Depuis une semaine, Marie Viennot dans son billet économique matinal sur France Culture, "tente de [se] faire une opinion sur la loi Travail en prenant les arguments un par un"
- Comparaison n'est pas raison
- Les économistes qui sont pour
- Pourquoi cette réforme ?
- Et les Marchés Financiers
- CDD versus CDI
Comparaison n'est pas raison
Les comparaisons avec le marché du travail espagnol ou avec d'autres pays ne peuvent justifier la loi Travail:
- "Un rapport de l'Organisation Internationale du Travail parle d'un "effet de récupération" plus que d'un miracle espagnol."
- "Les chiffres du chômage sont partout sujet à caution"
- Le taux de chômage dépend aussi de la natalité, elle est désastreuse en Espagne et du nombre d'actif il y a beaucoup d’émigration chez nos voisins sudistes.
Mais les problème essentiels sont que "des facteurs exogènes interviennent toujours dans les comparaisons internationales mais surtout une corrélation n'implique un lien de causalité."
Les économistes qui sont pour
Pierre Cahuc économiste du travail explique à Marie Viennot que "la recherche en économie du travail [a] beaucoup évolué depuis 10 ans. Aujourd'hui, on ne fait plus des comparaisons internationales mais des recherches empiriques."
"Les études qui font autorité sont des études micro-économiques et empiriques sur des cas qui permettent de mettre en évidence des rapports de cause à effet".
- "Ces études montrent un lien de causalité entre une forte protection de l'emploi et la fluidité du marché du travail, fluidité que l'on mesure au volume d'entrées et de sorties du marché de l'emploi".
- "Deuxième enseignement, un effet à la hausse dans un premier temps des licenciements"
- "Troisième enseignement, à plus long terme, une augmentation du taux d'emploi."
Une étude américaine conclue "avec robustesse" que "Le taux d'emploi est supérieur de 0.8 à 1,7% dans les Etats sans protection, avec un effet plus fort encore pour les femmes et les moins qualifiés". "Mais dans son préambule, elle cite deux autres études sur le même sujet. L'une qui conclue à "pas de preuve statistique d'un effet", et l'autre à un effet beaucoup plus fort, et à un taux d'emploi supérieur de 3%". De plus "les résultats suggèrent que l'impact [peut] être différent d'un groupe à un autre [femmes et moins qualifiés]".
"Pourquoi tant de précautions" ? Selon Pierre Cahuc, "ces précautions sont liées au contexte, mais pas de doute à avoir selon lui, il existe des études empiriques qui trouvent des effets significatifs et ne prennent pas les mêmes précautions". "Il explique que pour la France, on n'a aucune évidence, mais le contexte du marché du travail français avec des salaires rigides à la baisse du fait du salaire minimum et des conventions collectives de branche laisse penser que les effets devraient être forts, plus forts qu'aux USA."
"A la question peut-on extrapoler les résultats de ces études micro-économiques, certains économistes disent oui (ceux qui soutiennent la loi) et d’autre non. La différence, c’est que les premiers croient que le marché du travail répond à des lois universelles, d’autres non. [...] La science économique est une science du jugement et une science sociale. Le problème, c'est qu'elle est utilisée aujourd'hui dans le débat comme une science dure, qui peut affirmer des vérités absolues." "Il serait bon que chacun assume les croyances qui l'amènent à penser que ce projet de loi est bon ou mauvais et n'utilise pas "l'économie", comme un argument d'autorité."
Pourquoi cette réforme ?
Les bénéfices de cette loi travail sont incertains et lointains mais "pourquoi [alors] cette réforme? Eviter une amende de 10 milliards d'euros?" Aux parlementaires PS, "le gouvernement a expliqué en substance : c'est pour faire comme nos voisins européens."
"Quand un pays ne respecte pas les critères de Maastricht, notamment un déficit inférieur à 3% du PIB, il peut avoir à payer une amende. La France est dans ce cas depuis 2009." "Etre dans une procédure pour déficit excessif, cela veut dire être sous surveillance, faire l'objet de rapport, d'analyses approfondies [...] et de recommandations, qu'il faut suivre. Depuis 2010 [...] ne pas suivre ces recommandations expose l'Etat membre à des sanctions financières entre 0,2 et 0.5% du PIB." "Le pacte de responsabilité et la loi Macron étaient des réponses à des recommandations faites précédemment." "En mai dernier, le conseil européen, c'est à dire les chefs d'Etat européens (ce n'est pas la commission qui décide), a recommandé une nouvelle fois à la France de mener cette réforme structurelle." Dans "un document de sept pages" le conseil européen énumère "une série de recommandations qui ressemblent à s'y méprendre au projet de loi initial."
Et les Marchés Financiers
"Les marchés financiers jouent aussi un rôle. Cette année, la France va leur emprunter 198 milliards d’euros. Pour le moment, ils nous font confiance. En échange de quoi? Des réformes, dont celle-ci."
Qui nous achète de la dette? "Un tiers de ces acheteurs sont français, un tiers de la zone euro, et un tiers du reste du monde." "En 2014, 46% des acheteurs nets d’obligations françaises (OAT) étaient des banques centrales et autres entités publiques, 19% des gérants de fonds, 18% des banques, 8% des assureurs, 1% des fonds de pension, 1% des fonds spéculatifs “hedge funds” et 7% d’autres types d’investisseurs." "Comme tout prêteur, ces investisseurs veulent être surs de retrouver leur mise, ils s’intéressent donc à la politique française." "Ils font confiance à la France. Les taux auxquels nous empruntons n’ont jamais été aussi bas, 0,45% en 2016 (pour la dette à moyen et long terme), contre 0,63% en 2015. "
"L’Agence France Trésor envoie régulièrement une équipe de fonctionnaires à travers le monde pour faire la promotion de la France comme bon investissement." "En 2014, elle a rencontré 224 investisseurs, deux fois plus qu’en 2011 et visité 32 pays", ils "s’intéressent aux réformes de fond qui peuvent soutenir la croissance de la France, [...] l’an dernier, ils ont beaucoup aimé la loi Macron".
"Mais à lire les analystes financiers qui donnent le LA sur les marchés, il manque toujours à la France une vraie réforme du marché du travail. Je l’ai lu dans quasi tous les commentaires des économistes de banques depuis 5 ans. Voilà le lien, cette réforme il fallait la faire aussi pour eux. Pas seulement pour leur plaire, mais parce que le fonctionnement de notre État dépend des marchés financiers. On va quand même leur emprunter 200 milliards d’euros cette année".
"On peut le regretter, le condamner, tant que la France fera financer son déficit par les marchés financiers, il n’y pas le choix. Ne plus avoir la confiance des marchés, c’est ne plus pouvoir emprunter, et potentiellement vivre à court terme ce qu’a vécu la Grèce. "
"Peu importe que le projet de loi travail connaisse des ajustement qui limitent sa portée, peu importe si la réforme est moins ambitieuse que prévu, ce qui importe c’est d’avoir laissé l’impression que la France réforme." "Les arguments utilisés par les fonctionnaires français pour persuader les investisseurs étrangers de “croire” en la France ne sont pas publics." "Dans une dite démocratie, cela me semble pourtant capital de savoir exactement ce qui est dit de notre politique économique actuelle et surtout de ses orientations futures (car les financiers exigent toujours de pouvoir se projeter dans l’avenir)."
CDD versus CDI
"La dualité du marché du travail français est un aspect récurrent du débat. C'est incontestable, il y a d'un côté des salariés ultra-flexibles, et d'autres moins. Mais tous les CDI ne sont pas des privilégiés, et la précarité est très inégalement répartie."
Les CDI à temps complet et horaires stables représentant 1/3 de l'emploi du secteur marchand.
Les CDI à horaires variables ou avec un temps partiel subi représente 42% du marché.
Les CDD et l'intérim représente 14% du marché contre 5% dans les années 80.
2/3 des CDD sont d'une durée inférieure à un mois et "86% des contrats proposés aujourd'hui sont à durée déterminée."
"La dualité n’est pas qu'entre CDD et CDI, elle est également entre travailleurs à haut bagage intellectuel et travailleurs peu formés."
"Les ouvriers et les employés non qualifiés représentent quasi la moitié des contrats précaire [...] Le taux de rotation des ouvriers a même été multiplié par 11 en 30 ans."
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