Les dieux et les hommes, le prince et ses esclaves, l'état et la banque centrale 2/2

Première partie
 

Les intérêts de la dette :

Il y a corrélation entre montant de la dette et niveau des intérêts mais la dette nourrit l’épargne. Si la dette publique n’existait pas, l’épargne devrait alors se diriger vers des activités plus risquées comme l’investissement dans les entreprises, les PME.

Un état est rarement victime de ses assujettis, il peut recourir à la violence pour augmenter ses recettes, la dette publique est donc globalement et historiquement réputée bien plus sûr que les autres investissements. Le fait de passer par les marchés et non pas par l’autorité permet l’existence de la rente dont l’assurance-vie aujourd’hui est un bon exemple.

À la fin du XIXe siècle la rente était derrière la dette, à l’époque pour la bourgeoisie c’était une rente perpétuelle estimée à 3 points de PIB. Si à l’époque il n’y avait pas eu de déséquilibres des comptes publics il n’y aurait pas eu de bourgeoisie rentière. En ce sens la dette est intéressante. On pourrait supprimer le service de la dette mais alors on supprimerait aussi la rente et les épargnants ne seraient pas d’accord. Aujourd’hui le monde de la finance s’appuie sur les petits épargnants pour faire perdurer ce système. Si l’endettement est trop important l’état montre les dents et annule ses dettes. Pour le moment la finance empêche les états de mordre, jusqu’à quand ?

 

Inflation – dévaluation :

La France a un long historique de dévaluation perpétuelle vis-à-vis des autres monnaies. Les hommes inventent la monnaie mais elle peut se retourner contre leurs propres intentions. On peut faire des investissements à l’aide de création monétaire permanente le revers est une inflation systématique, la France est un bon exemple de ce système. Cela a tout de même permis à la France une belle réussite économique, c’est une question de dosage.

Selon ces statuts, la Banque Centrale Européenne doit lutter contre l’inflation, pourquoi ne dévalue-t-elle pas la monnaie ? Les pays de la zone Euro sont dans des situations très différentes, le problème se situe dans la balance des comptes courants (solde de tout les échanges d’un pays avec l’étranger). Pour simplifier les balances des pays du sud sont déficitaires et celles des pays du nord sont positives. L’Allemagne n’a donc pas intérêt à dévaluer, à l’inverse de la France ou plus exactement de certains groupes français.
Le fait d’avoir une extériorité au carré -l’euro- (qui n’est plus monnaie souveraine) nous restreint les possibilités d’action.
 

Fonctionnement des banques centrales système hiérarchique/ système de marché :

J-C Werrebrouck a particulièrement étudié l’histoire de la banque de France. Bien que les lois, règles et modalités d’action gérant l’activité de la BdF aient constamment variées au cours des deux siècles passés en fonction des évènements historiques (guerres, révolutions, crises) et des intérêts des parties en présence (état, banques, financiers), il s’est permis de dégager deux modes de fonctionnement de la BdF. L’un ou elle est soumise à l’entrepreneur politique, l’état se fournit alors en monnaie auprès d’elle, l’autre où l’état se fournit en monnaie auprès du marché :
 
Imaginons que vous vouliez commercialiser des pommes. Vous pouvez soit devenir producteur de pomme, acheter des terrains et embaucher des ouvriers, vous êtes dans un rapport d’autorité c’est un mode hiérarchique. Soit vous trouvez sur le marché des producteurs /commerçants en pomme et vous vous fournissez auprès d’eux, c’est le mode marché. A l 'échelle planétaire nous sommes de plus en plus dans un mode marché, c’est-à-dire dans un émiettement de la production.

Remplaçons maintenant les pommes par la monnaie.

En mode hiérarchique l’état demande simplement à la bc de créditer le compte du trésor public pour pouvoir payer les investissements. Concrètement en France des conventions étaient régulièrement passées entre le ministre des finances et le gouverneur de la BdF : la bc avançait les fonds et le taux d’intérêt était relativement faible. Les investissements se faisaient donc par création monétaire.

En mode marché, le trésor public (l’agence France-trésor à Bercy) fait appel aux « offreurs de monnaie » via un système d’enchères. Les offreurs sont une vingtaine d’acheteurs listés officiellement parmi les plus grosses banques mondiales.

Revenons à nos pommes. Dans le mode marché actuel même si vous êtes producteur de pomme (l’État souverain émetteur de sa monnaie) vous n’avez pas le droit d’utiliser ces pommes. Il vous faut passer obligatoirement parmi 20 négociants officiels en pomme qui constituent à eux seuls le marché primaire. Pourtant la banque centrale est propriété de la nation. elle émet la monnaie adoubée par l’état, qui a cours légal. Bien que propriétaire de la banque et ayant un compte dans cette banque (le trésor public est la seule entité non bancaire ayant un compte à la banque centrale), en mode marché, vous ne pouvez plus bénéficier de prêt de cette même banque centrale.

Le mode marché, c’est à dire l’indépendance des bc, a été mis en place progressivement au cours des 40 années passées et ce, dans tous les pays du monde.

En France au début du XXe siècle et sous de Gaulle on ne parlait pas de la dette publique qui était pourtant importante. Le sujet était plutôt la dévaluation du franc qui était régulière. Les deux guerres mondiales ont été financé par la banque centrale. Pendant l’entre deux guerres, une convention était signée tous les deux mois environ entre le gouverneur de la BdF et le ministre des finances. Et le gouverneur de la bc, bien que parfois récalcitrant, était plutôt soumis à l’autorité du ministre des finances . La dette publique en hiérarchie est toujours contrôlable.

Cependant sans marché de dettes publiques il y a moins de produit financier et moins de matière première pour des produits d’épargne. Certains se demandent s’il ne faut pas repasser aux financements des états par les banques centrales plutôt que par les banques commerciales qui s’engraissent au passage. Les détracteurs du mode hiérarchique (l’état créateur de monnaie) pointent du doigt le risque inflationniste de ce fonctionnement. On peut leur rétorquer que la base monétaire mondiale augmente bien plus vite que le PIB mondial et qu’il n’y a pourtant pas d’inflation dans nos pays.

JC Werrebrouck propose de revenir à la création monétaire où la bc vendrait (taux d’intérêt) cette création monétaire aux banques privées.
« Les banques centrales sont des institutions logées dans l’interface entre pouvoir financier et pouvoir politique, et chargées d’exprimer le rapport de forces entre les deux par des actions concernant la circulation monétaire, la monnaie elle-même et la dette. La position relative des deux pouvoirs : absorption plus ou moins complète de l’un par l’autre, séparation / opposition radicale, coopération mutuellement avantageuse, servitude volontaire, etc., est la source ultime de la compréhension des faits monétaro-financiers, et un outil indispensable pour identifier l’état des rapports économiques politiques et sociaux dans le monde. Connaître les règles de fonctionnement d’une banque centrale, c’est ainsi s’ouvrir sur la connaissance du logiciel qui dit des choses essentielles sur une société concrète. » Regard sur les banques centrales : naissance, métamorphoses, essence, avenir (partie 1)

Conclusion :

On reporte la gestion globale de la société sur un extérieur qui est aujourd’hui même, à l’extérieur de l’état. L’euro, ses règlements et la BCE sont une nouvelle extériorité.

Aujourd’hui les dieux (l’ancienne extériorité) ont été abandonné au profit de la raison qui est devenu la nouvelle théologie : la raison et le bien commun. Mais le bien commun existe-t-il en dehors des livres ? (Ex : La main invisible d’Adam Smith, la somme des intérêts privés font l’intérêt public.)
Nos sociétés restent théocratiques c’est probablement de l’ordre de l’indépassable. Le collectif donc l’extériorité, est une réalité indépassable. Dire que la société est une somme d’individus relève de l’utopie (Marcel Gauchet). Les hommes de part leurs interactions font naître un processus émergeant, une extériorité qui les dépasse et qui les aliènent.

Le discours économiciste d’aujourd’hui est l’équivalent des discours théologiques d’antan.
Un exemple d’extériorité qui fonctionne aujourd’hui : le système des prix. À bien y regarder le prix s’impose à l’offreur et au demandeur, ceux-ci ne décident pas vraiment. Le système de prix s’imposent aux humains. Ils règlent l’activité humaine comme les panneaux de signalisation règlent le trafic automobile. L’économie est l’instance qui a remplacée les dieux, nous croyons à l’économie.
Il existe aussi une grande constante dans l’histoire : l’impôt se fait de plus en plus léger sauf s’il sert à édifier l’état providence.

Au fil du temps la monnaie finit par exister indépendamment du fait des hommes, comme la loi et l’état : c’est une extériorité. C’est un fait social (avant d’être un objet technique) qui accompagne la transformation des sociétés qui passent d’un stade non marchand à un stade marchand. L’histoire fluctue entre les moments ou la finance accapare tout puis le politique récupère la main. Aujourd’hui le politique a été complètement vendu à la finance mais cela changera un jour.



Retrouvez sur le blog de jean Claude Werrebrouck :
Banque Centrale et Trésor: une très instructive histoire- partie 1
Banque Centrale et Trésor: une très instructive histoire- partie 2
Banque centrale et Trésor: une très instructive histoire- conclusions





























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