La création monétaire en 15 minutes et 4 pages ! | monnaie et dette 4/5

Un texte de André-Jacques Holbecq (sociétal.org) récupéré sur Plus loin que Jorion


Mais d’abord, qu’est ce que la monnaie ?
C’est, dans une définition simplifiée, un moyen de paiement, une unité de compte commune, et une réserve de valeur. C’est un palliatif aux nombreux problèmes du troc direct ou indirect.
La monnaie possède deux grandes qualités qui la rendent indispensable:
- immédiatement disponible et sans coût (elle est « liquide »),
- présente peu de risque de perte de valeur en l’absence d’une inflation forte.
Le fondement de l’existence de la monnaie est la confiance
Maintenant admettez avec moi, ce qui est la stricte réalité, que de la même manière qu’un informaticien produit un programme informatique à partir d’un ordinateur, ou  qu’un fabriquant de chaussure fabrique des chaussures, un réseau bancaire fabrique de la monnaie  Les banques sont des fabricants de monnaie, sous leur marque de fabrique : la monnaie BNP, la monnaie SG, la monnaie crédit agricole, etc…
Les crédits sont  la principale source de création de monnaie
Le mécanisme de création de monnaie trouve son origine dans les crédits accordés par la banque. Le principe du crédit consiste à transformer des créances sur les agents non bancaires en moyens de paiement immédiatement utilisables. Concrètement, lorsqu’une banque consent un crédit à un client X, ce dernier dispose immédiatement d’un dépôt à vue (compte de dépôt), dans cette banque, égal au montant de la somme prêtée. De son côté, la banque acquiert en contrepartie une créance sur le client X ( la créance peut être une reconnaissance de dette, une hypothèque, une obligation, une caution, etc… c’est une garantie au banquier qu’il sera remboursé avec les intérêts demandés . Certains actifs sont pourris car leur valeur à l’actif du bilan de la banque est considérée comme non récupérable en totalité ou partie).
Mais ici il y a une petite astuce. Le compte du client X est inscrit dans son compte nominatif qui est, dans le bilan de la banque, à son passif. En effet à partir du moment où elle a accepté le crédit, elle doit ce montant à son client X qui peut d’abord effectuer ses paiements mais aussi  lui demander un remboursement « en espèces », espèces que notre banque commerciale ne peut pas produire (c’est une monnaie dite « fiduciaire » seulement produite par la banque centrale)
Il y a donc création de monnaie : la banque n’a pas ponctionné dans ses réserves ou emprunté à ses déposants ou à la Banque Centrale pour prêter le montant au client X : elle a simplement  inscrit une créance dans son bilan : elle a fait de la « monétisation d’actifs »
[Vous trouverez souvent le terme « monétiser », de quoi s’agit-il ? C’est simplement le droit (légal) des banques de transformer « quelque chose » en monnaie et procéder ainsi à l’introduction de nouveaux moyens de paiement dans l’économie (création monétaire). Ce « quelque chose » peut être reconnaissance de dette, une hypothèque, un actif existant, etc..]
Destruction monétaire : le remboursement du crédit
Lorsque le client X rembourse le crédit, la banque efface la créance de son bilan : il y a donc à ce moment destruction de monnaie. La création de monnaie n’aura été que provisoire. Il y a donc « création nette » de monnaie uniquement lorsque les nouveaux crédits l’emportent sur les crédits remboursés : c’est l’image du robinet et de la bonde plus ou moins ouverts ou fermés : la masse monétaire est le niveau de la baignoire
On peut donc préciser que la monnaie est une dette de banque qui circule, un élément (un morceau) du passif d’une banque accepté comme moyen de paiement. Même la monnaie fiduciaire que nous utilisons doit son existence à une création de monnaie scripturale originelle qui a été détruite et remplacée par cette monnaie fiduciaire.
Toute monnaie est une dette, toute la monnaie est issue d’une création monétaire bancaire « ex nihilo », par l’opération de « monétisation d’actif »
Autres méthodes de monétisation (création  monétaire)
Les banques peuvent créer de la monnaie de plusieurs autres façons, mais avec le même mécanisme.
- les banques peuvent créditer le compte d’un agent en échange de devises (exportations) en  acquérant une créance sur les États-Unis s’il s’agit par exemple de dollars. La balance commerciale d’un pays est excédentaire, l’entrée nette de devises sur le territoire entraîne de la création de monnaie, et inversement en cas de déficit commercial.
Au final les banques (commerciales) ont de nombreuses manières de créer de la monnaie:
- Opération de crédit
- Acquisition d’un actif réel (terrain, immeuble…)
- Acquisition d’un actif financier (actions, obligations d’entreprises)
- Acquisition des bon du Trésor (créances sur le Trésor).
- Conversion des devises (suite exportation d’une entreprise cliente)
- Opération d’escompte
- Paiements pour compte propre (ex : loyers, salaires et charges diverses)
Je disais que chaque réseau bancaire crée sa monnaie sous sa marque de fabrique. Les autres banques ne vont donc pas l’accepter, ce qui implique que chaque banque dispose de monnaie dite « de base » (ou monnaie centrale) car chaque réseau bancaire  qui monétise est obligé de tenir compte des « fuites » vers ses concurrents si sa part de marché de monétisation (de crédit) dépasse sa part de marché des dépôts, car ses concurrentes se font payer la différence (la compensation) en monnaie centrale.
Les banques doivent aussi tenir compte de la demande d’espèces (qui représente environ 13% des crédits) et des réserves obligatoires de 2% du montant des dépôts qui correspondent à de la monnaie centrale, ce qui limite leur capacités de création monétaire
A propos de ce multiplicateur, il est tout théorique: on préfère dans l’état actuel parler de « diviseur », sachant que les banques font tous les crédits qu’elles veulent (dont elles ont la demande), dans la limite théorique des règles prudentielles, et se tournent ensuite vers la banque centrale en disant « on a besoin de monnaie centrale sinon le système explose… »
Et le rôle de la banque centrale  dans tout cela ?
De la même manière que les banques commerciales monétisent des créances, la banque centrale monétise des titres de dette dits « éligibles » (titres de dettes souveraines, par exemple) afin de :
-  constituer leurs réserves (obligatoires ou non)
- disposer de soldes de compensation
- obtenir de la monnaie fiduciaire pour satisfaire les besoins d’espèces des clients des banques commerciales
Pour information : la monnaie scripturale centrale ne quittera pas le compte des banques à la Banque centrale (elle ne peut être transformée en monnaie secondaire que dans une exception notable ; que par le « tuyau » du Trésor Public qui est « la banque de l’État)
Donc si les banques fabriquent de la monnaie, elles peuvent acheter le monde ?
Ce serait presque exact s’il n’y avait qu’un seul réseau bancaire, mais heureusement
1 – Une banque est limitée dans ses crédits par les règles de Bâle (Bâle II) qui  imposent de détenir en fonds propres 8% des crédits accordés.
2 – Comme il y a, dans la réalité, plusieurs réseaux bancaires et donc un type de « fuite » supplémentaire
Un réseau bancaire A qui émets un crédit à son client Monsieur Dupont, sait bien que tous les fournisseurs ou commerçants que payera Monsieur Dupont ne sont pas tous dans son réseau bancaire… il lui faudra donc payer les réseaux bancaire B, C, E, etc des paiements qui s’échappent de son réseau.
Mais il en est de même pour les autres réseaux dont une partie des clients payent des fournisseurs ayant leur compte dans le réseau A.
Chaque jour donc, une « compensation » est faite entre les différentes banques, qui ne payeront à leur concurrentes que le solde : quand elles ont besoin de monnaie centrale, elles peuvent également l’emprunter à leurs concurrentes (le marché interbancaire)
Ce solde est de zéro si toutes les banques « marchent au même pas » (Keynes), c’est à dire si – statistiquement – la part de marché des crédits émis est égale à la part de marché des dépôts de leurs clients (nous parlons bien de crédits et de dépôts scripturaux. Des dépôts de monnaie fiduciaire -billets et pièces – sont une augmentation du stock de « monnaie de base » détenue par le réseau qui en bénéficie)
Enfin, il faut bien comprendre que le banquier directeur d’agence (trésorier d’agence), ne s’inquiète pas de savoir s’il crée de la monnaie ou pas : le banquier-trésorier va uniquement chercher à équilibrer ses comptes à la Banque Centrale (la « banque des banques »), par rapport aux autres banques. Si sa banque prête trop par rapport aux autres, c’est le système qui va la rappeler à l’ordre, car il faudra soit qu’il s’endette auprès des autres banques (et les lignes de crédit ne sont pas illimitées), soit qu’il mobilise des actifs sur le marché monétaire (et là non plus, son bilan n’est pas inépuisable….).
Comment la banque centrale peut-elle influer sur la création monétaire ?
La demande de crédit, et donc la création monétaire, suit de près l’activité économique. En période d’expansion, la masse monétaire, dopée par les investissements et les dépenses des agents économiques, va augmenter, et inversement en période de repli de l’activité.
Le principal instrument des banques centrales occidentales est la modulation des taux d’intérêt. En augmentant ou en baissant ses taux directeurs, la banque influe sur le coût de refinancement des banques commerciales sur le marché monétaire, sur lequel s’échangent la monnaie « banque centrale ».
La banque centrale peut également jouer sur le taux de réserve obligatoire imposé aux banques commerciales : plus de réserves obligatoires bloque les banques (c’est l’outil utilisé en particulier par la Banque centrale chinoise)
Toutefois, l’impact de la politique monétaire sur l’activité n’est pas garanti. Par exemple, si les agents économiques n’ont pas confiance même une baisse des taux (et donc du coût du crédit) n’a pas d’effet significatif sur la reprise de l’activité.
Le système actuel est instable
Le « 100% monnaie », principe général développé par Irving Fisher et Maurice Allais, dans lequel toute la monnaie nouvelle est créée par la Banque Centrale (banque de France) permettrait d’éviter les à-coups de croissance économique, supprimerait instantanément 2/3 de la dette publique, et générerait l’équivalent d’une recette fiscale supplémentaire de l’ordre de 70 à 80 milliards d’euros par an.
A-J Holbecq – 24 septembre 2011
Retrouvez le billet complet sur http://captainshortman.blogspot.com/

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