?
Stephanie Kelton , William K Black, Marshall Auerback, Alain Parquez et Hudson sont venu expliqué pourquoi la zone Euro est dans l'impasse mais surtout quelle est l'alternative à ce qui nous est imposé aujourd'hui par le néolibéralisme.
Emporté par son enthousiasme, j'ai traduit un extrait de son article (merci Linguee).
L'idée maîtresse de notre argument est que, tout comme les banques commerciales créent le crédit par voie électronique sur leurs claviers d'ordinateur (création d'un crédit de compte bancaire pour les emprunteurs en échange de leur signature d'une reconnaissance de dette à charge d'intérêt), les gouvernements peuvent créer de l'argent. Comme les claviers d'ordinateur fournissent une source de création de crédit à peu près libre pour financer les dépenses, il n'y a pas besoin d'emprunter auprès des banques.
La différence, bien sûr, est que les gouvernements dépensent de l'argent (du moins en principe) afin de promouvoir à long terme la croissance et l'emploi, pour investir dans les infrastructures, la recherche publique et le développement, fournir des soins de santé et d'autres fonctions de base de l'économie. Les banques ont un délai à plus court terme. Elles prêtent contre des garanties, du collatéral(1). 80% des prêts bancaires sont des hypothèques sur des biens immobiliers. D'autres prêts sont faits pour financer des acquisitions par emprunt LBO(2) et des rachats d'entreprises. Mais la plupart des nouveaux investissements en capital fixe par les sociétés [machines, immeubles, etc] sont financés par les bénéfices/profits non répartis [qui ne sont pas distribués en dividende aux actionnaires].
Malheureusement, de plus en plus, le flux de leurs gains est actuellement détourné vers le secteur financier - pas seulement pour payer des intérêts et des agios aux banques, mais pour des rachats d'actions(3) destinés à soutenir [voir faire monter] les prix de ces actions et donc la valeur des stock-options(4) que les gestionnaires d'entreprises financiarisés se donnent aujourd'hui à eux-mêmes . En ce qui concerne le marché boursier - que les manuels d'économie dépeignent encore comme la collecte de fonds pour de l'investissement dans de nouveaux capitaux - il a été transformé en un support pour racheter des entreprises à crédit (par exemple, avec des obligations pourries à fort taux d'intérêt) en remplaçant l'investissement-capital par de la dette. Dans la mesure où les paiements des intérêts sont déductibles des impôts, comme s' ils étaient un coût nécessaire au fait de faire des affaires, les paiements de l'impôt sur le revenu des sociétés baissent. Et ce à quoi le collecteur d'impôts [l'état] renonce, est disponible pour être versé aux banquiers et aux possesseurs d'obligations qui s'enrichissent en chargeant l'économie avec de la dette.
Bienvenue dans l'économie post-industrielle, de type financiarisé. Le capitalisme industriel est passé par une série d'étapes du capitalisme financier : de l'économie de bulle à l'étape des fonds propres négatifs, des saisies, de la déflation par la dette [déflation = moins de monnaie disponible donc l'activité économique ralentit], de l'austérité - et de ce qui ressemble à de la servitude pour de la dette en Europe, spécialement pour les PIIGS: Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne. (Les pays baltes, Lettonie, Estonie et Lituanie, ont déjà été plongé si profondément dans la dette que leurs populations ont émigré pour trouver du travail et pour fuir leur dettes sur l'immobilier. La même chose a miné l'Islande depuis que l'arnaque opérée par ses banques s'est effondrée en 2008.)
Pourquoi les économistes ne décrivent pas ce phénomène? La réponse est une combinaison d'idéologie politique et d’œillères analytiques. Par exemple, dès que la conférence a pris fin à Rimini le dimanche soir, la chronique de Paul Krugman du lundi, 27 Février dans le New York Times, "De quel mal souffre l' Europe ?" blâmait les problèmes de l'euro simplement sur l'incapacité des pays à dévaluer leurs monnaies. Il critiquait à juste titre la ligne du parti républicain [USA] qui accuse les dépenses sociales européennes pour les problèmes de la zone euro, et qui critique également les déficits budgétaires.
Mais il a laissé de côté le carcan de la Banque centrale européenne (BCE) qui est incapable de monétiser les déficits, suite a une théorie économique pourrie écrite dans la constitution de l'UE.
Si les pays de la périphérie avaient encore leurs propres monnaies, ils pourraient et voudraient utiliser la dévaluation pour rétablir rapidement leur compétitivité. Mais ils ne les ont plus, ce qui signifie qu'ils sont dans une longue période de chômage de masse ainsi qu'une lente et écrasante déflation. Leurs crises de la dette sont principalement un sous-produit de cette triste perspective, parce que les économies déprimées entraînent des déficits budgétaires et la déflation augmente le fardeau de la dette.
Une dévaluation ferait baisser le prix du travail tout en augmentant le prix des importations. Le fardeau de la dette libellés en devises étrangères augmenterait en accord avec la dévaluation, ce qui créerait des problèmes à moins que le gouvernement n'adopte une loi pour re-libeller toutes les dettes en monnaie nationale. Ce serait répondre à la directive première des financements internationaux: toujours libeller les dettes dans votre propre monnaie, comme les États-Unis le font.
En 1933, Franklin Roosevelt annula la clause-or dans les contrats de prêt aux États-Unis, qui permettaient aux banques et autres créanciers d'être payés en or d'une valeur équivalente. Mais à sa manière néoclassique habituelle, M. Krugman ne tient pas compte de la question de la dette:
Les nations touchées, en particulier, n'ont rien que des mauvais choix: soit ils subissent les douleurs de la déflation ou ils prennent la décision radicale de quitter la zone euro, ce qui ne sera pas politiquement faisable jusqu'à ce que ou à moins que tout le reste échoue (un point dont la Grèce semble être proche). L’Allemagne pourrait aider en inversant ses propres politiques d'austérité et en acceptant une inflation plus élevée, mais cela n'arrivera pas.
Mais abandonner l'euro n'est pas suffisant pour éviter la déflation par la dette, l'austérité et les saisies si la nation qui se retire, conserve la politique néolibérale qui sévit dans l'euro. Supposons que l'économie post-euro ait une banque centrale qui refuse toujours de financer les déficits budgétaires publics, forçant le gouvernement à emprunter auprès des banques commerciales et des investisseurs obligataires? Supposons que le gouvernement estime qu'il devrait équilibrer le budget plutôt que de donner à l'économie le pouvoir de dépenser pour augmenter sa croissance?
Supposons que le gouvernement coupe les dépenses d'aide sociale publique, ou renfloue les banques pour leurs pertes, ou prend les paris perdants des banques au bilan comptable de l'état comme l'Irlande l'a fait? Ou d'ailleurs, si les gouvernements ne baissent pas les prêts hypothécaires immobiliers et les autres dettes à hauteur de la capacité à payer des débiteurs, ce que l'Islande n'a pas réussi à faire? Le résultat sera toujours la déflation par la dette, la confiscation des biens, le chômage - et une marée montante d'émigration tandis que l'économie nationale et les possibilités d'emploi se réduisent.
Alors quelle est donc la clé ? Elle est d'avoir une banque centrale qui fait ce pourquoi les banques centrales ont été créées : monétiser les déficits budgétaires publics de manière à dépenser de l'argent dans l'économie, d'une manière destinée à promouvoir la croissance économique et le plein emploi.
Tel est le message de la MMT [modern money theory] que cinq d'entre nous ont été invités à expliquer à l'auditoire de Rimini. Certains participants ont expliqué qu'ils avaient fait tout le chemin de l'Espagne, de France et d'autres villes à travers l'Italie. Et même si nous avons fait beaucoup d' interviews pour la presse, la radio et la télé, on nous a dit que les grands médias ont été orientés pour nous ignorer comme nous ne sommes pas politiquement correct.
Tel est l'esprit de censure de l'austérité monétaire néolibérale. Sa devise est TINA: There Is No Alternative. Il veut laisser les choses comme çà tant qu'il peut supprimer la discussion sur de meilleures alternatives dans l'espoir que le public restera consentant alors que son niveau de vie plonge et que la richesse est aspirée vers le haut de la pyramide économique des 1%.
Ndt
1. collatéral = des contreparties, des actifs : immobilier, actions, obligations...
2. LBO = leverage buy out : par ex, une personne morale qui possède 10 emprunte alors 100 (effet de levier 1:10) pour acheter une entreprise et utilise le flux des profits de cette entreprise pour rembourser son emprunt. Souvent cela ne suffit pas, elle revend alors des morceaux de la boîte pour rembourser l'emprunt.
3. rachat d'actions : c'est « la grande mode » en cemoment au sein des entreprises cotées en bourse : elles rachètent des paquets de leurs actions sur le marché avec leur fonds disponibles; du coup le capital est moins dilué, le nombre d'actions sur le marché diminue et par la même leur prix monte.
4. stock-option = option sur action. une option est un produit financier dérivé, on peut prendre des options sur toute sorte de produits financiers. On achète un droit de vendre ou d'acheter à une date donnée ou non, telle quantité de tel produit sous-jacent (ici l'action en question) à un certain prix ou non (peut rentrer en compte le prix du produit sous-jacent par rapport à un seuil de prix déterminé à l'avance). Dans le cas de stock-options versées à un dirigeant celui-ci ne paît rien évidemment, c'est un rémunération. Il peut exercer le contrat (toucher les actions et au besoin les vendre) dans un délai prescrit dans le contrat. Son objectif professionnel devient : faire monter le prix des actions de sa boite.
Retrouvez le billet complet sur http://captainshortman.blogspot.com/
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