Quatre scénarios pour la période post-confinement


« Le Conseil scientifique estime que les différents scénarios doivent faire l’objet d’une communication active afin de bien éclairer les français sur l’avenir et de recueillir leurs opinions. »

Extraits : 4 SCENARIOS POUR LA PÉRIODE POST-CONFINEMENT - ANTICIPER POUR MIEUX PROTÉGER, Avis n°7 du Conseil scientifique COVID-19, 2 juin 2020

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Cet  avis  a  pour  objectif d’identifier les différents scénarios probables dans  la  période  de post-confinement  et  de  préparer et d’anticiper les  mesures  à  mettre  en  place  selon  les différents scénarios.


Résumé

La période du confinement a permis de ralentir la dynamique de l’épidémie de façon marquée. Le niveau faible de circulation du virus doit être mis à profit pour préparer les différentes structures de l’État à affronter une éventuelle reprise de l’épidémie quelle qu’en soit la forme. L’anticipation est en effet un atout majeur permettant d’éviter l’apparition d’une « deuxième vague » aussi massive que celle subie début 2020. 

1. Pour préparer la France à la suite de l’épidémie et en diminuer les conséquences, le Conseil scientifique a établi 4 scénarios probables prenant en compte la situation actuelle et les connaissances acquises depuis le début de l’épidémie. Ces scénarios permettent d’établir et de proposer des mesures à prendre dans chacune de ces situations. Les mesures doivent être élaborées dès maintenant pour être opérationnelles lorsque cela sera nécessaire.

2. Les connaissances concernant cette épidémie ont progressé en France comme à l’étranger. Les populations à risques de formes graves ou de décès sont mieux connues : l’âge et certaines comorbidités apparaissent comme des facteurs de risque de formes graves de COVID-19 avec des taux de létalité importants. La précarité est un autre facteur de risque documenté plus récemment dans plusieurs pays et retrouvé en Ile de France. Enfin, l’épidémie a touché plus durement les zones à forte concentration de population et certaines régions plus que d’autres, sans que l’on puisse donner d’explication à cette disparité.

Parallèlement des indicateurs ont été consolidés pour permettre le suivi de l’épidémie et de nouveaux indicateurs fondés sur la réalisation des tests, l’identification des cas et de contacts sont mis en place. Ces différents indicateurs doivent permettre de détecter des signaux le plus précocement dans l’évolution de l’épidémie

3. Pour construire les scénarios présentés ci-dessous, le Conseil scientifique a appliqué la méthode des scénarios prospectifs avec la contrainte opérationnelle d’éviter le confinement généralisé en cas de reprise de l’épidémie.

Sur la base de la situation telle qu’elle est constatée en fin de période de confinement, l’élaboration de ces scénarios a amené le Conseil scientifique à proposer un plan de Prévention et de Protection renforcées (P2R COVID) en 7 volets permettant de préparer des mesures qui pourront être activées graduellement ou massivement selon les caractéristiques de l’épidémie dans les semaines et mois qui viennent.

Ce plan doit être adapté au risque de formes graves et de décès tel qu’il peut être estimé sur la base des connaissances actuelles, proportionnel au risque tel qu’il peut être appréhendé sur la base des données scientifiques disponibles, fondé sur un principe de solidarité en limitant leur application à certains secteurs les plus touchés ou à des personnes les plus à risque mais dans l’intérêt général, anticipé et partagé par les différentes populations concernées et compatible avec un impact limité sur la vie sociale, l’activité économique et sur le système de santé. 

4. Le Conseil scientifique a identifié quatre scénarios
possibles à court ou à moyen terme. Chacun d’eux doit pouvoir être identifié à partir d’indicateurs plus ou moins précoces. Le diagnostic de la situation associera aux indicateurs quantifiés des informations plus qualitatives, notamment locales. 

La survenue des scenarios n’est pas nécessairement successive, des scenarios critiques pouvant survenir d’emblée, demandant alors une réaction rapide reposant sur l’activation de mesures établies à l’avance. Le temps de réaction est un paramètre déterminant dans le contrôle de l’épidémie.
 
Les quatre scénarios identifiés par le Conseil scientifique devront être actualisés en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques et des exigences opérationnelles. A cet égard, le Conseil scientifique souligne la nécessité d’une gouvernance claire, opérationnelle et en partie territorialisée. Cette gouvernance devra inclure des compétences scientifiques et sanitaires, mais aussi interministérielles et plus largement institutionnelles. L’association d’acteurs de la société civile et de la vie économique est de nature à renforcer sa légitimité ainsi que l’adhésion aux mesures envisagées dans chaque scénario. 

(i) Le premier des quatre scenarios est le plus favorable. C’est celui d’une épidémie sous contrôle au vu des indicateurs disponibles, associée à l’occurrence de clusters localisés pouvant être maitrisés. En présence du virus, ce scenario nécessite cependant un maintien des mesures de lutte contre l’épidémie. 

(ii) Plus défavorable, le deuxième scenario verrait apparaître des clusters critiques, laissant craindre une perte de contrôle des chaînes de contamination, et donc du contrôle de l’épidémie elle-même. Ce scénario exigerait des mesures strictes, précoces et localisées, afin d’éviter une perte de contrôle plus large de l’épidémie. 

(iii) Le troisième scenario, ferait basculer une situation contrôlée vers une reprise progressive et à bas bruit de l’épidémie, plus difficile à identifier. Des indicateurs se dégraderaient alors sans que les chaînes de contamination puissent être identifiées, ni a fortiori contrôlées. Ce scenario exigerait des mesures strictes ainsi que l’activation rapide de plusieurs mesures du P2R-COVID. Les mesures à prendre pourraient encore être envisagées à une échelle régionale si les indicateurs le permettent ou au niveau national.
 
(iv) Enfin, dans le quatrième scénario, la dégradation critique des indicateurs traduirait une perte du contrôle de l’épidémie, et exigerait des décisions difficiles, conduisant à choisir entre un confinement national généralisé, permettant de minimiser la mortalité directe, et d’autres objectifs collectifs, économiques et sociaux, s’accompagnant alors d’une importante mortalité directe.

5. Au total 4 scénarios probables peuvent être identifiés à partir du la fin de levée du confinement. Pour les identifier, il est nécessaire que les indicateurs mis en place soient stabilisés dans leur alimentation et leur production pour pouvoir en interpréter les variations.  Ces scénarios doivent permettre de mettre en œuvre des mesures pour éviter une reprise brutale de l’épidémie nécessitant un nouveau confinement. C’est dans cette optique que le Conseil scientifique propose d’élaborer dès maintenant, avec les acteurs notamment territoriaux, un plan de Prévention et de Protection rapprochées, le P2R-Covid, permettant d’activer le plus rapidement possible les mesures appropriées.

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Introduction

I. La période du confinement a permis de ralentir la dynamique de l’épidémie de façon marquée. Le niveau actuellement faible de circulation du virus doit être mis à profit pour préparer les différentes structures de l’État à affronter une éventuelle reprise de l’épidémie quelle qu’en soit la forme. L’anticipation est en effet un atout majeur permettant d’éviter l’apparition d’une « deuxième vague » d’ici l’été ou à l’automne. 

Le Conseil scientifique a tenu à rappeler dans son avis de stratégie globale n°6 du 20 avril 2020 qu’un relâchement trop soudain des mesures de contrôle lors de la période de levée de confinement pourrait se traduire par une remontée rapide du nombre de cas et par un retour des formes graves en hospitalisation et en réanimation. Il a tenu à rappeler aussi que la réduction extrêmement importante de la transmission obtenue devait être maintenue dans la durée pour pouvoir largement résorber les admissions en réanimation pour covid19, diminuer la mortalité et plus généralement, le nombre de cas de covid19 sur le territoire national [1],[2],[3].

Dans ce même avis de stratégie globale n°6, le Conseil scientifique a défini clairement les 6 prérequis qui devaient être remplis et les 6 mesures à prendre pour que cette période complexe se déroule au mieux.
 
II. Deux semaines après la sortie du confinement, il est encore un peu tôt pour avoir une vision stabilisée sur l’évolution de la situation sanitaire mais on peut considérer que le niveau de circulation du virus est limité avec une situation contrôlée [4]. 

Le rôle du Conseil scientifique est de prévoir et d’anticiper les différents scénarios possibles et d’anticiper l’évolution de l’épidémie dans les semaines et mois à venir. 

Dans cet avis n°7, le Conseil scientifique affirme qu’un nouveau confinement généralisé n’est pas souhaitable ni probablement acceptable considérant les enjeux sanitaires, sociaux et économiques. Il est donc essentiel de tout faire pour éviter une telle situation d’échec.  

Pour préparer, la France à la suite de l’épidémie et en diminuer les conséquences, le Conseil scientifique a établi 4 scénarios probables prenant en compte la situation actuelle et les connaissances acquises depuis le début de l’épidémie :
  • SCENARIO 1 : UNE EPIDEMIE SOUS CONTRÔLE
  • SCENARIO 2 : UN OU DES CLUSTERS CRITIQUES SIGNES D’UNE REPRISE LOCALE DE L’EPIDEMIE
  • SCENARIO 3 : UNE REPRISE DIFFUSE ET A BAS BRUIT DE L’EPIDEMIE
  • SCENARIO 4 : L’EPIDEMIE ATTEINT UN STADE CRITIQUE
Ces scénarios permettent d’établir et de proposer des mesures à prendre dans chacune de ces situations. Les mesures doivent être élaborées dès maintenant pour anticiper et être opérationnelles lorsque cela sera nécessaire.

PARTIE I - LA CONSTRUCTION DES SCENARIOS

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A. LA CONNAISSANCE DE L’EPIDEMIE : ANALYSE DU PREMIER PIC EPIDEMIQUE FEVRIER-MAI 2020


I. Les modes de contamination
Le SARS-CoV-2 est un coronavirus transmis par voie respiratoire. La transmission se fait principalement par des gouttelettes émises lors d’une discussion, d’une toux ou d’un éternuement. Le contact avec des mains non lavées ou des surfaces souillées par des gouttelettes est également à risque de contamination.  De fait, le maintien d’une distance physique d’au moins un mètre entre les personnes, le port du masque dans les lieux publics, le lavage régulier des mains et la désinfection des surfaces sont des mesures permettant de réduire la transmission du virus.

Les principales avancées dans la compréhension de la transmission du SARS-CoV-2 depuis le mois de mars ont porté sur :
  • La mise en évidence d’un risque de transmission pendant la phase pré-symptomatique de la maladie, sur une période d’un à quatre jours précédant le début des symptômes.
  • L’existence de formes totalement asymptomatiques de l’infection pouvant être à l’origine de transmission du virus mais dont le rôle n’est pas encore quantifié.
  • Une transmission majorée dans les espaces confinés.
  • L’importance des rassemblements sans distanciation sociale tels que celui de Mulhouse par exemple. 
Par ailleurs, il faut aussi rappeler le rôle possible dans la transmission de particules de très petite taille (<30 microns) formées à partir de l’évaporation des gouttelettes émises lors de la parole et pouvant théoriquement contenir un ou des virions quand elles sont de taille suffisante. Ces particules peuvent rester en suspension dans les espaces confinés.

Toutes ces nouvelles connaissances concourent à recommander l’usage du masque dans les lieux publics et les lieux confinés, et à aérer régulièrement les espaces confinés.

II. Les groupes à risque de formes graves
Il est possible de définir des groupes d’individus plus à risque que d‘autres de développer des formes graves de la maladie (cf. avis de stratégie globale n° 6 du Conseil scientifique). Identifiés lors du développement de l’épidémie en Chine, les facteurs de risque ont été précisés lors du pic épidémique en Europe et en France. 
  • L’âge apparait comme un facteur de risque de formes graves de COVID-19 avec des taux de létalité pour les formes cliniques de l’infection proches de 15% chez les personnes de plus de 80 ans alors qu’il serait de 3/1000 (0.3%) chez les moins de 60 ans [5]. En France, parmi les patients hospitalisés, le risque de survenue de formes graves (admission en réanimation et/ou le décès) étaient 3 fois plus élevées chez les personnes de plus de 65 ans (données non publiées de Cohorte FrenchCOVID).
  • L’homme est plus à risque de survenue de forme grave (5 fois plus à risque de survenue de formes graves dans la Cohorte FrenchCOVID). 
  • La présence de comorbidités est un autre facteur de risque de formes sévères. Les principales comorbidités sont l’hypertension artérielle, le diabète, une maladie coronarienne, et le surpoids. En France, dans la cohorte FrenchCOVID, le risque de forme grave était 12 fois plus important en cas de surpoids. 
La précarité est un autre facteur de risque documenté plus récemment par une étude britannique. En Ile de France, le taux de surmortalité observé était le plus élevé en Seine Saint-Denis, département où les indicateurs témoignent des taux de précarité les plus importants. Ce point nécessiterait d’être précisé par des études épidémiologiques ad hoc car il est encore sous-estimé au niveau des décisions publiques.
 
III. La mortalité observée
Les chiffres de mortalité commencent à être mieux connus maintenant que le pic de l’épidémie a eu lieu et que le confinement a produit ses effets. Il faut remarquer que ce sont des chiffres observés « sous confinement » et que des simulations montrent que la mortalité aurait été bien plus important si cette mesure n’avait pas été prise.
  • La mortalité hospitalière et dans les établissements d’hébergement collectif (EHPAD)
La mortalité durant les 2 derniers mois de l’épidémie a été importante avec 28 000 décès dont 10 000 dans les établissements de type EHPAD. Sur les 28 119 décès observés liés au COVID, 89% ont eu lieu chez des personnes de plus de 70 ans et 96% chez des personnes de plus de 60 ans, soit 26 000 décès. La mortalité déclarée en lien avec le COVID-19 est 41/100 000 personnes actuellement sur la période du 19 Mars au 18 Mai 2020.

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  • La mortalité générale (source INSEE)
La surmortalité pendant la période de l’épidémie a été constatée selon des critères géographiques et démographiques.

Les formes graves de COVID-19 sont survenues plus particulièrement chez les plus âgés, aussi bien à domicile que dans les EHPAD.

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IV. Une épidémie qui a touché plus durement les zones à forte concentration de population 
Les chiffres de mortalité observée durant la phase aiguë de l’épidémie montrent que la surmortalité a concerné essentiellement les zones à forte densité, qu’il s’agisse des métropoles ou des départements (source INSEE) avec un impact particulier en Ile de France. 

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V. Une épidémie qui a touché plus certaines régions que d’autres
Alors que la mesure de confinement a été instauré sur l’ensemble du territoire nécessaire compte tenu de la vitesse de développement de l’épidémie, les conséquences termes de mortalité ont été inégales, certains départements ayant même constaté mortalité probablement du fait des restrictions de circulation et d’activité.

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F. LES INDICATEURS DISPONIBLES

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III.  Les indicateurs d’activité des laboratoires en charge du diagnostic
 
Ces indicateurs renseignent une étape postérieure à la prescription de tests à des personnes présentant des signes évocateurs de COVID-19. Ils permettent de décrire l’activité des laboratoires, la répartition par type de Laboratoire (haut-débit public, haut et bas-débit privé, hospitalières), la répartition géographique … D’autres indicateurs permettent de décrire la circulation du virus par le nombre de nouveaux cas par jour.
  • Le nombre de tests réalisés
Cet indicateur permet d’identifier l’activité de tests et donc l’activité liée à la suspicion de COVID-19 et à l’activité de surveillance de l’épidémie (contacts et dépistage systématique). Il permet d’identifier le niveau de vigilance soit au niveau national soit régionalement. Une augmentation du nombre de tests réalisés en dehors d’intervention extérieure (campagne de sensibilisation par exemple) permettra de détecter une recrudescence de syndromes évoquant le COVID-19 et donc de déclencher précocement les mesures adaptées.  
  • Le nombre de tests positifs
Cet indicateur est l’indicateur fondamental dans la surveillance de l’épidémie. En effet, il est l’un des signes les plus précoces et les plus fiables de la diffusion de l’épidémie dans la population. Il suppose que le nombre de tests réalisés soit important (cf. supra).

  • Les délais de la procédure TEST-TRACE- ISOLATE
Le temps de déroulement de la procédure est essentiel. Il est donc essentiel de disposer d’indicateurs pour être sûr que les patients potentiellement contagieux sont bien isolés de même que leurs contacts et ce dans les temps. Pour mémoire, le Conseil scientifique avait fixé à 24 heures le délai maximum entre la consultation d’un individu et la réception du résultat
de son test. Les délais importants sont donc :
  • Celui entre les premiers signes et la consultation du cas index chez un médecin généraliste
  • Celui entre les premiers signes et la confirmation du diagnostic du cas index (noter que l’isolement est considéré comme opérationnel dès la suspicion du diagnostic par le cas index)
  • Celui entre les premiers signes du cas index et l’information des contacts du résultat positif du cas index
Un autre indicateur de fonctionnement du dispositif en place pourrait être la proportion de sujets diagnostiqués COVID+ lors de leur présentation aux urgences hospitalières comme premier recours aux soins, sans être passés par un généraliste.

Pour être pertinents ces 2 indicateurs nécessitent que :
  • Toutes les personnes présentant des signes évocateurs même atypique de COVID-19 se signale à un médecin généraliste ou à défaut à un centre de prélèvement et accède à la prescription d’un test, ce qui va demander une forte adhésion de la population et donc un effort d’accompagnement important et d’information important.
  • La prescription de test soit systématique devant tout symptôme ou signe même atypique pouvant évoquer une infection de type COVID-19.
  • Le recueil des contacts soit systématique et que ceux-ci soient informés et orientés vers des plateformes de diagnostic
  • Des campagnes de dépistage ciblées soient organisées lorsqu’un cluster important est identifié notamment dans des secteurs à risque comme les EHPAD ou dans des zones géographiques repérées.
  • Le nombre de tests réalisés par jour soit fonction de la demande et non de l’offre. L’augmentation massive de la capacité de tests par jour obtenue par l’achat par l’état de 21 plateformes diagnostiques à haut-débit et la mobilisation de laboratoires privés, départementaux et vétérinaires laisse penser que l’offre sera supérieure à la demande. Si un dépistage systématique massif (dans une population donnée) ou ciblé était nécessaire, le regroupement (poolage) des prélèvements respiratoires pour diagnostic virologiques par RT-PCR pourrait éventuellement être envisagé si ces dépistages nécessitaient d’augmenter sensiblement la capacité journalière de tests virologiques. La capacité annoncée est de 700 000 tests par semaine.
IV.  Nombre de reproduction effectif et temps de doublement de l’épidémie
Le nombre de reproduction effectif R mesure la contagiosité du virus à un instant donné. Il est défini comme le nombre moyen de personnes infectées par un cas. Lorsque ce nombre est supérieur à 1, cela signifie que l’épidémie est en phase ascendante ; lorsqu’il est inférieur à 1, en phase descendante [16]. Plus le nombre de reproduction est élevé, plus le nombre de cas journaliers croît rapidement. Sous les hypothèses faites par Salje et al [10] avec un délai moyen d’une semaine entre l’infection d’un cas et l’infection des personnes qu’il/elle infecte, le temps de doublement de l’épidémie (c’est-à-dire le nombre de jours nécessaires pour observer un doublement du nombre de cas) est :

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Même si l’attention s’est jusqu’à présent largement portée sur le nombre de reproduction, le Conseil scientifique note que le temps de doublement de l’épidémie peut être une statistique plus simple et intuitive à communiquer au public et à utiliser pour les décideurs. 

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PARTIE II- PREPARER LES SCENARIOS POSSIBLES

Les scénarios proposés ont été construits avec l’objectif d’éviter le développement d’une nouvelle vague épidémique et les mesures de confinement généralisé qui seraient nécessaires pour éviter une saturation des services de réanimation si toutes les autres options devaient échouer.

4 scénarios sont proposés : 
  • SCENARIO 1 :  UNE EPIDEMIE SOUS CONTROLE
  • SCENARIO 2 :  UN OU DES CLUSTERS CRITIQUES SIGNES D’UNE REPRISE LOCALE DE L’EPIDEMIE
  • SCENARIO 3 : UNE REPRISE DIFFUSE ET A BAS BRUIT DE L’EPIDEMIE
  • SCENARIO 4 : L’EPIDEMIE ATTEINT UN STADE CRITIQUE

A. LES PRINCIPES DE CONSTRUCTION DES SCENARIOS

Pour construire les scénarios présentés ci-dessous, le Conseil scientifique a appliqué la méthode des scénarios prospectifs. 

La contrainte opérationnelle de ces scénarios est d’éviter le confinement généralisé tel qu’il a été appliqué en France du 17 Mars au 10 Mai 2020, et dans beaucoup d’autres pays confrontés à l’épidémie. Un confinement généralisé n’est pas souhaitable ni probablement acceptable considérant les enjeux sanitaires, sociaux et économiques. Il est donc essentiel de tout faire pour éviter une telle situation d’échec.
 
Les paramètres pris en compte dans la construction de ces scénarios sont les suivants :
  • La limitation des décès liés au COVID-19,
  • La limitation de la mortalité induite indirectement due aux mesures prises pour contrôler l’épidémie,
  • La limitation de la saturation des ressources hospitalières en moyens humains et technique,
  • La limitation aussi grande que possible de la circulation du virus,
  • Le maintien d’une activité sociale et économique.
Partant de l’objectif principal et des paramètres exposés ci-dessus, les mesures proposées s’inscrivent dans la continuité des mesures proposées dans l’avis 6 associant :
  • Une modulation des mesures barrière, des mesures de distanciation sociale, de l’effort de détection des contacts et d’isolement des cas en fonction de la situation épidémiologique,
  • Une approche centrée sur les personnes à risque de formes graves,
  • Une approche ciblée territorialement,
  • Une forte mobilisation des acteurs de proximité
  • Des mesures compensatoires anticipées et ciblées et donc moins pénalisantes et onéreuses que des mesures générales. 
Rappel : la décision permettant de savoir si l’on se situe dans tel ou tel scénario est une décision complexe qui doit prendre en compte un nombre important de paramètres quantitatifs et qualitatifs. Étant donné la diversité et la complexité des situations possibles, il ne sera pas possible de s’appuyer sur 1 ou 2 critères uniques pour déterminer le scénario.

A ce stade, il est essentiel de dire que :
  • Aucun élément scientifique n’indique que l’évolution de l’épidémie suivra un schéma allant d’un scénario à un autre. Au contraire l’épisode du cluster de Mulhouse doit faire envisager que chacun des scénarios peut survenir à n’importe quel moment de l’évolution de la pandémie. Ainsi les autorités doivent être prêtes à répondre à chacune des éventualités. 
  • La survenue du scénario 4, c’est-à-dire celui conduisant à un confinement, correspondrait à un échec de la lutte contre l’épidémie. 
  • Le Conseil scientifique estime que les différents scénarios doivent faire l’objet d’une communication active afin de bien éclairer les français sur l’avenir et de recueillir leurs opinions.
 

B. LA SITUATION DE DÉPART

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II. Une persistance de clusters
Il faut noter aussi la présence actuelle de 75 clusters sur l’ensemble du territoire.

Ainsi la situation actuelle est celle d’un faible niveau de la diffusion du virus mais de la persistance d’un nombre important de clusters de façon diffuse sur l’ensemble du territoire. Ce constat montre aussi la capacité du système de surveillance à repérer des clusters comportant un faible nombre de cas [4]. 

III. Une faible immunité collective
Une donnée supplémentaire prise en compte pour construire ces scénarios est le faible taux d’attaque du virus même dans les zones dans lesquelles les conséquences sanitaires ont été majeures. On s’attend à ce que 3 à 7% de la population française ait été infectée par SARS-CoV-2 durant la première vague avec des variations importantes par région (6-16% dans le Grand Est ou l’Ile de France contre 1-2% en Bretagne). Ces évaluations seront précisées lorsque les premiers résultats d’enquêtes de séroprévalence seront disponibles, ce qui semble être le cas autour de 5 à 12% tant en France qu’à l’étranger. Ainsi, pas plus que pour la première vague, l’immunité collective ne peut seulement être prise en compte pour stopper la propagation de l’épidémie après cette première vague [17]. Il faut noter que cette immunité collective n’est pas que théorique. Elle a été atteinte dans le modèle très particulier du porte-avion Charles de Gaulle, chez des sujets jeunes, en milieu confiné, sans distanciation physique (1046 des marins avec des anticorps anti-COVID sur 1760 marins, soit 59%).

IV. Les point d’attention restant en suspens
Le respect des gestes barrières est une mesure essentielle de la période de sortie de confinement. Seuls ces gestes complétés par le port du masque lorsque la distanciation physique de peut pas être respectées peuvent contenir la diffusion du virus et la propagation de l’épidémie durant cette période.

La pratique des tests doit être développée maintenant que les capacités en tests ont été augmentées. Cette pratique doit devenir systématique devant des signes même peu évocateurs. Les contacts des patients positifs doivent aussi bénéficier le plus rapidement possible des tests.

L’isolement des personnes diagnostiquées comme positives au COVID-19 est le dernier volet de ces mesures persistant après la levée du confinement. Destiné à casser les chaines de contamination, l’isolement des personnes porteuses du virus doit être respecté scrupuleusement pour maintenir la situation obtenue par le confinement.


Le maintien de ces mesures durant la période actuelle repose sur une communication adaptée aux différents publics et renforcée dans le temps. 
 
V. La situation internationale
La plupart des pays européens lève les mesures de confinement prises à des niveaux divers soit avant la France (Italie, Espagne), soit en même temps (Allemagne, Belgique) ou après la France (Grande-Bretagne). Certains pays ont constaté peu de cas sur leur territoire (Europe de l’Est) ou ont adopté des stratégies différentes avec un confinement partiel ou sélectif  (Suède).

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Pour plusieurs grands pays européens le nombre de morts/100.000 habitants est comparable (France, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Belgique, Suède, Pays-Bas). Il est plus faible en Allemagne, Suisse et Autriche où l’utilisation du dépistage par RT-PCR SARS-CoV-2 a été plus précoce et plus intense. La situation aux Etats-Unis est encore très évolutive. 

Il en est de même de l’évolution de l’épidémie et la plupart des pays européens constatent une décroissance du nombre d’hospitalisation leur permettant de lever les mesures de confinement. Il en est de même des mesures de limitations des déplacements qui sont levées progressivement dans l’espace européens même si certains pays maintiennent des quarantaines à l’arrivée (Grande-Bretagne).
 

C. UN PLAN DE PREVENTION ET DE PROTECTION RENFORCEES A ELABORER DES MAINTENANT

Le Conseil scientifique considère essentiel d’élaborer dès maintenant un plan de prévention et de protection renforcé (Plan P2R-COVID) comportant plusieurs types de mesures qui présentent la particularité d’être :

  • Adaptées au risque de formes graves et de décès tel qu’il peut être estimé sur la base des connaissances actuelles.
  • Proportionnelles au risque tel qu’il peut être appréhendé sur la base des données scientifiques disponibles.
  • Fondées sur un principe de solidarité en limitant leur application à certains secteurs les plus touchés ou à des personnes les plus à risque mais dans l’intérêt général.
  • Anticipées et partagées par les différentes populations concernées.
  • Compatibles avec un impact limité sur la vie sociale, l’activité économique et sur le système de santé.
Les différents éléments de ce plan peuvent ensuite être enclenchés selon la situation épidémiologique correspondant aux différents scénarios.

Les différentes composantes du plan P2R-COVID sont à mettre en œuvre en fonction des scénarios et en fonction des territoires. Elles sont regroupées artificiellement ici, et à introduire en fonction de chaque scénario. 

Ce plan se décline en 7 composantes spécifiques dites « protocole » identifiées par le Conseil scientifique. Ces protocoles font l’objet d’une fiche technique en annexe de l’avis (p.31) :
  • Un protocole de renforcement des mesures barrière et des mesures de distanciation physique dans la population générale : Ces mesures s’appliquent à l’ensemble de la population avec port du masque obligatoire dans tous les lieux confinés, friction au gel hydroalcoolique à l’entrée et à la sortie de ces lieux, respect strict de la distanciation sociale, suppression des rassemblements non nécessaires.
  • Un protocole de renforcement du TESTER-TRACER-ISOLER : ce protocole vise à renforcer la pratique généralisée du testing, notamment en enclenchant des campagnes localisées de dépistages par RT-PCR. 
  • Un protocole de confinement-protection renforcé des personnes à risque de formes graves : ce protocole vise à protéger les personnes les plus à risque, notamment en incitant un confinement volontaire et des mesures d’aménagement de de vie quotidienne l’accompagnant.
  • Un protocole de protection des EHPAD : le Conseil scientifique s’est déjà prononcé à plusieurs reprises sur la nécessaire protection des résidents en EHPAD. En cette période de post confinement, le Conseil scientifique propose une nouvelle stratégie pour ces établissements, basée sur le triptyque « Dépistage – Visite des familles – Prise en charge précoce et adaptée »
  • Un protocole à destination des populations en situation de grande précarité : ce protocole est nécessaire afin de permettre aux populations les plus précaires d’avoir sereinement recours au dépistage. Une assistance particulière leur est proposée afin qu’ils puissent adhérer à la politique généralisée de tests. 
  • Un protocole « Grandes métropoles » : ce protocole s’inscrit dans la nécessité déjà exprimée par le Conseil scientifique d’adapter les mesures en fonction des situations épidémiologique locale. L’historique de l’épidémie en France a montré que les métropoles, notamment l’Ile de France, étaient confrontées à des enjeux différenciés de ceux des territoires ruraux. Ce protocole répond à ces besoins spécifiques. Ce protocole est particulièrement lié à celui relatif à la grande précarité. 
  • Un protocole de préparation hospitalière : ce protocole a pour but de renforcer la capacité de réaction du des structures hospitalières publiques et privées, mais aussi des établissement médico-sociaux face au coronavirus en cas de survenue d’une deuxième vague. Une attention particulière est portée aux soignants qui ont été hautement sollicités lors des deux derniers mois, ainsi qu’aux stocks stratégiques de médicaments, de matériel et d’équipements de protection reconstitués.

PARTIE III - LES 4 SCENARIOS POSSIBLES

Ces scénarios sont envisagés en l’absence de traitements anti-COVID curatif ou préventif dument validés et en l’absence de vaccins anti-COVID pour les mois qui viennent. Un point est essentiel : l’information des citoyens pour qu’ils comprennent ces scénarios, qu’ils s’en emparent et qu’ils en deviennent les acteurs. Ces scénarios peuvent être source de tensions générationnelles, géographiques, ou encore populationnelles comme l’a souligné le Comité consultatif national d’éthique [20]. Un comité de liaison citoyenne permettrait d’intégrer une vision citoyenne dans la gestion ces différents enjeux.

A. SCENARIO 1 : UNE EPIDEMIE SOUS CONTROLE

I. Des indicateurs stabilisés
Ce scénario repose sur l’hypothèse que la stratégie de contrôle préconisée dans l’avis 6 (mesures barrières, testing et contact tracing) est appliquée et maintenue pendant un temps suffisamment long après le confinement. Dans son avis n° 6 () le Conseil scientifique avait estimé ce temps à 2 mois minimum. Le résultat obtenu dans ce scénario en est un contrôle de l’épidémie objectivé par la stabilisation des différents marqueurs :
  • Existence d’un nombre limité de clusters à criticité faible car contrôlés.
  • Des indicateurs qui indiquent que le nombre de cas COVID19 est faible et stabilisé ou en train de diminuer. 
Cette situation pourra être affirmée en considérant 2 types d’indicateurs :
  • Les indicateurs classiques qui ont été utilisés durant toute l’épidémie : le nombre de passages aux urgences pour COVID, le nombre de nouveaux patients hospitalisés, le nombre de patients hospitalisés en urgence, et le nombre de patients hospitalisés en réanimation, constituent des indicateurs robustes qui ont permis de construire les modèles prédictifs. Ils sont cependant des indicateurs tardifs et doivent être complétés par d’autres indicateurs. Ces indicateurs doivent être stabilisés sur une période suffisamment longue pour pouvoir affirmer que l’épidémie est sous contrôle.
  • Les indicateurs supplémentaires : Ils doivent être associés aux indicateurs précédents pour confirmer ce scénario. Le nombre de tests à réaliser est estimé à 50 000 tests diagnostiques par PCR journaliers minimum pour s’assurer que toutes les personnes ayant des symptômes évocateurs et tous les contacts potentiels des cas bénéficient effectivement d’un test diagnostic. Ce chiffre doit être décliné au niveau de chacune des régions voire des départements avec un seuil de 75 tests/100 000 habitants par jour.
Sous ces conditions, des indicateurs indiquant un niveau de circulation faible (correspondant par exemple à un taux de test positif inférieur à environ 2-3%) avec une tendance stable ou décroissante, sans clusters problématiques seraient les signaux d’un contrôle de la diffusion de l’épidémie.

II. La stratégie à appliquer : Le maintien des mesures de base
Dans cette situation et à l’horizon de deux mois après la fin du confinement, ce scénario permettra le retour progressif à une vie plus conforme aux attentes sociales et économiques tout en maintenant pour une durée de 6 mois l’attention portée au respect des gestes barrière. Ces interventions sont également discutées au niveau international [18],[19].

Il sera nécessaire de revoir la situation à l’issue de cette période pour prendre en compte les paramètres inconnus pour l’instant comme le risque accru de reprise épidémique en période hivernale ou de nouvelles approches thérapeutiques.

Dans ce scénario, 2 mesures nécessitent d’être maintenues à leur niveau actuel :
  • Le maintien strict des mesures barrière et des mesures de contrôle dans la population générale. Ces mesures doivent être appliquées par l’ensemble de la population pendant la période de temps proposée ci-dessus.
  • La stratégie TESTER-TRACER-ISOLER. Cette stratégie est essentielle et doit être maintenue dans les conditions développées en annexe sur l’ensemble du territoire. Un nombre insuffisant signifierait une baisse de la vigilance qui serait préjudiciable au contrôle de l’épidémie.
Ces 2 mesures doivent être appliquées sur l’ensemble du territoire, accompagnées d’une communication permettant le maintien de la vigilance à un niveau élevé dans la population et ce en l’absence de données scientifiques permettant de faire évoluer la prévention ou la prise en charge.

En revanche, les autres mesures encore en vigueur à la sortie du confinement, comme le télétravail, les restrictions de déplacement pourront être levées progressivement avec une surveillance très rapprochée des différents indicateurs. Une réouverture des établissements scolaires plus complète mais toujours adaptée à la situation épidémique pourrait être organiser pour la rentrée de septembre 2020. 

On peut considérer que ce scénario 1 pourrait être le scénario probable de la situation sanitaire à venir dans les prochaines semaines et mois. Il peut être favorisé par la réduction habituellement observée en été (zone Europe) de la circulation des virus respiratoires.

B. SCENARIO 2 : UN OU DES CLUSTERS CRITIQUES SIGNES D’UNE REPRISE LOCALE DE L’EPIDEMIE

Ce scénario indique une circulation active mais localisée du virus. Afin d’éviter une reprise de l’épidémie au niveau national ces clusters doivent être maitrisés par des mesures importantes et précoces. La stratégie à mettre en place a pour but d’éviter des restrictions supplémentaires pour les populations concernées.

Ce scénario est un scénario probable dans les semaines qui viennent compte tenu de ce qui a été constaté en Allemagne et dans certains pays d’Asie. Ces exemples illustrent la nécessité de maintenir une vigilance accrue et de concevoir rapidement un plan de mise en œuvre de mesures de contrôles au niveau local. 

I. L’identification de clusters critiques
Le « cluster critique » n’a pas de définition épidémiologique validée. Santé publique France doit en préciser prochainement la définition 

Le Conseil scientifique estime que la définition d’un « cluster critique1 » doit reposer sur un ensemble d’indicateurs : 
  • Le nombre absolu de cas inclus dans le cluster et une dynamique très rapide quasi-explosive.
  • La densité d’incidence dans la commune où se situe l’épicentre du cluster ce qui permet de normaliser le nombre de cas à la densité de la population. A titre indicatif, les chiffres habituellement retenus notamment à l’étranger sont 50 cas/100 000 habitants/semaine dans la zone concernée. 
  • Le contexte dans lequel ce cluster survient : entreprise, école, EHPAD, population précaire
  • Le fait que sans ressources supplémentaires on risque d’être bientôt incapable de suivre les chaines de contamination en raison de la rapidité de développement de l’épidémie dans ce secteur. 
II. La stratégie à appliquer : des mesures localisées, précoces
Repérer le plus précocement possible une situation de ce type afin d’éviter une reprise diffuse de l’épidémie sur le territoire national. Il propose aussi de mettre en œuvre une réponse précoce, rapide, massive et ciblée sur une zone géographique. 

Le Conseil scientifique identifie des mesures que les responsables pourront mettre en œuvre en fonction de l’évaluation de risque.
  • Cette réponse doit être une approche combinée appliquée dans la zone concernée associant
  • Le renforcement des gestes barrières (cf. supra)
  • Une stratégie massive de « TESTER-TRACER-ISOLER ». L’allocation de moyens supplémentaires notamment humains doit être adaptée à la taille de la population à tester et à tracer. La pratique des tests ne peut se limiter aux cas symptomatiques des populations dans le périmètre du cluster. Une campagne d’information active incitant les personnes à se faire dépister est essentielle à la réussite de la maitrise d’un cluster critique. Ces moyens devront être alloués par l’ARS en lien avec les médecins généralistes du secteur et les collectivités locales qui connaissent le mieux les populations concernées et qui sont susceptibles de mobiliser des ressources adaptées à la situation. Il est important de rappeler aux ARS que la découverte de tout cluster a fortiori potentiellement critique nécessite une réponse immédiate et massive.
  • Une démarche proactive envers les populations précaires. Les clusters critiques peuvent concerner des populations précaires ou défavorisées. Il est donc essentiel de prévoir dans cette situation, des interventions spécifiques à destination de ces populations pour renforcer le respect des mesures barrières, leur permettre un accès facile aux tests diagnostiques, de les accompagner dans les mesures d’isolement pour les cas confirmés.
  • Un confinement localisé doit être envisagé suffisamment tôt dans cette situation. En effet, il est impératif de contrôler la circulation du virus et de limiter le nombre de cas exportés à partir du cluster critique identifié. Ce confinement localisé devra consister principalement à limiter la circulation des individus résidant dans le territoire identifié, de renforcer de façon importante les mesures barrière dans ce territoire tout en maintenant une activité à l’exclusion de celle des lieux de convivialité.
  • Des mesures compensatoires doivent être prévues par l’activation de dispositifs qui doivent être envisagés dès maintenant de façon à soutenir les populations de ce territoire et préserver l’activité essentielle.  
Cette réponse doit se faire dans un périmètre limité et prendre en compte la densité de la population à l’épicentre de l’épidémie.

Il s’agit de chiffres donnés à titre indicatif et qui doivent être adaptés en fonction de la situation locale.

Le Conseil scientifique rappelle que les outils de contact tracing jouent un rôle déterminant dans le contrôle de l’épidémie dans ce scénario et qu’il importe de les mettre en place le plus rapidement possible dans cette situation.

C. SCENARIO 3 : UNE REPRISE DIFFUSE ET A BAS BRUIT DE L’EPIDEMIE

Le scénario 3 est celui d’une reprise diffuse de l’épidémie sur un territoire suffisamment important comme une région ou au niveau national et sans bon suivi des chaînes de transmission. Cette reprise de l’épidémie traduit plutôt un relâchement des mesures de contrôle de la circulation du virus par la population permettant une reprise active de la transmission du virus et de façon diffuse. A cette situation de départ, vient s’ajouter la reprise progressive des déplacements inter-régionaux favorisant la dissémination du virus. Cette situation nécessite d’être identifiée suffisamment tôt pour arriver à enrayer la progression de l’épidémie. 

Comme indiqué dans l’introduction, le Conseil scientifique considère qu’un nouveau confinement généralisé n’est ni souhaitable ni faisable pour des raisons d’enjeux sanitaires, sociétaux et économiques. Le scénario 3 prend en compte cette nouvelle vision et propose des mesures ciblées pour certains groupes populationnels ou zones géographiques afin de maintenir un niveau acceptable d’activité sociale et économique. 

I. Des indicateurs précoces perturbés
Ce scénario correspond à une situation où le suivi des chaînes de transmission ne permet pas d’expliquer :
  • Une augmentation du nombre de tests réalisés par jour dans une région ou sur le territoire. Cette augmentation rapide de ce paramètre sera le signe le plus précoce d’une reprise de l’épidémie. Cet indicateur est précoce mais peu spécifique.
  • Une augmentation significative et observée dans la durée du nombre des tests positifs par rapport au nombre de test réalisés celui-ci ce maintenant au-dessus du seuil identifié plus haut. Cela correspond à un scénario où le nombre de reproduction effectif devient supérieur à 1 dans la durée.  
Une modification de ces indicateurs dont le R supérieur à 1 signifiera une augmentation de la circulation du virus mais à une vitesse suffisamment faible pour être encore maîtrisée.

Cette reprise à bas bruit pourrait être observée soit à l’échelon d’une région soit sur le territoire national. Les mesures proposées le seront sur le territoire concerné.

La vitesse à laquelle le nombre de cas croit l’épidémie et la zone géographique dans laquelle cette croissance est observée seront importante à prendre en compte pour évaluer la gravité de la situation, et les mesures à mettre en œuvre et notamment :
  • L’effort supplémentaire pour contenir l’épidémie.
  • Le temps disponible avant d’atteindre une vitesse de croissance amenant à se poser la question d’un reconfinement.  Plus la vitesse de croissance de l’épidémie est rapide, plus la décision d’un potentiel reconfinement devra être prise rapidement, et moins on dispose donc de temps pour stopper la reprise, avec des approches moins contraignantes que le confinement.
  • L’impact sanitaire en l’absence de confinement : plus le nombre de reproduction est élevé, plus l’impact sanitaire (mesuré par exemple par la surmortalité hospitalière) sera important en l’absence d’un second confinement.
Cette reprise diffuse pourrait être observée soit à l’échelon d’une région soit sur le territoire national. Les mesures proposées le seront sur le territoire concerné.

II. La stratégie à appliquer : l’activation de l’ensemble des mesures du plan de prévention et de protection renforcée (plan P2R-COVID)
Dans ce scénario, le Conseil scientifique propose un changement d’approche. Il propose d’élaborer puis d’activer les mesures du plan de prévention et de protection renforcé (Plan P2R-COVID) telles qu’elles ont été exposées précédemment et sont développées en annexe.

Le niveau d’intensité des mesures doit être déterminé en fonction de la situation épidémiologique.

L’application des mesures doit prendre en compte les conditions géographiques de redémarrage de l’épidémie. Si par exemple, l’ensemble des régions ont une situation épidémique sous contrôle à l’exception d’une région qui est affectée par une reprise à bas bruit, des restrictions de l’activité économique pourront être considérées pour assurer un contrôle plus rapide du foyer épidémique et éviter la diffusion aux autres régions

Dans le scénario 3, une attention particulière doit porter sur la région Ile de France et sur la grande précarité. 

Devant l’échec du contrôle de l’épidémie par l’activation des mesures du P2R-COVID-19, la question du confinement généralisé et des conditions dans lesquelles il devra être réactivé se posera. 

D. SCENARIO 4 : L’EPIDEMIE ATTEINT UN STADE CRITIQUE

Dans ce scénario, les efforts pour stopper la reprise de l’épidémie (scénario 3) ont échoué. Le nombre de cas continue d’augmenter et on arrive au « moment critique » où, toutes les autres approches ayant échoué, les autorités doivent décider si elles souhaitent instaurer un deuxième confinement pour éviter le débordement des services de réanimation.

I. Cette décision grave devra être prise en considérant l’impact sanitaire de l’épidémie de COVID19 mais également l’impact d’un deuxième confinement sur la société française (tant sur le plan sanitaire pour les pathologies non covid19 que sur les plans économiques et sociaux). Comme pour le scénario 3, une bonne appréciation de la dynamique épidémique sera importante pour évaluer l’impact sanitaire associé de l’épidémie COVID19 en l’absence de confinement (plus le nombre de reproduction effectif sera élevé, plus cet impact sera important). Des modèles mathématiques pourront être utilisés pour tenter d’évaluer cet impact, néanmoins avec de grandes incertitudes.  

II. Les autorités devront également précisément déterminer leur objectif. Par exemple, si l’objectif est uniquement de diminuer la mortalité liée à COVID19, un confinement permanent ou extrêmement précoce sera toujours préférable, mais cela ignore l’impact délétère du confinement sur la société française. Un objectif alternatif est d’assumer tout en la limitant une surmortalité hospitalière COVID19 associée à la mise sous tension des services de réanimation. Cet objectif peut être atteint au moins partiellement en augmentant les capacités hospitalières en attendant de restaurer un confinement si toutes les autres approches ont échoué. 

Le Conseil scientifique a bien conscience de l’impact négatif majeur qu’aurait un second confinement généralisé sur la société française. Dans ce dernier scénario, il appartiendrait aux autorités d’arbitrer entre ces deux options très difficiles.

Ce scénario 4 doit absolument être évité mais il ne peut être éliminé d’où l’importance d’anticiper.

Conclusions

I. Le Conseil scientifique souligne l’importance de préparer dès à présent l’évolution de l’épidémie au cours des prochains mois, en envisageant la survenue de quatre scénarios plus ou moins favorables ou critiques. Cette préparation vise à disposer d’un ensemble d’actions et de mesures à prendre le plus tôt possible afin d’éviter un nouveau confinement généralisé.
Loin de constituer des « cas d’école », ces différents scénarios ont tous – y compris les plus critiques – des chances réelles de survenue au cours des prochains mois. Malgré le souci compréhensible de s’en exonérer au vu d’une amélioration nette de la situation épidémique à la sortie du confinement, ces scénarios exigent une préparation active de la part des autorités et de la société dans son ensemble. L’expérience acquise par nos concitoyens au cours de l’épidémie constitue à cet égard une ressource inestimable.

II. Le Conseil scientifique souligne la nécessité de préparer un Plan de protection renforcée, dont les mesures spécifiques devront être mises en œuvre de manière programmée, selon le cours de l’épidémie. Ce plan vise à augmenter l’efficacité des mesures prises tout en limitant l’impact social et économique de l’épidémie. Il inclut en particulier : le renforcement des mesures barrière et de distanciation, la mise en œuvre renforcée de la stratégie « tester, tracer, isoler », un plan de protection des EHPAD, une protection renforcée par confinement volontaire des personnes les plus vulnérables en raison de leur âge ou de leur état de santé, un plan destiné aux personnes les plus précaires ainsi qu’un ensemble de mesures à mettre en œuvre dans les métropoles, qui sont particulièrement exposées, notamment en Ile de France. 

III. Les quatre scénarios identifiés par le Conseil scientifique devront être précisés et actualisés en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques et des exigences opérationnelles. A cet égard, le Conseil scientifique souligne la nécessité d’une gouvernance claire, opérationnelle et en partie territorialisée. Cette gouvernance devra inclure des compétences scientifiques et sanitaires, mais aussi interministérielles et plus largement institutionnelles. L’association d’acteurs de la société civile et de la vie économique est de nature à renforcer sa légitimité ainsi que l’adhésion aux mesures envisagées dans chaque scénario. 

IV. Chacun des quatre scénarios doit pouvoir être identifié au cours de l’épidémie à partir d’indicateurs appropriés. La situation nécessitera des formes complexes d’appréciation, associant aux indicateurs quantifiés des informations plus qualitatives, notamment locales. En outre, la survenue des scenarios n’est pas nécessairement successive, des scenarios critiques pouvant survenir sans être précédés par d’autres plus favorables, qui laisseraient un temps de préparation. Le temps de réaction est un paramètre déterminant dans le contrôle de l’épidémie.

(...)

FICHE TECHNIQUE PROTOCOLES DU PLAN P2R COVID

Le Conseil scientifique considère essentiel d’élaborer dès maintenant un plan de prévention et de protection renforcé (Plan P2R-COVID). Ce plan se décline en 7 composantes spécifiques dites « protocole » identifiées par le Conseil scientifique. 

I. Protocole de renforcement des mesures barrière et des mesures de distanciation physique dans la population générale

Ces mesures s’appliquent à l’ensemble de la population avec port du masque obligatoire dans tous les lieux confinés, friction au gel hydroalcoolique à l’entrée et à la sortie de ces lieux, respect strict de la distanciation sociale, suppression des rassemblements non nécessaires.
 
II. Protocole de renforcement du TESTER-TRACER-ISOLER

Cette mesure du plan est essentielle. Elle vise à rappeler, intensifier et rendre plus accessible la stratégie de TESTER-TRACER-ISOLER pour la population lorsque la situation l’exige.
  • Enclencher des campagnes intensives et localisées de testing
La détection des cas et l’identification de leurs contacts est la principale stratégie pour limiter l’extension de clusters localisé.

Il est important de rappeler aux ARS que la découverte de tout cluster a fortiori potentiellement critique ou que toute reprise même à bas bruit de l’épidémie nécessite une réponse immédiate et massive.

L’accès au test doit être favorisé même sans consultation médicale préalable. Cette disposition est particulièrement importante dans des zones géographiques dans lesquelles la circulation du virus est importante où pour des populations pour lesquelles l’accès au système de soins est plus difficile, tel est particulièrement le cas en Ile de France. 

Le traçage et l’isolement des cas et des contacts ne présentent aucune particularité par rapport à ce qui a déjà été énoncé dans l’avis sur la sortie du confinement (avis 6). 
  • Renforcer la pratique généralisée du testing
En cas de reprise épidémique, une campagne de communication importante est mise en place, rappelant la démarche à suivre dès lors qu’on a des symptômes légers compatibles avec COVID, même s’ils sont atypiques. Tout doit être mis en œuvre pour que le délai le début des symptômes, la consultation et le rendu des résultats du test soit aussi court que possible (dans les 24h), et que les contacts soient identifiés et pris en charge de façon aussi exhaustive et rapide que possible. 
  • Rendre plus accessible les possibilités d’isolement des cas et des contacts
Les possibilités d’isolement des cas et des contacts doivent être renforcées an proposant majoritairement des lieux d’hébergement dédiés, tout en respectant le choix individuel.

(...)

III. Un confinement-protection renforcé des personnes à risque de formes graves
Le Conseil scientifique  préconise qu’une évaluation individuelle du risque soit réalisée par le médecin traitant pour les personnes en ALD, recevant un traitement au long cours, âgée de plus de 65 ans ou qui sont estimées à risque. Cette évaluation devra tenir compte de la pathologie et des traitements reçus, de la situation professionnelle et de la situation géographique (circulation active ou non du virus). Le Conseil scientifique considère que dans l’état actuel des connaissances, le télétravail doit être favorisé pour cette catégorie de personnes mais qu’il est possible en fonction de l’évaluation individuelle du risque d’envisager soit un arrêt de travail soit un travail en présentiel, le médecin du travail devant alors s’assurer que le port du masque chirurgical et les mesures barrières seront strictement respectées sur le lieu de travail. L’employeur devant s’assurer qu’un masque chirurgical est fourni pour chaque période de travail de 4 heures (durée de vie d’un masque). 

Pour les personnes de plus de 65 ans ou présentant des facteurs de risque mais n’ayant pas d’activité professionnelle, le Conseil scientifique recommande que dans l’état actuel des connaissances ces personnes évitent au maximum le risque de contamination notamment par des porteurs asymptomatiques en adoptant un « confinement » volontaire. Ce confinement volontaire consiste donc à limiter au maximum le risque de contagion dans des lieux confinés ou à forte fréquentation. Le port du masque en dehors du domicile est indispensable pour cette catégorie de la population. L’état devra s’assurer que ces personnes pourront bénéficier d’au moins un masque chirurgical par jour afin qu’elles puissent sortir notamment pour faire leurs courses.

Cette protection renforcée doit être accompagnée de mesures spécifiques permettant à ces personnes de respecter volontairement ses consignes de confinement en en limitant les désagréments. Il peut s’agir de portage de repas, d’aides ménagères à domicile (avec le respect strict des gestes de barrière), de mesures de lutte contre l’isolement etc ... 

Ces mesures doivent être élaborées dès maintenant, pour être activées rapidement dès que nécessaires. Le rôle des collectivités locales est majeur dans l’élaboration de telles mesures, d’autres plan comme le plan canicule ayant montré leur efficacité.

(...)
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