Quel sera la production de richesse de la Chine en 2040?
123 000 milliards de dollars, d'après les prévisions de Robert Fogel*.
Voici une traduction raccourcie de son article paru dans Foreign Policy.
Ceci n'est pas mon opinion sauf les crochets [...].
Dans 30 ans, le niveau de vie d'un citadin chinois sera plus du double de celui d'un français.
Le PIB chinois représentera 40% de la richesse mondiale tandis que le PIB des 15 premiers états-membres de l'Union européenne seulement 5%.
Le facteur essentiel favorisant cette création de richesse, est, l'investissement énorme que fait la Chine en matière d'éducation. Des données américaines montrent qu'une personne ayant fait des études supérieures est 3 fois plus productive qu'un individu ayant un niveau de troisième.
En 2040, 50% d'une classe d'âge chinoise, arrivant sur le marché du travail, aura fait des études supérieures. Fogel rappelle que certains pays européens ont été capable de porter ce taux de 25 à 50 % de 1980 à 2000.
Il pointe également la hausse de productivité agricole. La population rurale c'est 55% des 1,3 milliards de chinois et 1/3 de la croissance du pays en 2009.
D'après lui, contrairement au refrain habituel, les statistiques sont sous-évaluées, car les petites entreprises de service ne transmettent pas leurs données. Dans le monde, la création de richesse par l'éducation et la santé est mal mesurée. Cela est plus prononcé en Chine car la croissance de ces services y est très forte.
Les réformes économiques, dont celles qui ont réussi, sont conduites à l'échelon local. Le débat est plus ouvert que l'on ne pense au sein du gouvernement central qui est pragmatique, ouvert à la critique et aux nouvelles idées.
Nous ne donnons pas assez de crédit aux tendances consuméristes chinoises. La Chine est sûrement le pays le plus capitaliste aujourd'hui. Beaucoup de ses mégalopoles ont un niveau de vie plus élevé que la République Tchèque par exemple. Dans ces villes, les habitants sont déjà des consommateurs (vêtements, électronique, voitures, …)
Et l'Europe? Son déclin économique ne se fera pas en valeur absolue mais sera relatif [ndcs: ouf on sauve les meubles]. Elle fait face à deux problématiques: la démographie et la culture.
La population européenne vieillit rapidement et cela continuera: 1/3 de la population aura plus de 65 ans en 2040.
Le taux de fertilité est inférieur à celui nécessaire pour renouveler la population et ce depuis 34 ans. 50% de la population féminine est en âge de procréer, dans 30 ans ce taux sera de 35%.
Pourquoi cette faible fertilité? Il y a 150 ans le sexe servait à la procréation. Aujourd'hui il sert avant tout au plaisir. Les moyens de contraception sont faciles d'accès.
En 2000, l'Allemagne et l'Italie avaient un taux d'accroissement naturel négatif. En 2040 il en sera de même pour les 5 plus grand pays européens, exceptée l'Angleterre. Si la fertilité italienne reste égale par ailleurs, sa population sera divisée par deux. [ndcs: les questions de l'immigration et d'une politique nataliste se posent alors, voir l'actualité en Italie du Sud]
Du fait de cette fertilité déclinante l'Europe vieillit et le taux de population active baisse, la croissance économique ( taux) suit donc la même pente.
La structure des parcours professionnels en sera aussi modifiée. Si les personnes âgées restent bien au delà de l'âge actuel de la retraite dans les meilleures postes (fin de carrière) les jeunes doivent attendre plus longtemps pour en bénéficier. Comme ce sont les jeunes qui apportent le plus de nouvelles idées, les changement technologiques en seront retardés d'autant.
La culture européenne surprend les économistes. Les Européens ne travaillent pas plus longtemps pour avoir des salaires plus importants et accumuler plus de biens. Ils préfèrent plutôt les longues vacances, la pré-retraite et les semaines de travail plus courtes. Ils sont plus satisfaits que les Américains avec ce qu'ils possèdent déjà. Mettons de côté cette vertu. Une ballade dans les jardins du Luxembourg plutôt que l'achat d'un écran plat chez Géant n'aide pas à la croissance économique.
Bien sur la Chine a ses propres cauchemars démographiques et les sceptiques mettent en avant beaucoup de sujets qui pourraient faire dérailler le TGV chinois: inégalité des revenus croissante, troubles sociaux, conflits territoriaux, rareté de l'essence, coupures d'eau, pollution, système bancaire branlant. Ces points sont connus du gouvernement chinois et il a prouvé ces dernières années qu'il savait les gérer avec adresse. Le conflit sur la souveraineté de Taïwan semble se résoudre. La sensibilité croissante des dirigeants vis à vis de l'opinion publique, et la hausse du niveau de vie, ont permis une confiance de la population dans son gouvernement, qui laisse improbable des troubles politiques majeurs.
L' Europe pourrait nous surprendre par un regain de croissance mais cela semble tiré par les cheveux. Les Européens semblent aimer leur style de vie et ont abandonné depuis bien longtemps leur rêve de dominer le monde. Une rupture technologique inattendue pourrait remuer tout ça mais les économistes ne peuvent faire des prévisions là dessus.
Pour l' Ouest la notion d'un monde au centre de gravité économique situé en Asie peut sembler inimaginable. Ce ne serait pas la première fois. La Chine a été la plus grande économie mondiale lors des 2 millénaires passés (18 siècles sur 20): pendant que l'Europe tâtonnait lors de périodes sombres ou se battait lors de guerre de religion, la Chine cultivait le plus haut niveau de vie. D'un point de vue chinois, L'avènement de la Chine est juste retour des choses.
*Économiste, il a reçu l'équivalent du prix Nobel d'économie en 1993 pour des travaux controversés. Il comparait les conditions de vie des esclaves noirs dans les états agricoles sudistes américains à celles des ouvriers blanc des états industriels nordistes. Ses travaux utilisent des modèles mathématiques/statistiques/économiques pour étudier l'histoire: c'est la cliomètrie.
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