Certains passages en gras rajoutés. Allez lire les articles en entier; cela ne vous prendra pas beaucoup plus de temps:)
Analyse : le concept d'empreinte carbone a-t-il été inventé par les pétroliers ?, Bon Pote, 25 oct. 2022
« L’empreinte carbone est un outil particulièrement efficace pour savoir si son mode de vie est compatible avec un monde soutenable. En cinq minutes et quelques clics, vous obtenez un résultat, traduisant votre participation plus ou moins grande au changement climatique. C’est ainsi que les résultats oscillent généralement entre 2 et 30 tonnes CO2eq/an, avec une moyenne française à environ 10 tonnes CO2/eq.
Mais
cela fait des années que j’entends et lis que le concept d’empreinte
carbone a été inventé et/ou popularisé par les grands groupes
pétroliers. Que cela soit par des personnes bien ou mal intentionnées,
bien ou mal informées, le constat est le même : il faut se méfier de cet
outil, qui servirait les intentions des groupes pétroliers et ferait
donc perdurer notre système basé sur les énergies fossiles. Des
activistes climat aux politiques, ce concept d’empreinte carbone n’a pas
que des alliés. (...)
L’invention du concept d’empreinte carbone est une chose. Mais pour que le concept ait une signification pour le grand public et qu’il dépasse la recherche scientifique, il a fallu une aide extérieure. Cette aide extérieure est principalement venue de deux acteurs, British Petroleum (BP) et Ogilvy. Dès le début des années 2000, BP, l’un des plus grands producteurs d’énergies fossiles au monde, cherchait à redorer son blason et pour cela, il a choisi des méthodes éprouvées par l’industrie du Tabac.
En juillet 2000, BP a dépensé 200 millions de dollars de publicités pour annoncer leur changement de logo et slogan “Beyond Petroleum” (au-delà du pétrole). Un nouvel horizon, où BP investirait dans les énergies renouvelables et sortirait progressivement des énergies fossiles. Nous connaissons la suite. BP a continué de lancer de nouveaux projets fossiles partout dans le monde en y investissant des milliards, et fait partie des entreprises les plus polluantes au monde, scope 3 inclus. (...)
Depuis deux décennies, les groupes pétroliers ont changé de stratégie pour continuer le Business as Usual. Ils reconnaissent désormais que le changement climatique est d’origine anthropique, mais que les efforts sont avant tout à faire du côté des individus. C’est une stratégie adoptée par l’industrie du Tabac et qui a été reprise avec succès par BP, ExxonMobil, Total etc. Cette étude de Naomi Oreskes et Geoffrey Suppran le met remarquablement en évidence :
Les chercheurs ont constaté qu’aux alentours de l’an 2000, une nouvelle tendance est apparue dans les communications de l’entreprise destinées au public. Les publicités ont commencé à se concentrer sur la façon dont les consommateurs utilisent l’énergie. « Soyez intelligent en matière d’utilisation de l’électricité », suggère un publireportage de 2007, qui poursuit : « Chauffez et refroidissez votre maison efficacement ». « Améliorez votre consommation d’essence. » « Vérifiez les émissions de gaz à effet de serre de votre maison ».
Les scientifiques ne cessent pourtant de rappeler que sans changements structurels, il n’y a aucune chance de voir arriver la transition écologique. C’est ainsi aux investisseurs, aux États, aux collectivités locales et aux entreprises de prendre les initiatives de ce changement de système.
Cette stratégie de la redirection sur l’individu est également utilisée par les gouvernements, à l’instar du gouvernement Macron qui propose tour à tour d’arrêter d’envoyer des emails rigolos à ses amis, ou de couper le wifi. C’est l’un des discours de l’inaction climatique, très utilisé par les climato-rassuristes, qui sont aujourd’hui les pires ennemis de la lutte climatique. (...)
L’intérêt du simulateur d’empreinte carbone est multiple. Tout d’abord, c’est un formidable outil d’information et il suffit de voir les commentaires après utilisation (sur Bon Pote ou ailleurs) pour voir l’effet. Un utilisateur peut savoir en quelques minutes quel est son impact sur le climat, avoir les ordres de grandeur en tête et savoir où agir pour réduire le plus rapidement et facilement possible. Si vous prenez l’avion ou si vous avez une utilisation très importante de votre voiture, le résultat parlera de lui-même.
Cet outil permet également de rapidement voir les limites de ce que vous pouvez faire et ce que nous devons collectivement souhaiter : un changement structurel. N’espérez pas un développement de la mobilité active via le vélo si les infrastructures sont inexistantes. Les personnes qui n’ont pas d’autres choix que de prendre leur voiture n’arrêteront jamais s’il n’y a pas d’alternatives crédibles et accessibles à toutes et tous. Ce n’est pas pour autant qu’il faut négliger les gestes individuels, indispensables pour lutter contre le réchauffement climatique. (...)
Si tous les habitants de cette Terre savaient ce qu’était une empreinte carbone et que chaque habitant avait une empreinte carbone maximum de 2 tonnes CO2eq /an (voire moins), disons-le clairement : dans le système actuel et sans changement rapide de business model, les entreprises fossiles feraient faillite . Rappelons ce que dit le dernier rapport du GIEC. Non seulement il ne faut plus aucun nouveau puits pétrolier ou gazier dans le monde, mais sans fermeture anticipée d’une partie des exploitations de charbon, gaz et pétrole, nous dépasserons un réchauffement mondial de +1.5°C.
Pensez-vous que les débats autour de l’énergie et du climat seraient les mêmes si tout le monde savait cela ? Que les gouvernements et grands groupes pétroliers se permettraient de parler des petits gestes et de rediriger la responsabilité vers les individus ? Que nous accepterions de voir l’empreinte carbone actuelle des services publics sans qu’il y ait une forte pression pour que eux aussi tendent vers la neutralité carbone ? (...)
D’après les travaux de Lucas Chancel, les 50 % de la population mondiale ayant les revenus les moins importants ont émis 12 % des émissions mondiales en 2019, alors que les 10 % les plus riches ont émis 48 % du total. Depuis 1990, la moitié de la population mondiale la moins aisée n’a été responsable que de 16% de la croissance totale des émissions, alors que les 1% les plus aisés ont été responsables de 23% du total. Alors que les émissions par habitant des 1 % les plus riches ont augmenté depuis 1990, les émissions des groupes à revenus faibles et moyens des pays riches ont elles diminué. (...)Rediriger la responsabilité sur les bons individus
Si la redirection de la responsabilité du changement climatique est aujourd’hui sur les individus et notamment celles et ceux qui n’ont pas les moyens de changer le système, il est primordial de déplacer l’attention sur les “super-riches“. Non seulement les riches sont surreprésentés dans les gouvernements nationaux et il existe des liens étroits entre les plus riches et les élites politiques, mais aussi et surtout parce que les plus riches ne seront pas épargnés par le changement climatique et des possibles étés où la chaleur atteindra 50°C.
On ne peut cependant réduire les émissions des plus riches à leurs seules émissions, les fameux “1%”. Ils ne font pas qu’émettre du C02, ils tirent tout un système croissantiste et mortifère à faire la même chose par leur mode de vie. C’est le même principe avec les influenceurs, lorsqu’ils font des allers-retours à Dubaï en jet privé et le mettent en story Instagram. C’est ce que rappelle cette étude de Nielsen & al, 2021 :
Les personnes au statut socioéconomique élevé exercent une influence disproportionnée sur le climat en raison de leur rôle de consommateurs, d’investisseurs, de modèles au sein de leurs réseaux sociaux et pour les autres personnes qui observent leurs choix, de participants à des organisations et de citoyens cherchant à influencer les politiques publiques ou le comportement des entreprises. (...) »
Comment calculer son empreinte carbone, Bon Pote, 8 sept. 2020
« (...) L’empreinte carbone est un calcul des émissions de GES associées à la consommation au sens large (demande finale intérieure) d’un pays, quelle que soit l’origine géographique de la production des biens et services destinés à satisfaire cette consommation. Cette approche se distingue de l’inventaire national du bilan carbone, qui mesure les émissions sur le territoire (appelée approche territoriale).
Le gouvernement donne cette définition : “L’inventaire des gaz à effet de serre (GES) d’un pays donné est un tableau par grands secteurs qui présente les émissions sous une forme simple exploitable par toute personne qui souhaite un panorama objectif. Les inventaires sont réalisés en appliquant les principes méthodologiques définis par le GIEC.“
Illustration : en France, comme nous importons plus de produits que nous n’en exportons, notre empreinte carbone est supérieure à l’inventaire national. En 2017, avec 633 Mt CO2 éq, l’empreinte carbone présente un niveau supérieur à celui de l’inventaire national. Voici le détail ci-dessous :
Si vous découvrez seulement ce chiffre, vous risquez d’être secoué : il va falloir en moyenne diviser par 5 vos émissions ! En d’autres termes, diviser votre confort énergétique par 5. Citons la stratégie nationale bas carbone, page 43 :
Rapportée à l’habitant, en 2015, l’empreinte carbone des Français est légèrement supérieure à celle de 1995 : 11 tonnes de CO2eq par personne. En termes d’évolution, l’empreinte carbone des importations a augmenté de 2 % par an en moyenne lors des 5 dernières années, et les émissions
du territoire métropolitain ont baissé de 2,5 % par an. Or, pour limiter l’augmentation des températures à + 2 °C, il faut viser dès les prochaines décennies une empreinte carbone à l’échelle mondiale de 2 tonnes de CO2eq par personne. (...)
Voici maintenant l’empreinte carbone moyenne des français, et l’objectif. Avec des chiffres de 2017, ce graphique de l’étude “Faire sa part” de Carbone 4 illustre bien l’effort à faire :
Selon les sources, vous verrez ce chiffre évoluer de 9 t CO2eq à 12. Prenez en compte l’année de la source, et surtout, gardez bien en tête que ce qui est important ici, ce sont les ordres de grandeur. Libre à vous de creuser pour affiner et mieux comprendre les calculs. Carbone 4 a estimé l’empreinte moyenne à 9.9 t CO2eq en janvier 2022, cela correspond donc bien à l’ordre de grandeur de 10 tonnes de cet article. »
Le Calculateur d'empreinte carbone de l'ADEME
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