Sur la vitesse des transitions énergétiques :
« Vaclav [Smil] a décrit les énergies renouvelables comme la quatrième grande transition énergétique (après la maîtrise du feu, le passage de la cueillette à l’agriculture et à la domestication, le passage de la biomasse et du travail physique vivant à la combustion de combustibles fossiles. Néanmoins, il a également souligné les décennies nécessaires au déploiement des transitions énergétiques passées. (…) Il a également mis en garde contre l’adoption de solutions énergétiques à la mode, qui semblent excellentes sur le papier, mais qui sont difficiles à mettre à l’échelle, et a souligné que les gains d’efficacité énergétique sont souvent compensés par une plus grande consommation. » Michael Cembalest J.P. Morgan
« L'histoire montre cependant que les transitions énergétiques ne se font pas rapidement. Le moment clé de la première grande transition - du bois au charbon - fut janvier 1709, lorsqu'un métallurgiste anglais du nom d'Abraham Darby compris comment utiliser le charbon afin, dit-il, “d'obtenir un moyen plus efficace pour produire du fer”. Mais il fallut deux siècles avant que le charbon ne supplante le bois comme premier combustible. Le pétrole a été découvert dans l'ouest de la Pennsylvanie en 1859, mais ce n'est qu'un siècle plus tard, dans les années 1960, que le pétrole remplaça le charbon comme première ressource énergétique mondiale. » Daniel Yergin
La fin du pétrole, et après ? La Science Pour Tous, 20 septembre 2020
Plan de l'article:
- Le pétrole : c’est quoi ?
- Le pétrole : c’est génial mais…
- Dans les transports
- Dans les plastiques
- Dans l’agriculture
- Après le pétrole ? Lire
The New Geopolitics of Energy, Daniel Yergin, Wall Street Journal, sept 11, 2020
« Power is shifting from longtime oil giants like Russia and Saudi Arabia to innovators like China—and maybe the U.S.
(…) a looming transition that in the decades ahead will shift the world away from using oil, natural gas and coal. The transition will have an enormous global economic impact, but it will also bring about major changes in the map of global power. China is poised to be the big winner, Russia and Middle East oil exporters the big losers. The U.S. is likely to fall somewhere in between.
(…) Enormous efforts are now under way to bring about this shift, but it is likely to take longer, to be more expensive and to require more technical innovation than many now anticipate.
(…) History shows, however, that energy transitions don’t happen quickly. The key moment in the first major transition—from wood to coal—was in January 1709, when an English metalworker named Abraham Darby figured out how to use coal in order, he said, “that a more effective means of iron production may be achieved.” But it took two centuries before coal overtook wood and waste as the world’s number one fuel. Oil was discovered in western Pennsylvania in 1859, but it was not until a century later, in the 1960s, that oil replaced coal as the world’s top energy resource.
(…) The world currently depends on fossil fuels for 84% of its energy.
(…) Beijing has seen dependence on petroleum imports as a major strategic weakness. In recent years, that danger has been dubbed the “Malacca Dilemma,” referring to the narrow strait leading past Singapore and into the South China Sea. The risk in Beijing’s eyes is that, in the event of a confrontation with the U.S. over Taiwan or the South China Sea, the U.S. Navy would shut the strait to tankers carrying China’s oil imports from the Mideast and Africa, immobilizing large parts of China’s economy and military.
(…) Thanks to aggressive government promotion, China now possesses half the world’s electric cars.
(…) China stands atop the entire supply chain, with over 80% of the world’s battery manufacturing capacity.
(…) China now the source of almost 70% of the world’s solar panels. » Lire
La dominance Energétique, plus importante que la puissance armée ? 2000 watts.org, sept 2020
« Alors que les explorations pétrolières montrent des signes de fin de cycle et une pénurie à venir, les grandes puissances n’attendent pas pour s’adapter et maintenir leur suprématie. La domination de demain résidera davantage dans la maîtrise de l’énergie que dans l’exagération militaire."
(…) Alors que l’exploration pétrolière montre les limites d’un monde fini, la suprématie se déplace dans l’acquisition, le contrôle, le transport et la production d’électricité.
(…) Depuis 2008, la Chine a totalement accaparé le secteur des énergies propres comme l’éolien et le solaire ainsi que la mobilité électrique et le stockage.
(…) les USA se sont repliés sur leur tradition pétrolière avec l’objectif d’extraire de plus en plus de pétrole et de gaz, même à perte.
(…) Pour se rassurer, l’administration Obama-Biden avait lancé le concept d’abondance énergétique. Trump en a fait une doctrine de dominance énergétique sur le monde. Sûr de son avantage, il a abandonné le Moyen-Orient et une Irak pourtant chèrement payée. Le schiste avait le potentiel de délivrer plus d’impact qu’une bombe, mais la bulle a explosé. Le prochain président devra trouver une nouvelle source énergétique sous peine d’avancer vers le déclin.
(…) le siège le plus confortable est détenu par la Russie, véritable grenier énergétique. Alors que les vieux gisements d’hydrocarbures s’épuisent, le potentiel de l’Arctique et de schiste restent intacts. A moyen-terme, le tsar pourrait tenir le rôle de faiseur de rois. En Europe, l’Allemagne l’a bien compris en connectant, en exclusivité, les gisements gaziers russes avec ses industries.
(…) les armées font face à des changements de technologique et énergétique phénoménaux.
(…) Les robots tueurs remplacent les soldats dans les missions périlleuses. La faiblesse d’un soldat repose dorénavant sur une autonomie électrique de 72 heures. Après il lui devient impératif de trouver une recharge pour ses 12 kilos de piles pour activer son arsenal électronique.
(…) Les avions de chasse sont appelés à disparaître poussés à la retraite par les drones et le manque de kérosène. La table a été tournée et c’est dans la profondeur des cyberattaques que réside l’efficacité. Les centres de contrôle des installations énergétiques deviennent des proies prioritaires. Sans électricité, un pays pose un genou à terre. Sans pétrole, ses heures sont comptées.
(…) Pionniers dans ce changement de paradigme, se trouvent les gouvernements à main de fer comme la Chine, la Russie ou la Turquie qui comptent sur la vision et la puissance d’un homme. L’annexion du gaz méditerranéen par Ankara illustre parfaitement le propos. » Lire
Pic de la demande de pétrole : mythe ou réalité ? Maxence Cordiez, Connaissances des énergies, 9 oct 2020
« L’idée d’un déclin naturel de la demande de pétrole qui viendrait opportunément répondre au moins en partie aux enjeux climatiques et de réserves trouve un auditoire de plus en plus large. Il s’agit cependant d’une hypothèse largement prospective qui ne doit pas conduire à minorer les efforts à fournir pour réduire notre dépendance à l’or noir, avant d’y être contraint par l’épuisement des réserves accessibles à un coût raisonnable.
(…) [BP] envisage en effet que la demande ne revienne jamais à son niveau d’avant-crise dans ses scénarios « Transition rapide » et « Neutralité carbone », elle compte néanmoins sur une demande qui resterait croissante pendant 10 à 15 ans dans son scénario « Business as usual »
(…) que l’on croie ou non à un pic de la demande, des signes concordants indiquent que l’humanité a probablement atteint ou est en passe d’atteindre le niveau maximal historique de ses extractions (donc de sa consommation…) de pétrole, du fait de l’épuisement des ressources les plus aisément accessibles. Si la demande se maintient, la pérennité de l’approvisionnement est donc de plus en plus incertaine.
(…) [il s'agit d']estimer si ce déclin sera volontaire et transparent pour la population (baisse de la demande) ou subi (contraction de l’offre).
(…) D’où vient l’idée d’un pic de la demande ?
(…) Plus de la moitié du pétrole sert à alimenter les transports, principalement par la route (44% du pétrole consommé dans le monde en 2018 (…) Si la mobilité électrique – dont la compétitivité économique s’améliore grâce à la diminution du coût des batteries – venait à se déployer à large échelle au niveau mondial, elle pourrait théoriquement affecter la demande de pétrole.
(…) déploiement de la mobilité autonome partagée. Celle-ci pourrait réduire encore le coût au kilomètre, en optimisant l’usage du véhicule et de sa batterie (sous-utilisée dans le cas d’un véhicule électrique personnel) et en répartissant les coûts sur une base plus large d’usagers.
(…) Le déploiement à large échelle des véhicules électriques autonomes partagés n’est cependant aujourd’hui qu’une hypothèse prospective qui ne peut pas être tenue pour acquise. Outre les questions techniques et réglementaires qu’elle sous-tend, on peut tout à fait imaginer des barrières culturelles et psychologiques à l’abandon de la voiture individuelle. Elle représente un marqueur social fort – notamment hors des grandes villes – qui risque d’être difficile à surmonter.
(…) L’électrification à large échelle de la mobilité appelle certaines réserves
(…) L’électrification rapide et à large échelle de la mobilité routière entraînerait une hausse significative de la consommation d’électricité, même en tenant compte de l’efficacité bien supérieure des moteurs électriques par rapport aux moteurs thermiques.
(…) Cela représente un contenu énergétique de 528 TWh par an.
(…) Supposons une électrification totale par batteries, ce qui est une hypothèse optimiste car la batterie n’est pas adaptée à tous les segments de transport routier et les pertes énergétiques sont bien plus élevées en passant par le vecteur hydrogène. En tenant compte de la plus grande efficacité des moteurs électriques, il faudrait produire entre 150 et 200 TWh d’électricité supplémentaire pour répondre à la totalité des besoins de la mobilité routière
(…) Cet ordre de grandeur de 150-200 TWh est à mettre en regard de la production électrique française actuelle (538 TWh en 2019). Si une telle progression de la production électrique (bas carbone sinon on ne répond pas au problème) ne peut pas être exclue, ce n’est pas le chemin que l’on emprunte aujourd’hui. Le gouvernement prévoit toujours de fermer 14 réacteurs nucléaires de 900 MW d’ici 2035
(…) Cela représentera au total un déficit annuel d’électricité bas carbone produite à la demande légèrement supérieur à 80 TWh
(…) à l’échelle mondiale, 64% de l’électricité produite en 2018 l’a été à partir de combustibles fossiles, dont 23% par le gaz seul (en croissance forte). Or, 20% du gaz est co-extrait avec du pétrole. Une réduction des extractions d’or noir aurait donc probablement un impact sur l’approvisionnement en gaz et, in fine, sur le coût de l’énergie, donc de la mobilité électrique (pas seulement à l’usage mais aussi sur les coûts de fabrication).
(…) L’essentiel des réserves conventionnelles sont aujourd’hui détenues par des compagnies nationales (Saudi Aramco, National Iranian Oil Company, Iraq National Oil Company…). Quant aux pétroles non conventionnels, il s’agit de ressources chères à exploiter, non rentables au cours actuel du baril, et sur lesquelles un positionnement reste de l’ordre du pari. Des sommes colossales ont été perdues par les fonds et entreprises qui ont investi dans le pétrole de roche mère aux États-Unis
(…) Les discours sur l’arrivée opportune d’un pic de la demande ne seraient-ils donc pas également un moyen pour les compagnies pétrolières d’offrir une narration positive face à leur incapacité à renouveler leurs réserves ? La conséquence de cette contrainte est alors présentée comme le fruit d’une stratégie : il n’est plus besoin de renouveler les réserves, vu que la demande va diminuer. Cette approche est en outre favorable en termes de communication car elle renvoie l’image de compagnies responsables vis-à-vis du climat, tout en portant un message optimiste : les émissions de gaz à effet de serre baisseront naturellement sans effort particulier, du fait d’une demande pétrolière qui diminuera d’elle-même.
(…) nous devons garder à l’esprit que la consommation pétrolière – donc la demande – était croissante jusqu’en 2019 inclus. Elle a augmenté de 924 000 barils/jour entre 2018 et 2019, soit une augmentation de 0,9%
(…) Nous ne pouvons pas miser notre avenir sur le pari d’un déclin naturel de la demande de pétrole, qui serait poussé à temps vers la sortie par des solutions plus compétitives et déployables à large échelle.
(…) Face aux incertitudes qui planent sur la pérennité de l’offre et à la nécessité impérieuse de réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité carbone, nous devons agir et tout mettre en œuvre pour assurer le déclin de la demande pétrolière. Répondre à cet enjeu nécessite d’aller au-delà de nos seules espérances quant au potentiel des technologies futures. » Lire
L'électrification du parc de véhicules légers ne permettra pas à elle seule d'atteindre les objectifs d'atténuation, Milovanoff, Posen, Maclean, Nature Climate Change, 28 sept 2020
« Les stratégies d’atténuation du changement climatique sont souvent axées sur la technologie, et les véhicules électriques (VE) sont un bon exemple de ce que l’on croit être une solution miracle. Nous montrons ici que les politiques américaines actuelles sont insuffisantes pour rester dans le cadre d’un budget sectoriel d’émissions de CO2 pour les véhicules légers, compatible avec la prévention d’un réchauffement climatique de plus de 2 °C, créant un déficit d’atténuation pouvant atteindre 19 GtCO2 (28 % des émissions projetées pour le parc de véhicules légers pour la période 2015-2050). En 2050, pour combler l’écart d’atténuation uniquement avec les VE, cela nécessiterait plus de 350 millions de VE (90 % du parc), la moitié de la demande nationale d’électricité et des quantités excessives de matériaux critiques. L’amélioration de la consommation moyenne de carburant des véhicules conventionnels, grâce à des normes strictes et à un contrôle du poids, réduirait la nécessité de recourir à des technologies alternatives, mais il est peu probable qu’elle permette de combler entièrement le fossé de l’atténuation. Il est donc nécessaire de mettre en place un large éventail de politiques comprenant des mesures visant à réduire la possession et l’utilisation des véhicules. » Lire en anglais
Une nouvelle étude montre que la conversion aux véhicules électriques ne permettra pas à elle seule d'atteindre les objectifs climatiques, Université de Toronto, 28 sept 2020
« La proportion totale de VE sur les routes américaines est actuellement d’environ 0,3 %. Il est vrai que les ventes augmentent rapidement, mais même les projections les plus optimistes suggèrent que d’ici 2050, la flotte américaine ne comptera pas plus que 50 % de VE. » Alexandre Milovanoff
« Nous devons repenser nos comportements, la conception de nos villes et même certains aspects de notre culture. Tout le monde doit en assumer la responsabilité. » Heather L. MacLean
« Il pourrait s’agir d’investissements massifs dans les transports publics - métros, trains de banlieue, bus - ainsi que de la reconfiguration des villes pour permettre d’effectuer davantage de déplacements en mode actif, comme le vélo ou la marche. Ils pourraient également inclure des stratégies telles que le télétravail. » Université de Toronto Lire en anglais
Les voitures électriques et les batteries de stockage d'énergie à grande échelle ne se concrétiseront probablement pas, Alice Friedemann, Sept 21, 2020
La transition énergétique n'est ni écologique ni soutenable:
« Des métaux et des minerais, dont le cobalt, le cuivre, le lithium, le cadmium et des terres rares (TR), seront nécessaires pour des technologies telles que le solaire photovoltaïque, les batteries, les moteurs de véhicules électriques (VE), les éoliennes, les piles à combustible et les réacteurs nucléaires.
(…) Entre 2015 et 2050, le stock mondial de VE doit passer de 1,2 million de voitures particulières à 965 millions de voitures, la capacité de stockage des batteries doit passer de 0,5 gigawatt-heure (GWh) à 12 380 GWh, et la capacité photovoltaïque solaire installée doit passer de 223 GW à plus de 7100 GW (3). La quantité de matériaux et de métaux demandés par une économie à faible émission de carbone sera immense (UN 2019). Une évaluation récente a conclu que la demande prévue pour 14 métaux - tels que le cuivre, le cobalt, le nickel et le lithium - essentiels à la fabrication d'énergie renouvelable, de VE, de piles à combustible et de technologies de stockage, augmentera considérablement au cours des prochaines décennies (Dominish 2019). Une autre étude a prévu une augmentation de la demande de matériaux entre 2015 et 2060 de 87 000 % pour les batteries des VE, de 1 000 % pour l'énergie éolienne et de 3 000 % pour les cellules solaires et le photovoltaïque. Bien qu'il ne s'agisse que de projections et qu'elles soient sujettes à l'incertitude, la Banque mondiale a déclaré de manière concise que “la transition vers une énergie propre sera fortement intensive en minéraux”.
(…) De nombreux minerais et métaux nécessaires aux technologies bas-carbone sont considérés comme des “matières premières critiques” ou des “éléments technologiquement critiques”, des termes destinés à rendre compte du fait qu'ils sont non seulement d'une importance stratégique ou économique, mais aussi plus exposés à un risque de pénurie d'approvisionnement ou de volatilité des prix (CE 2017).
(…) En outre, l'exploitation minière a souvent de graves répercussions sur l'environnement et entraîne la dislocation des communautés. De plus, la production de métaux elle-même est une activité à forte intensité énergétique et difficile à décarboner. L'exploitation minière du cuivre, nécessaire pour les fils et circuits électriques et les cellules solaires à couche mince, et celle du lithium, utilisé dans les batteries, a été critiquée au Chili pour avoir épuisé les ressources locales en eaux souterraines dans le désert d'Atacama, détruit des écosystèmes fragiles et transformé des prairies et des lagunes en étendues salées. L'extraction, le broyage, le raffinage et la transformation du cadmium, un sous-produit de l'extraction du zinc, en composés pour les batteries rechargeables au nickel-cadmium et les modules photovoltaïques à couche mince qui utilisent du tellurure de cadmium ou des semi-conducteurs au sulfure de cadmium peuvent présenter des risques tels que la contamination des eaux souterraines et des aliments ou l'exposition des travailleurs à des produits chimiques dangereux, en particulier dans les chaînes d'approvisionnement où l'exposition au cadmium élémentaire est la plus importante. Les TR, tels que le néodyme et le dysprosium, moins courant, sont nécessaires pour les aimants des générateurs électriques des éoliennes, les moteurs des VE, les barres de contrôle des réacteurs nucléaires et les catalyseurs de la fracturation des gaz de schiste. Mais l'extraction des TR en Chine a entraîné une pollution chimique due au sulfate d'ammonium et au chlorure d'ammonium, et aux résidus d'exploitation qui menacent aujourd'hui les aquifères des nappes phréatiques rurales ainsi que les rivières et les cours d'eau. Plusieurs métaux destinés aux technologies vertes se trouvent associés à d'autres minerais de valeur différente et à des chaînes d'approvisionnement non durables (Nassar 2015). » Lire en anglais
source : Sovacool et al., Sustainable minerals and metals for a low-carbon future (accès), Science,3 Janvier 2020
Rapport 2020 sur l’énergie, J.P. Morgan, sept 2020
« Les confinements COVID ont permis de réduire les émissions mondiales de CO2 à des niveaux qui n’avaient pas été atteints il y a plus de dix ans. Bien que cette baisse soit temporaire, il y a tout de même une leçon à en tirer : un arrêt non durable de l’activité économique et de la mobilité fut nécessaire pour réduire sensiblement les émissions mondiales de CO2. (…) Comment les transitions vers les énergies renouvelables pourraient-elles accomplir la même chose ? (…) Beaucoup d’idées scintillent au loin, mais peu sont capables d’être déployées à l’échelle nécessaire et commercialisées de manière substantielle dans un avenir proche. (…)
Résumé
Vaclav [Smil] a décrit les énergies renouvelables comme la quatrième grande transition énergétique (après la maîtrise du feu, le passage de la cueillette à l’agriculture et à la domestication, le passage de la biomasse et du travail physique vivant à la combustion de combustibles fossiles. Néanmoins, il a également souligné les décennies nécessaires au déploiement des transitions énergétiques passées. (…) Il a également mis en garde contre l’adoption de solutions énergétiques à la mode, qui semblent excellentes sur le papier, mais qui sont difficiles à mettre à l’échelle, et a souligné que les gains d’efficacité énergétique sont souvent compensés par une plus grande consommation. Un exemple de cette dernière : une baisse de 75 % depuis 1960 de la consommation de carburant des avions à réaction par passager au kilomètre a entraîné une baisse similaire du prix des billets et une augmentation de la fréquentation et des émissions associées des avions. (…)
Alors que l’intensité globale de CO2 s’est améliorée (la quantité de CO2 générée par unité de croissance économique réelle a diminué), le niveau absolu des émissions globales de CO2 continue d’augmenter. Les récentes augmentations d’émissions proviennent principalement des économies émergentes, mais n’oubliez pas les raisons.
Les pays développés se désindustrialisent depuis 25 ans, ce qui a déplacé vers le monde émergent la fabrication à forte intensité de carbone de l’acier, du ciment, de l’ammoniac et des plastiques. En d’autres termes, les pays émergents produisent maintenant des biens industriels dont ils ont besoin en plus de ce qu’ils produisent également pour le monde développé. Toute discussion sur les émissions et les contraintes régionales devrait refléter ces réalités.
Pour renforcer le point sur le transfert de la production vers le monde en développement, il faut envisager la production d’électricité à partir du charbon. Tous les pays du monde, à l’exception de la Chine, ont réduit leur capacité nette de production au charbon de 8 GW entre janvier 2018 et juin 2019. Au cours de la même période, la Chine a augmenté cette capacité de 43 GW, a 121 GW supplémentaires en construction et finance un quart de tous les nouveaux projets de charbon en Asie. En d’autres termes, la dépendance mondiale à l’égard des exportations chinoises de biens industriels et de consommation bon marché a un coût environnemental substantiel.
Voici un exercice simple de calcul des émissions de CO2. Oubliez la réduction des émissions ; pensez simplement à les maintenir à un niveau constant. Les émissions des économies émergentes ont augmenté de 3 % par an depuis 2007, tandis que celles des pays développés ont diminué de 0,7 %. Supposons que les émissions des économies émergentes augmentent au même rythme et que les pays développés doivent émettre moins. Pour maintenir les émissions mondiales au même niveau, les pays développés devraient réduire leurs émissions d’environ 4 % par an, soit 5 à 6 fois plus vite que le rythme actuel. (…)
La décarbonation a surtout eu lieu sur le réseau électrique. La part de 17 % de l’électricité dans la consommation mondiale d’énergie limite le potentiel de décarbonation du seul réseau ; l’électricité et la décarbonation devront également faire des progrès considérables dans les utilisations industrielles. Si des technologies sont désormais disponibles pour parvenir à l’électrification partielle de certains processus industriels, les preuves de ces transitions sont très limitées, même dans les juridictions qui appliquent des taxes sur le carbone. L’électrification de l’industrie doit obéir à des lois chimiques et physiques, ainsi qu’à des lois économiques. (…)
Sur les transports (…). En 2019, la part des Véhicules électriques dans les achats mondiaux de véhicules légers était de 2,5 %, alors qu’aux États-Unis, elle était de 1,9 % (ces deux parts étaient d’environ 1,2 % en 2017). (…)
La question de la séquestration du carbone. Après 20 ans de développement, les installations de capture du carbone ne stockent que 0,1 % des émissions mondiales chaque année, et il n’existe même pas encore de plan viable pour la capture directe de l’air ou d’autres formes de minéralisation du CO2 à des échelles significatives. Même quelque chose de simple et de bénéfique comme le reboisement est souvent amplifié bien au-delà de son potentiel réel (…)
Les dix commandements sur l'énergie et la décarbonation
- Tu ne confondras pas la vitesse de la baisse des coûts solaires et éoliens avec la vitesse de la décarbonation (…)
- Tu paieras un lourd tribut à l’électrification de l’industrie, quand elle est possible (…)
- Tu travailleras dur pour stocker l’énergie que tu produiras (…)
- Tu affronteras ton voisin concernant sa politique « pas de ça chez moi » sur le déploiement des énergies renouvelables (…)
- Tu ne perpétueras pas de fausses histoires sur le captage et le stockage du carbone (…)
- Tu reboiseras la terre, mais sans en surestimer l’impact (…)
- Tu ne feras pas d’images gravées d’une économie de l’hydrogène… encore (…)
- Tu n’assimileras pas « émissions évitées » et « émissions séquestrées » (…)
- Tu ne feras pas de fausses déclarations sur les avantages environnementaux des services de covoiturage (…)
- Tu liras Shakespeare : « La faute n’est pas imputable à nos étoiles, mais à nous-mêmes » (…)
Pas de repas gratuit (l’impact environnemental des énergies renouvelables)
(…) Les scientifiques commencent à peine à évaluer les impacts environnementaux d’un monde qui dépende fortement des énergies renouvelables :
- Un avenir fondé sur les énergies renouvelables nécessitera des quantités massives de cobalt, de cuivre, de lithium, de graphite, de cadmium et d’éléments des terres rares pour les panneaux solaires, les batteries, les moteurs de véhicules électriques, les éoliennes et les piles à combustible. Une étude a cité des augmentations de la demande de matériaux de 87 000 % pour les batteries des véhicules électriques, de 1 000 % pour l’énergie éolienne et de 3 000 % pour les cellules solaires et le photovoltaïque d’ici le milieu du siècle
- Même avec une production modeste de ces minéraux à ce jour, leurs industries extractives et de fusion ont laissé un héritage dans de nombreuses régions du monde de « dégradation de l’environnement, d’impacts négatifs sur la santé publique et de dommages à la biodiversité » (B. Sovacool)
Les enjeux futurs des déchets du renouvelable :
- L’IRENA estime que les déchets toxiques des panneaux solaires (qui contiennent du plomb, du cadmium et du chrome) pourraient passer de 250 000 tonnes en 2016 à 78 millions de tonnes d’ici 2050
- D’ici 2030, 11 millions de tonnes de batteries lithium-ion usagées devraient être mises au rebut, et peu de systèmes sont en place pour les recycler
- Les pales des éoliennes en fibre de verre sont construites pour résister aux vents de la force d’un ouragan et ne peuvent pas être facilement écrasées, recyclées ou réutilisées, du moins pas jusqu’à présent ; les pales retirées se retrouvent la plupart du temps dans des décharges ou en Europe, brûlées. Les États-Unis pourraient être confrontés à l’élimination de 720 000 tonnes de pales d’éoliennes au cours des 20 prochaines années.
Je n’ai vu personne suggérer que les conséquences environnementales d’un avenir basé sur les énergies renouvelables seraient aussi corrosives pour l’environnement que celles basées sur les combustibles fossiles. Malgré cela, un monde d’énergies renouvelables pourrait être beaucoup moins « vert » qu’on ne le pense actuellement. (…) » Lire en anglais
En Allemagne, les rénovations énergétiques des bâtiments n’ont pas fait baisser la consommation, Cécile Boutelet, Le Monde, 04 octobre 2020
« Le logement compte pour un tiers des émissions de gaz à effet de serre totales de l’Allemagne, et 35 % de la consommation d’énergie
(…) Malgré les milliards investis dans la rénovation énergétique des bâtiments depuis une décennie en Allemagne, la consommation énergétique du logement est restée stable. Pis : non seulement la baisse des dépenses de chauffage ne compense pas le coût des travaux, mais les rénovations agissent souvent comme un facteur d’augmentation des loyers, souvent disproportionné. Conséquence : ce sont les foyers les plus pauvres qui payent le plus lourd tribut, sans réduction significative des émissions de CO2. (…)
L’effet rebond
(…) 340 milliards d’euros ont été investis au total dans la rénovation énergétique des bâtiments depuis 2010. Ces travaux, soutenus par la banque publique d’investissement KfW, comprennent le changement de fenêtres, de nouveaux systèmes de chauffage et l’isolement des façades. Pourtant, malgré les gigantesques investissements, la consommation énergétique, qui avait baissé de 31 % entre 1990 et 2010, est depuis cette date restée au même niveau.
En 2010, un foyer consommait en moyenne 131 kilowatt/heure thermique par mètre carré. En 2018, il en consomme… 130. Si la tendance se poursuit, les objectifs de l’Allemagne en matière de diminution de CO2 des habitations – moins 55 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990, moins 80 % à 95 % en 2050 – ont peu de chances d’être tenus. (…)
(…) dans des logements mieux isolés, avec des prix des énergies fossiles en baisse depuis 2013, les occupants ne sont pas incités à bouder leur confort. Au lieu de chauffer à 20 °C, ils préfèrent pousser à 22 °C. (…) » Lire
Energies, Economie, Pétrole et Peak Oil: Revue Mondiale Septembre 2020, 2000 watts.org, 1 oct 2020
« (…) Selon BP et son fameux «Global Energy Outlook 2020», le peak oil serait déjà atteint et plus particulièrement le pic de la demande. L’extraction pétrolière pourrait diminuer à 55 millions barils par jour (b/j) en 2050 contre 100 millions en janvier dernier.
(…) Pour 2020, la consommation de pétrole a chuté à 90,2 millions b/j soit une baisse de 9,5 millions b/j depuis le début de l’année. C’est la plus grosse chute depuis l’histoire du pétrole. Autre événement historique pour 2020, pour la première fois, le pétrole est passé sous la barre du zéro dollar.
(…) Est-ce que les livres d'histoire se souviendront de 2020 comme l'année du peak oil et d'un tournant énergétique? La question trouvera une réponse dans les années à venir.
(…) Le constructeur américain GM et le chinois LG Chem se sont unis pour produire la batterie “Ultium” d’une autonomie de 600 km, à recharge rapide et sans fil. Le tout à un prix très bas soit à moins de 100$ kWh. Ce prix était encore impensable il y a 3 ans.
(…) De son côté, Tesla pense pouvoir arriver à $ 70 kWh d’ici à 2 ans. A ce prix, les voitures thermiques deviennent plus dispendieuses. De plus, Elon Musk annonce un modèle commercialisé à 25 000$.
(…) Dans les faits, le prix des batteries a diminué de 87% depuis 2010 pour arriver à $156 kWh.
(…) La production pétrolière américaine touchait les 13 millions b/j en début d’année pour passer sous les 11 millions en juillet. Les pertes d’emplois dépassent les 100'000 selon Rystad Energy et le nombre de forages est en baisse de 70% en une année. Cela ressemble à un champ de bataille, un peu comme les élections et dans les rues de certaines villes.
(…) Afin de maintenir une production de 11 millions b/j, les USA auraient besoin d’environ 450 gisements. Actuellement, il y en a 147. Selon la rapidité de la mise en service de nouveaux forages et de la capacité financière, la production pétrolière américaine pourrait diminuer de moitié d’ici à la moitié 2021.
(…) Le magazine World Oil annonce que 11'000 nouveaux forages pétroliers seront effectués cette année, au plus bas depuis 90 ans! En 1931, 11'716 forages avaient été effectués contre 22'000 en 2019.
(…) En août, 16 entreprises pétrolières et gazières, dont Chaparral et Valaris, ont fait faillite selon Haynes and Boone. Durant les 8 derniers mois, plus de 85 milliards $ ont été perdus. Si le baril reste dans la région des 40$, 190 entreprises pétrolières passeront par la case faillite selon Rystad.
(…) Du côté du constructeur de camion électrique et à hydrogène, le CEO de Nikola, Trevor Milton, a été débarqué pour fraude. L’entreprise avait filmé un camion en train de descendre une montagne. Détail, pour arriver au sommet de la pente, il avait été tracté.
(…) Le président Xi Jinping souhaite que la Chine devienne neutre en carbone d’ici à 2060. L'annonce étonne. Est-ce un effet de communication ou une volonté réelle? Si la deuxième solution est privilégiée, la grande question est : comment ?
(…) Actuellement, la Chine détient la première place dans les émissions de gaz à effet de serre. La Chine ingurgite la moitié du charbon mondial et importe la plus grande quantité de gaz au monde. Cependant, la structure hiérarchique du pays pourrait lui permettre de réaliser cette ambition bien plus rapidement que les autres pays. Pour prendre le leadership aux américains, le pays va devoir détenir l'arme énergétique.
(…) Pour la construction de nouveaux modèles de voitures électriques, Volkswagen va investir 15 milliards € en … Chine.
(…) Malgré les 9 milliards du gouvernement dans Lufthansa, la compagnie aérienne va licencier 22'000 personnes ainsi que mettre au repos 8 Airbus A380 et 10 A340.
(…) Et le gouvernement a également mis 9 milliards sur la table afin de soutenir l'industrie à hydrogène. Dans ce domaine l'Allemagne semble avoir une longueur d'avance. » Lire
10 choses à savoir sur le rapport 2019 sur l'écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions, Nations Unies programme pour l'environnement, 28 nov 2019
« (…) l’écart entre ce que nous devrions faire et ce que nous faisons réellement est plus important qu’il n’a jamais été.
(…) À l’aube de l’année 2020, nous devons maintenant réduire nos émissions à un taux de 7,6 % par an entre 2020 et 2030. Si nous ne le faisons pas, nous manquerons la dernière opportunité historique de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Si nous ne faisons rien de plus que nos engagements actuels - qui sont insuffisants - pour mettre un terme au changement climatique, on peut s’attendre à ce que les températures augmentent de 3,2°C au-dessus des niveaux préindustriels, ce qui aura des effets dévastateurs.
(…) Il y a dix ans, si les pays avaient agi conformément avec ces connaissances, les gouvernements auraient dû réduire leurs émissions de 3,3 % par an. Aujourd’hui, il faut réduire nos émissions de 7,6 % par an. À l’horizon 2025, la réduction nécessaire atteindra 15,5 % par an. Plus nous tardons, plus les réductions deviennent extrêmes, difficiles et coûteuses.
(…) Les pays du G20 sont responsables de 78 % de toutes les émissions. Cependant, sept d’entre eux n’ont pas encore mis en place de politiques ou de stratégies pour honorer leurs engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris. Les quatre principaux émetteurs (Chine, États-Unis, UE28 et Inde) sont responsables de plus de 55 % des émissions totales au cours de la dernière décennie, à l’exclusion des émissions dues au changement d’affectation des terres, comme la déforestation. Si les émissions liées au changement d’affectation des sols étaient incluses, le classement changerait, le Brésil étant probablement le plus grand émetteur. La plus grande partie des émissions provient du secteur de l'énergie et de ses émissions de combustibles fossiles. Cette industrie produit la deuxième plus grande empreinte, suivie de la foresterie, des transports, de l’agriculture et des bâtiments. » Lire
Importations et empreinte carbone : c'est un pic, c'est un cap, c'est une péninsule, France culture, 6 oct 2020
« Le Haut Conseil pour le Climat publie ce jour un rapport sur l'empreinte carbone de la France. Où il s'avère que nos importations pèsent pour près de la moitié de cette empreinte."
(…) L’empreinte carbone d’un pays, c’est une addition, celle de différentes sources d’émissions de gaz à effet de serre. Il y a les émissions produites directement par les ménages, en particulier pour se déplacer et pour se chauffer ; celles issues de la production nationale de biens et de services (voitures, lave-linge, salons de coiffure, restaurants…). Et puis il y a les émissions de gaz à effet de serre liées à nos importations, aux produits que nous faisons venir de l’étranger (sachant que les produits que nous exportons n’entrent pas dans le calcul de l’empreinte carbone).
(…) Depuis 1995, date de référence pour mener le travail de comparaisons, l’empreinte carbone de la France est en nette hausse : de 25 %, passant d’un peu de 600 millions de tonnes de CO2 il y a 25 ans à près de 750 millions en 2018. Sauf que durant cette période, la population a augmenté. Rapporté à chaque individu, l’augmentation est beaucoup plus modérée : de 10,5 tonnes par habitant à 11,5 entre 1995 et aujourd’hui.
(…) Mais cette relative stabilité masque mal un phénomène qui, lui, est bien plus spectaculaire. Et il concerne le poids de nos importations dans notre empreinte carbone : en constante augmentation depuis ¼ de siècle. Elles sont ainsi passées, sur cette période, de 3,6 tonnes de CO2 par habitant et par an, à 6,4 tonnes, soit quasiment du simple au double. Ces mêmes importations représentent désormais près de la moitié (47 % exactement) de nos émissions. » Lire
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