Toutes les récessions depuis 40 ans ont l'empreinte du pétrole. Elles sont toutes apparues après un prix du pétrole explosant à la hausse, Jeff Rubin économiste canadien :
Ce qui suit est un copié/collé d'un ancien article de Michael Klare traduit par Contreinfo
Comment le pétrole a fait éclater la bulle immobilière ? 31 janvier 2008
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Ce qui suit est un copié/collé d'un ancien article de Michael Klare traduit par Contreinfo
Comment le pétrole a fait éclater la bulle immobilière ? 31 janvier 2008
La bulle économique qui a propulsé le cours de la
bourse vers des hauteurs vertigineuses a été alimentée tout autant par
un pétrole bon marché que par des emprunts à bon compte (et souvent
frauduleux). De la même façon, l’éclatement de cette bulle a été causé
autant par la cherté du pétrole que par le niveau record des
défaillances des emprunteurs imprévoyants. De fait, le pétrole a joué
un rôle critique, bien que peu souligné, dans l’affaiblissement que
subit l’économie américaine, et il continuera à peser sur sa prospérité
et sa vigueur dans les années à venir.
Cette méga-bulle économique est née dans les années
1990 lorsque le pétrole était bon marché et que des milliers de
familles des classes moyennes aspiraient à réaliser le « rêve
américain » en achetant une maison de trois ou quatre chambres,
bâtie sur un terrain convenable, située dans une banlieue coquette et
sûre, pourvue de bonnes écoles et d’autres avantages.
Problème. Bien peu de maisons de ce type étaient
disponibles à la vente pour un prix abordable à distance raisonnable
des grandes villes ou à proximité des transports en commun. Dans la
région de Los Angeles, par exemple, le prix de vente médian du bâti est
passé de 290 000 dollars en 2002 à 446 000 dollars en 2004. Des hausses
semblables ont été observées dans d’autres grandes villes et dans les
banlieues traditionnelles, les plus recherchées.
Cette situation ne laissait aux acheteurs que deux
possibilités aussi peu attrayantes l’une que l’autre. S’endetter
au-delà de leur capacité, en empruntant auprès de prêteurs peu
scrupuleux, acceptant d ignorer leurs situation financière tendue
(c’est-à-dire leur évaluation subprime), ou acheter des maisons moins
onéreuses situées loin
de leur lieu de travail, entraînant de longs déplacements, tout en
espérant que le prix du pétrole resterait relativement faible. De
nombreux primo-acheteurs ont du subir les deux inconvénients : ils
ont souscrit des emprunts très lourds pour des maisons éloignées de
leur lieu de travail.
Cela a eu pour résultat de provoquer l’urbanisation des
grandes banlieues, le long des autoroutes qui ceignent les grandes
villes américaines et au bord des routes secondaires nouvellement
tracées dans les campagnes éloignées. Dans certains cas ces nouveaux
propriétaires se sont retrouvés à 20, 30 voire 40 kilomètres ou plus
des centres villes, là où existent leurs seules chances de trouver un
emploi. Les données publiées par l’US Census Bureau en 2004 montrent
que pratiquement toutes les zones ayant connu la croissance la plus
rapide - 10% ou plus - étaient située dans les grandes banlieues comme
le comté de Loudoun, en Virgine, à 20 km de Washington D.C. ou le comté
Henry en Georgie, à 20 km d’Atlanta.
Dans le même temps, le pétrole bon marché et
l’évolution du goût des consommateurs, aidé en cela par d’incessantes
campagnes publicitaires, a conduit de nombreux américains à échanger
leurs petits véhicules légers pour de gros 4x4 ou des pickups, avec
évidemment pour résultat une augmentation significative de leur
consommation de carburant. Selon le Département de l’Energie, la
consommation de pétrole est passée d’une moyenne de 17 millions de
barils par jours en 1990, à 21 millions en 2004, soit une augmentation
de 24%, dont la majeure partie a été brûlée lors de déplacements sur
les routes américaines.
Les jours heureux des grandes banlieues
En 1998, lorsque la bulle est apparue, le baril de
pétrole brut coûtait près de 11 dollars et les USA produisaient la
moitié de leur consommation. Ce fut la dernière année où les
fondamentaux ont été aussi favorables. La dépendance de l’Amérique aux
importations a dépassé la barrière des 50% cette même année et continue
à s’élever depuis lors, tandis que le prix des barils importés a
atteint un record historique de 100 dollars le 2 janvier.
C’est lorsque cette hausse soutenue des prix, combinée
à une dépendance accrue aux importations de pétrole, s’est fait
ressentir dans le nouveau paysage urbain des grandes banlieues, que la
bulle a commencé à vaciller. Pour commencer, cela a eu pour effet
d’augmenter la facture en dollars requise pour régler ces barils de
brut, avec pour conséquence l’aggravation du déficit du commerce
extérieur.
Observons ceci : en 1998, les USA dépensaient
approximativement 45 milliards de dollars pour leurs importations de
pétrole. En 2007, cette facture atteint vraisemblablement 400 milliards
ou plus. C’est le plus grand poste de dépense contribuant au déficit de
la balance commerciale, et cela représente un transfert de richesse
substantiel en direction des pays producteurs de pétrole. Ce qui a eu
pour effet d’affaiblir le cours du dollar par rapport aux autres
devises, particulièrement l’euro et le yen, amplifiant le coût des
importations et alimentant l’inflation aux USA.
Dans le même temps, deux développements cruciaux ont
contribué à la montée des cours : une augmentation considérable de
la demande, conséquence de l’émergence de la Chine et de l’Inde comme
nations consommatrices majeures, et un ralentissement marqué dans
l’expansion de l’offre mondiale, principalement due à l’absence de
nouvelles découvertes et à l’instabilité chronique des zones clés de
productions. Cela a eu pour résultat de mettre en concurrence avec la
nouvelle classe moyenne chinoise et indienne les consommateurs
américains, y compris ces banlieusards effectuant de longs trajets
quotidiens dans leurs 4x4 si gourmands pour rejoindre leurs maisons aux
emprunts si coûteux. Dès lors, dans ce système, quelque chose allait
céder.
Face à la facture du pétrole importé continuant à
grimper, au cours du dollar à la baisse, et aux pressions
inflationnistes persistantes, les banquiers centraux américains ont
répondu de manière classique en relevant les taux d’intérêts. Ce qui a
évidemment entraîné un renchérissement des mensualités des
propriétaires remboursant un emprunt à taux variable. Pour de
nombreuses familles déjà dans une situation tendue à l’extrême, ce fut
le coup de grâce. Acculés à la faillite, ils ont déclenché la crise des
subprimes, et crevé la bulle.
L’économie aurait peut-être pu s’en sortir si cette
crise n’avait été accompagnée par un baril à 100 dollars. En décembre
dernier, les consommateurs ont réduit
leurs dépenses non essentielles. La période d’achat précédant les fêtes
de fin d’année a été la plus décevante depuis pour le commerce de
détail depuis 2001. Lorsqu’on leur a posé la question, ils ont été
nombreux à répondre que le prix élevé du carburant et du fioul
domestique les avait contraint à économiser sur les cadeaux de Noël,
les vacances d’hiver, et leurs petits caprices. « Si le prix de
l’essence monte cela signifie qu’il y a moins d’argent à dépenser pour
tout le reste, » constate David Greenlaw, analyste chez Morgan
Stanley.
Le prix élevé de l’essence était également porteur de
mauvaises nouvelles pour un autre pilier de l’économie
américaine : l’industrie automobile. Alors que les constructeurs
japonais s’affairaient à produire des véhicules hybrides et de petites
automobiles économes en carburant, Détroit [1]
s’entêtait dans son modèle devenu obsolète de production de gros 4x4 et
de pickups, qui étaient sa principale source de profits dans les années
récentes. Lorsque le prix du pétrole a atteint des sommets, les
américains, comme on pouvait le prévoir, se sont détournés des
véhicules gros consommateurs, signant ainsi l’arrêt de mort
immédiat d’une industrie imprévoyante. En 1999, Ford a vendu plus de
428 000 exemplaires de son 4x4 milieu de gamme Explorer. Pour les 11
premiers mois de 2007, ce nombre n’est que 126 930, et novembre a été
l’un des pires mois pour les constructeurs. Bien évidemment, une
industrie automobile sur le déclin entraînera à sa suite une réduction
d’activité, si ce n’est un désastre, chez ses sous-traitants.
Crever la bulle
Vint ensuite ce 2 janvier. Bien que les cours du brut soient rapidement redescendus en dessous de 100 dollars sur le NYMEX, le mal
était fait. Le cours des actions à la bourse de New York a plongé,
subissant les plus fortes pertes depuis 1983. Dans le même temps, l’or
a atteint son plus haut, traduisant à coup sûr l’anxiété éprouvée dans
le monde en ce qui concerne la vigueur de l’économie US.
Depuis lors, la panique a touché les principales places
financières mondiales. Il a fallu une décision de la Fed d’abaisser son
taux directeur de 0,75%, prise en urgence avant l’ouverture des
marchés, pour prévenir un dérapage catastrophique des cours. De
nombreux analystes pensent désormais qu’une récession est inévitable,
peut-être longue et douloureuse. Quelques uns parlent même de
« dépression. »
Quoi qu’il en soit, l’économie américaine sortira de
cette crise significativement affaiblie, largement à cause de sa
dépendance inévitable aux importations pétrolières. Durant la dernière
décennie, ce pays a gaspillé approximativement 1 500 milliards de
dollars en importation de pétrole, dont la majeure partie a été
déversée dans les réservoirs de véhicules au rendement énergétique
absurdement inefficace, qui transportaient leurs passagers sur les
longs trajets quotidiens les menant de leurs lointaines banlieues à
leur travail aux centres des villes.
Aujourd’hui, une bonne part de cet argent se retrouve dans les fonds souverains d’investissement.
Les américains devraient s’habituer à cette appellation. Elle désigne
les agences gouvernementales, comme la Kowait Investment Authority et
la Abu Dhabi Investment Authority, qui contrôlent ces monceaux de
richesse. Ces fonds détiennent des actifs pour un montant de 3 000
milliards, et avec le flot des pétro-dollars qui continue de se
déverser chaque jour dans les états producteurs, on s’attend à ce
qu’ils gèrent 12 000 milliards en 2015.
Que font ces fonds souverains de cette masse d’argent ? D’abord, ils achètent
les meilleurs actifs américains à des prix défiant toute concurrence.
Durant ces derniers mois, les fonds souverains du Golfe Persique ont
pris des participations importantes dans nombre de grandes firmes
américaines, leur donnant un droit de regard sur la gestion future de
ces entreprises. La Kowait Investment Authority a récemment acquis une
participation dans la Citigroup pour 12 milliards et une autre de 6,5
milliards dans Merrill Lynch. Le fonds d’Abu Dhabi a investi 7,5
milliards dans Citigroup et la société Mudabala Development a acquis
une participation de 1,5 milliards dans le groupe Carlyle.
Ces acquisitions ne sont qu’une petite partie d’un
transfert massif et irréversible de richesse, à partir des Etats-Unis
en direction des états pétroliers du Moyen Orient et de la Russie, elle
aussi richement dotée en pétrole. Ces pays, note le FMI, ont reçu 750
milliards en 2007, et ce montant devrait encore croître durant les
années à venir. Ce que cela signifie, c’est non seulement la poursuite
de l’affaiblissement de l’économie américaine, mais un déclin parallèle
de son poids politique sur la scène mondiale.
Rien n’illustre mieux la nature de la dépendance
américaine au pétrole importé que l’humiliante prestation du Président
Bush à Riyad. Il y a littéralement imploré
le Roi Abdallah d’augmenter sa production de pétrole brut, afin que le
prix baisse. « Mon message à Sa Majesté, c’est que lorsque les
consommateurs ont moins de pouvoir d’achat à cause du prix du pétrole,
en d’autres termes, lorsque cela affecte leurs familles, cela peut
causer un ralentissement de l’économie, » a-t-il alors déclaré en
réponse à une question posée avant son audience avec le roi. « Si
l’économie se ralentit, il y aura moins de barils de pétrole
[saoudiens] achetés. »
Nul besoin de dire que le dirigeant saoudien a ignoré
cette menace implicite, où le pathétique le disputait au ridicule. Les
saoudiens, a précisé
le ministre du pétrole Ali Al Naimi, n’augmenteront leur production que
si « le marché le justifie. » Disant cela, les saoudiens ont
exprimé clairement ce que le monde entier sait désormais. Que ceux qui
souffrent « d’addiction pétrolière, » selon le mot du
président Bush, sont désormais contraints de faire des courbettes
devant la petite minorité capable de fournir la dose requise.
Michael Klare est l’auteur de Resource
Wars et de Blood and Oil. Il est professeur au Hampshire College où il
enseigne sur les questions de sécurité mondiale et de la paix.Retrouvez le billet complet sur http://captainshortman.blogspot.com/
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