Extraits de la Note à l’attention des membres de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques - Epidémie de COVID-19 – Point de situation au 30 mars 2020
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Sur les enjeux de l'organisation du système hospitalier
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une estimation de chercheurs français indiquait le 16 mars, que la plupart des services de réanimation devraient arriver à saturation entre fin mars et début avril, et ce, d’autant plus rapidement que la contagiosité du virus est grande. Cette estimation ne tenait cependant pas compte des lits libérés de façon exceptionnelle dans les hôpitaux et elle a été faite « à contagiosité fixe », c’est-à-dire que la diminution de la contagiosité permise par le confinement de la population n’y a pas été prise en compte.
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Sur la propagation de la maladie
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Comme pour de nombreuses infections respiratoires, le virus se transmet par voie aérienne. Il a été supposé dans les premiers temps que la transmission s’effectuait majoritairement par gouttelettes, c’est-à-dire qu’une personne est susceptible d’être contaminée lorsqu’elle se trouve à proximité immédiate (environ un mètre) d’un malade toussant, éternuant, se mouchant ou postillonnant. Depuis, il a été montré que le virus est stable sous la forme d’aérosol (particules d’eau en suspension dans l’air) jusqu’à trois heures, ce qui rend possible une contamination à plus grande distance.
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la période de contagiosité n’est pas clairement établie à ce jour, notamment pour les personnes asymptomatiques et peu symptomatiques, mais certaines indications suggèrent qu’une personne infectée est contagieuse un jour au moins – et peut-être jusqu’à 3 jours – avant l’apparition des premiers symptômes, quand ils apparaissent. Cette caractéristique de la maladie COVID-19, ainsi que le fait qu’une grande partie des personnes infectées ne présente qu’une forme mineure, participe de sa plus grande contagiosité par rapport au SARS ou au MERS. Les scientifiques chinois ont par ailleurs montré que la contagiosité de la maladie n’était pas suffisamment abaissée par les mesures d’endiguement (recherche des cas contact, mesures barrière, etc.).
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Sur les projections et leur interprétation
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Les scientifiques estiment que le taux de létalité de la maladie se situe entre 0,5 % et 4 %. Ce taux rapporte les décès constatés chez des personnes infectées par le virus au nombre de cas confirmés. Il varie d’un pays à l’autre selon plusieurs paramètres, dont le plus variable est l’exhaustivité du dépistage (plus les cas d’infections sont dépistés, plus le taux de létalité est faible, mathématiquement) ; interviennent aussi les modalités de comptabilisation des décès : attribution ou pas du décès au SARS-CoV2 lorsqu’il y a une comorbidité ; décompte dans les seuls établissements de soins ou dans un périmètre plus étendu. De nombreux scientifiques alertent sur l’impossibilité de comparer les pays sur la base du nombre de cas confirmés par diagnostic. L’estimation la plus fiable proviendra de la comparaison de la mortalité totale pour la période de l’épidémie (de février à juin) à la mortalité moyenne observée pour cette période,
ces dernières années.
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Les modélisations scientifiques se fondant sur les modes de propagation des virus respiratoires estiment que 15 à 30 % de la population devraient être infectés par le SARS-CoV-2. Sans mesure barrière ni mesure de confinement, il a été estimé que 60 % de la population seraient infectés avant que l’immunité de groupe endigue l’épidémie
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Les mesures prises en France ont permis de limiter ce « taux d’attaque » dans la population, de façon temporaire. Cependant, on manque de références solides pour apprécier les conséquences des mesures barrières et des mesures de confinement sur la mortalité effective associée à l’épidémie en France.
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La France connaît actuellement une augmentation exponentielle du nombre de cas, ce qui est logique dans une situation épidémique (voir les graphes en fin de document). Les scientifiques estimaient d’abord que la France suivait le chemin emprunté par l’Italie avec 8 à 10 jours de retard, et que l’évolution y serait donc similaire, du moins dans les 15 jours suivant le début du confinement. Il semble que ce retard sur l’Italie se soit légèrement accentué : il serait plutôt de 10 à 11 jours, et l’augmentation du nombre de cas et de décès en France semble moins rapide. Un doublement du nombre de décès a néanmoins lieu tous les 4 jours et n’inclut pas encore les décès survenus hors des structures hospitalières.
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Etant donné le délai d’incubation de 5 à 6 jours en moyenne, et le délai d’environ 10 jours pendant lequel les symptômes restent modestes, avant de s’aggraver éventuellement, il est raisonnable de penser que le ralentissement du nombre de nouveaux cas suite aux mesures de confinement décidées samedi 14 et lundi 16 mars ne sera visible que début avril.
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Pour les scientifiques, estimer le nombre de cas réels en l’extrapolant à partir du nombre de décès et d’un taux de létalité vraisemblable, est plus pertinent, même si les critères pour comptabiliser les décès varient également d’un pays à l’autre.
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Autres questions
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Les scientifiques ne s’accordent pas sur la durée de l’épidémie : de 1 à 3 mois pour certains, jusqu’à 6 ou 8 mois pour d’autres, en fonction de l’appréciation qu’ils ont de l’efficacité des mesures d’endiguement. D’autres avancent que sans éradication globale, peu probable en l’absence de vaccin, l’épidémie ne s’éteindra pas et sera toujours présente à l’hiver prochain. Le virus étant plus contagieux que celui de la grippe, rien n’indique que les changements de mode de vie saisonniers soient suffisamment favorables à une diminution de la propagation de la maladie pour qu’elle s’éteigne20. A ce jour, il est difficile de dire si le virus persistera dans le temps et reviendra de manière saisonnière, à l’image du virus de la grippe, avec des souches virales différentes, d’une année sur l’autre, ou si le virus s’éteindra comme le SARS-CoV-1.
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Tous ces éléments incitent à la prudence et à la prolongation du confinement. Quand et dans quelles conditions une sortie pourra-t-elle être décidée pour que l’épidémie ne reprenne pas ? Il a été avancé qu’un dépistage massif irait dans ce sens ; la stratégie est d’ailleurs recommandée par l’OMS.
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Il faut toutefois noter que le test de dépistage par prélèvement nasal ou via les expectorations est entaché d’un taux de faux négatifs très élevé (28 à 37 %) par rapport au prélèvement de fluide de lavage bronchoalvéolaire (7 %)23. De plus, un dépistage réellement massif nécessite une logistique adaptée et de nombreux États font face à une pénurie de réactifs nécessaires aux tests.
Plusieurs scientifiques ont demandé une campagne de dépistage, qui, puisqu’elle ne pourra pas être exhaustive, pourrait être aléatoire pour mieux caractériser l’épidémie et mieux comprendre la diffusion du virus dans la population. Il est nécessaire de mieux connaître le taux d’attaque réel dans la population par la connaissance du statut sérologique de la population, pour
connaître le taux de personnes immunisées et adapter les mesures visant à protéger les personnes non immunisées.
Scientifiques consultés :
–Pr.Éric Caumes, Maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Pitié-Salpêtrière
–Pr. Bruno Lina, directeur du Laboratoire associé au Centre national de référence virus des infections respiratoires, Hospices civils de Lyon
–Dr. François Bourdillon, ancien directeur général de Santé publique France
–Pr. François Bricaire, infectiologue, Académie de médecine
–Pr. Odile Launay, infectiologue, directrice du Centre d’investigation clinique spécialisé en vaccinologie
–Pr. Pascal Crépey, épidémiologiste à l’École des hautes études en santé publique
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