“The current account dilemma” (19 juillet 2011) de Michael Pettis professeur de finances à Pékin - traduction libre et accentuation par captainshortman. Si pour vous, le terme "compte courant" est du chinois, vous pouvez aller faire un tour rapide sur "Facile la balance des paiements".
Les pays créanciers sont inquiets. Leurs débiteurs semblent déterminés à prendre des mesures, ils déclarent vouloir diminuer la valeur de leurs dettes – au détriment, bien sûr, des créanciers.
Au cours des deux dernières années, nous sommes devenus accoutumés au spectacle du gouvernement chinois rappelant aux États-Unis, leur responsabilité à maintenir la valeur de l’énorme volume de bons du trésor américain que la banque centrale chinoise a accumulé. Plus récemment, nous avons entendu des plaintes en Allemagne sur la possibilité que des défauts au sein de l’Europe périphérique entraîneraient des pertes parmi les nombreuses banques allemandes qui détiennent des obligations grecques, portugaises, irlandaises, espagnoles ou d’autres états européens.
Dans les deux cas (et bien d’autres), il semble que les créanciers se sentent lésés, car après avoir fourni tant de financements utiles aux débiteurs indisciplinés, les créanciers vont se retrouver avec des pertes. C’est, déclarent-ils, quelque chose de terriblement injuste.
Pour moi, toute cette argumentation est plutôt surréaliste. Non seulement les créanciers inversent totalement la causalité du processus, et confondent les prêts discrétionnaires à l’étranger [selon la volonté des prêteurs] avec les politiques nationales de l’emploi, mais en plus, l’érosion de la valeur des dettes qui leur sont dues, est une conséquence presque certaine des politiques domestiques qu’ils ont poursuivi. En d’autres termes, c’est en grande partie les mesures dans les pays créanciers, qui détermineront si oui ou non la valeur de ces obligations doit se dévaluer en termes réels [inflation déduite].
Avant de vous expliquer le deuxième point, permettez-moi d’aborder le premier. Comme je l’ai soutenu à maintes reprises, l’accumulation d’obligations souveraines américaines par la Banque Populaire de Chine [BPdC, la banque centrale] et les portefeuilles gonflés d’emprunts, grecs, portugais et espagnols, au sein des banques allemandes, ne sont pas le fait de prêteurs désintéressés. Ils sont simplement la conséquence automatique des politiques des pays excédentaires qui peuvent très bien aller à l’encontre des intérêts des pays déficitaires.
Prenons le cas sino-américain. Les États-Unis ont plaidé pendant des années pour que la Chine augmente fortement la valeur de sa monnaie afin de rééquilibrer l’économie mondiale et faire baisser l’excédent des comptes courants chinois et, avec lui, le déficit extérieur américain.
La Chine a répondu qu’elle ne pouvait pas le faire sans causer d’énormes dégâts à son économie et que de toute façon le problème résidait dans l’inclinaison américaine à consommer. Pour cette raison, la Chine a continué d’accumuler des actifs en dollars américains. Comme elle a acheté des obligations de l’Etat américain, elle a été capable de générer plus d’emploi domestique en entretenant d’importants excédents commerciaux et les déficits extérieurs correspondants aux États-Unis. Rappelez-vous que les exportations nettes de capitaux sont tout simplement l’autre face des excédents commerciaux (ou, plus exactement, des excédents des comptes courants), et l’un exige l’autre. Si la Chine achète d’énormes quantités de dollars, les États-Unis doivent avoir un déficit commercial.
Quelle que soit l’argument qui vous semble le plus juste – que les déséquilibres soient principalement la faute des États-Unis ou plutôt celle de la Chine – comme l’accumulation chinoise de bons du Trésor américain a été la conséquence automatique de la politique chinoise à laquelle les États-Unis s’opposaient, il semble un peu étrange que les États-Unis devraient ressentir une obligation impérieuse à maintenir la valeur du portefeuille de la BPdC. Cela ne veut pas dire que les États-Unis ne devrait pas être préoccupée par l’inflation et la valeur du dollar mais seulement que les raisons de leurs préoccupations devraient être entièrement domestiques.
C’est la même chose avec l’Allemagne. La force de l’économie allemande au cours des dernières années a largement à voir avec ses succès à l’exportation. Mais pour que l’Allemagne entretienne un important excédent des comptes courants – la conséquence je dirais des politiques domestiques visant à réduire sa consommation et à subventionner sa production – l’Espagne et les autres pays périphériques de l’Europe ont du maintenir d’importants déficits extérieurs. S’ils ne l’avaient pas fait, l’euro se serait indubitablement réévalué, et avec cette hausse, la performance des exportations de l’Allemagne se serait effondrée. Les très faibles taux d’intérêt de la zone euro (fixé en grande partie par l’Allemagne) permirent que les pays périphériques engendrent effectivement, d’importants déficits commerciaux.
En d’autres termes, le financement par les banques allemandes des emprunts périphériques européens, était une partie nécessaire du contrat, de gré ou de force, conduisant à la fois à la réussite des exportations de l’Allemagne et aux problèmes de la dette des pays déficitaires. Si ces derniers se sont comportés stupidement, ils n’auraient pas pu le faire sans le comportement tout aussi insensé de l’Allemagne, et maintenant les deux groupes de pays – les pays excédentaires et les pays déficitaires – devraient faire face conjointement au problème de la dette.
Dans ce cas, il est étrange que les Allemands insistent pour que les pays périphériques s’acquittent d’un devoir moral à empêcher l’érosion de la valeur de ces prêts. C’est comme déclarer qu’ils ont une obligation morale à accepter une hausse du chômage afin que l’Allemagne puisse réduire le sien. Que ces pays fassent défaut ou dévaluent devrait être complètement fonction de leur intérêt national, et non d’une contrainte extérieure.
Mais au-delà du fait de savoir si oui ou non il y a une obligation morale pour les pays débiteurs à protéger la valeur des portefeuilles dont l’accumulation fut la conséquence des politiques que ces pays engagèrent, il y a une raison plus concrète qui explique pourquoi cela n’a aucun sens d’exiger des pays déficitaires qu’ils protègent la valeur des portefeuilles accumulées par les pays excédentaires. Cela a à voir avec la soutenabilité des politiques visant à générer des excédents commerciaux. Il s’avère que le maintien de la valeur de ces obligations est en grande partie la conséquence des politiques commerciales des pays excédentaires.
Pour expliquer pourquoi c’est le cas, laissez-moi encore une fois, suivre la pratique de ma lettre d’information du mois dernier, simplifions le sujet en appelant tous les pays excédentaires “Allemagne” et tous les pays déficitaires “Espagne”. L’Allemagne et l’Espagne ont mis conjointement en place des politiques garantissant que l’Allemagne génère un important excédent de la balance courante et que l’Espagne produise un vaste déficit du compte courant depuis de nombreuses années. Comme je l’ai soutenu il y a trois semaines, je pense qu’il est beaucoup plus probable que ce sont les politiques allemandes plutôt que les politiques espagnoles qui ont créé ces distorsions énormes, mais pour l’exercice, nous pouvons ignorer le sens de la causalité.
Tant que l’Allemagne produit pendant longtemps des excédents des comptes courants et que l’Espagne engendre les déficits correspondants, il est vrai, par définition, qu’il doit y avoir des flux nets de capitaux de l’Allemagne vers l’Espagne car l’Allemagne achète des actifs espagnols (ce qui inclut des obligations d’état) pour compenser les déséquilibres des comptes courants. Les comptes de capitaux et les comptes courants pour tous les pays et pour le monde dans son ensemble, doivent s’équilibrer à zéro.
Au temps ancien des pièces de monnaie -en or et en argent – cela signifiait que les pièces auraient été versées de l’Espagne vers l’Allemagne comme entrée compensatrice, ce flux créant bien sûr sa propre résolution. Moins d’or et d’argent en Espagne comparativement à la taille de son économie était déflationniste pour l’Espagne et plus d’or et d’argent en Allemagne était inflationniste, jusqu’au point où le taux de change réel entre les deux pays se serait ajusté suffisamment pour inverser les déséquilibres commerciaux en raison des variations dans les prix domestiques.
Les importants excédents et les importantes dettes extérieures ne pouvaient pas durer, parce qu’ils étaient limités par les avoirs en or et en argent des pays déficitaires. C’était à peu près une limite automatique – bien que dans les derniers siècles, cela put être étendu par des prêts en espèces des banques centrales – et la limite était assez ferme. Du temps des Habsbourg en Espagne, les découvertes apparemment infinies d’argent en Europe de l’est et dans les Amériques permirent à l’Espagne d’agir comme si elle avait une capacité infinie à conduire des déficits commerciaux. Mais bien sûr les sempiternelles guerres de religion et guerres dynastiques, qui semblaient tellement plaire aux Habsbourg, assuraient que les sorties d’argent soient assez élevées pour drainer les découvertes d’argent plutôt rapidement (en fait les nouvelles découvertes d’argent étaient presque toujours dépensées avant qu’elles ne soient effectivement livrées).
A la fin du 19e siècle, au cours de la période impériale, ce mécanisme d’ajustement fut renversé par un processus, fameusement décrit par l’économiste britannique John Hobson dans sa théorie de la sous-consommation. Hobson fit valoir que les centres impériaux sous-consommaient systématiquement et exportaient des quantités énormes de leurs épargnes à la périphérie coloniale, ce qui bien sûr leur permettait d’entretenir d’important et rentables excédents commerciaux vis-à-vis de la périphérie.
Cette exportation de monnaie, du centre vers la périphérie, fut considérée comme le principal mécanisme de l’exploitation coloniale. Même Lénine pensait ainsi, et écrivit à ce propos dans « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme ». « Le propre de l’ancien capitalisme, lorsque la libre concurrence régnait sans partage, », écrivit Lénine, « était l’exportation des marchandises. La caractéristique de la dernière étape du capitalisme, lorsque les monopoles règnent, c’est l’exportation des capitaux. »
Comme ils contrôlaient la périphérie, et comme les obligations étaient libellées en or ou en argent, les centres impériaux exportateurs de capitaux, n’avaient pas à s’inquiéter du souci du présent – le refus ou l’incapacité de la périphérie à rembourser les importations de capitaux. Ils « géraient » les économies coloniales et leurs systèmes d’impôts, et donc ils pouvaient s’assurer que toutes les dettes soient remboursées. Dans ce cas, les importants déséquilibres des comptes courants pouvaient persister aussi longtemps que la colonie avait des actifs à échanger. Les lecteurs assidus se souviendront que j’ai discuté de cela, dans un billet du blog début mai, en référence à un papier très intéressant de Kenneth Austin.
A suivre: Le dilemme du compte courant 2/2
Les pays créanciers sont inquiets. Leurs débiteurs semblent déterminés à prendre des mesures, ils déclarent vouloir diminuer la valeur de leurs dettes – au détriment, bien sûr, des créanciers.
Au cours des deux dernières années, nous sommes devenus accoutumés au spectacle du gouvernement chinois rappelant aux États-Unis, leur responsabilité à maintenir la valeur de l’énorme volume de bons du trésor américain que la banque centrale chinoise a accumulé. Plus récemment, nous avons entendu des plaintes en Allemagne sur la possibilité que des défauts au sein de l’Europe périphérique entraîneraient des pertes parmi les nombreuses banques allemandes qui détiennent des obligations grecques, portugaises, irlandaises, espagnoles ou d’autres états européens.
Dans les deux cas (et bien d’autres), il semble que les créanciers se sentent lésés, car après avoir fourni tant de financements utiles aux débiteurs indisciplinés, les créanciers vont se retrouver avec des pertes. C’est, déclarent-ils, quelque chose de terriblement injuste.
Pour moi, toute cette argumentation est plutôt surréaliste. Non seulement les créanciers inversent totalement la causalité du processus, et confondent les prêts discrétionnaires à l’étranger [selon la volonté des prêteurs] avec les politiques nationales de l’emploi, mais en plus, l’érosion de la valeur des dettes qui leur sont dues, est une conséquence presque certaine des politiques domestiques qu’ils ont poursuivi. En d’autres termes, c’est en grande partie les mesures dans les pays créanciers, qui détermineront si oui ou non la valeur de ces obligations doit se dévaluer en termes réels [inflation déduite].
Avant de vous expliquer le deuxième point, permettez-moi d’aborder le premier. Comme je l’ai soutenu à maintes reprises, l’accumulation d’obligations souveraines américaines par la Banque Populaire de Chine [BPdC, la banque centrale] et les portefeuilles gonflés d’emprunts, grecs, portugais et espagnols, au sein des banques allemandes, ne sont pas le fait de prêteurs désintéressés. Ils sont simplement la conséquence automatique des politiques des pays excédentaires qui peuvent très bien aller à l’encontre des intérêts des pays déficitaires.
Prenons le cas sino-américain. Les États-Unis ont plaidé pendant des années pour que la Chine augmente fortement la valeur de sa monnaie afin de rééquilibrer l’économie mondiale et faire baisser l’excédent des comptes courants chinois et, avec lui, le déficit extérieur américain.
La Chine a répondu qu’elle ne pouvait pas le faire sans causer d’énormes dégâts à son économie et que de toute façon le problème résidait dans l’inclinaison américaine à consommer. Pour cette raison, la Chine a continué d’accumuler des actifs en dollars américains. Comme elle a acheté des obligations de l’Etat américain, elle a été capable de générer plus d’emploi domestique en entretenant d’importants excédents commerciaux et les déficits extérieurs correspondants aux États-Unis. Rappelez-vous que les exportations nettes de capitaux sont tout simplement l’autre face des excédents commerciaux (ou, plus exactement, des excédents des comptes courants), et l’un exige l’autre. Si la Chine achète d’énormes quantités de dollars, les États-Unis doivent avoir un déficit commercial.
Quelle que soit l’argument qui vous semble le plus juste – que les déséquilibres soient principalement la faute des États-Unis ou plutôt celle de la Chine – comme l’accumulation chinoise de bons du Trésor américain a été la conséquence automatique de la politique chinoise à laquelle les États-Unis s’opposaient, il semble un peu étrange que les États-Unis devraient ressentir une obligation impérieuse à maintenir la valeur du portefeuille de la BPdC. Cela ne veut pas dire que les États-Unis ne devrait pas être préoccupée par l’inflation et la valeur du dollar mais seulement que les raisons de leurs préoccupations devraient être entièrement domestiques.
C’est la même chose avec l’Allemagne. La force de l’économie allemande au cours des dernières années a largement à voir avec ses succès à l’exportation. Mais pour que l’Allemagne entretienne un important excédent des comptes courants – la conséquence je dirais des politiques domestiques visant à réduire sa consommation et à subventionner sa production – l’Espagne et les autres pays périphériques de l’Europe ont du maintenir d’importants déficits extérieurs. S’ils ne l’avaient pas fait, l’euro se serait indubitablement réévalué, et avec cette hausse, la performance des exportations de l’Allemagne se serait effondrée. Les très faibles taux d’intérêt de la zone euro (fixé en grande partie par l’Allemagne) permirent que les pays périphériques engendrent effectivement, d’importants déficits commerciaux.
En d’autres termes, le financement par les banques allemandes des emprunts périphériques européens, était une partie nécessaire du contrat, de gré ou de force, conduisant à la fois à la réussite des exportations de l’Allemagne et aux problèmes de la dette des pays déficitaires. Si ces derniers se sont comportés stupidement, ils n’auraient pas pu le faire sans le comportement tout aussi insensé de l’Allemagne, et maintenant les deux groupes de pays – les pays excédentaires et les pays déficitaires – devraient faire face conjointement au problème de la dette.
Dans ce cas, il est étrange que les Allemands insistent pour que les pays périphériques s’acquittent d’un devoir moral à empêcher l’érosion de la valeur de ces prêts. C’est comme déclarer qu’ils ont une obligation morale à accepter une hausse du chômage afin que l’Allemagne puisse réduire le sien. Que ces pays fassent défaut ou dévaluent devrait être complètement fonction de leur intérêt national, et non d’une contrainte extérieure.
Les déséquilibres commerciaux conduisent aux déséquilibres de la dette
Mais au-delà du fait de savoir si oui ou non il y a une obligation morale pour les pays débiteurs à protéger la valeur des portefeuilles dont l’accumulation fut la conséquence des politiques que ces pays engagèrent, il y a une raison plus concrète qui explique pourquoi cela n’a aucun sens d’exiger des pays déficitaires qu’ils protègent la valeur des portefeuilles accumulées par les pays excédentaires. Cela a à voir avec la soutenabilité des politiques visant à générer des excédents commerciaux. Il s’avère que le maintien de la valeur de ces obligations est en grande partie la conséquence des politiques commerciales des pays excédentaires.
Pour expliquer pourquoi c’est le cas, laissez-moi encore une fois, suivre la pratique de ma lettre d’information du mois dernier, simplifions le sujet en appelant tous les pays excédentaires “Allemagne” et tous les pays déficitaires “Espagne”. L’Allemagne et l’Espagne ont mis conjointement en place des politiques garantissant que l’Allemagne génère un important excédent de la balance courante et que l’Espagne produise un vaste déficit du compte courant depuis de nombreuses années. Comme je l’ai soutenu il y a trois semaines, je pense qu’il est beaucoup plus probable que ce sont les politiques allemandes plutôt que les politiques espagnoles qui ont créé ces distorsions énormes, mais pour l’exercice, nous pouvons ignorer le sens de la causalité.
Tant que l’Allemagne produit pendant longtemps des excédents des comptes courants et que l’Espagne engendre les déficits correspondants, il est vrai, par définition, qu’il doit y avoir des flux nets de capitaux de l’Allemagne vers l’Espagne car l’Allemagne achète des actifs espagnols (ce qui inclut des obligations d’état) pour compenser les déséquilibres des comptes courants. Les comptes de capitaux et les comptes courants pour tous les pays et pour le monde dans son ensemble, doivent s’équilibrer à zéro.
Au temps ancien des pièces de monnaie -en or et en argent – cela signifiait que les pièces auraient été versées de l’Espagne vers l’Allemagne comme entrée compensatrice, ce flux créant bien sûr sa propre résolution. Moins d’or et d’argent en Espagne comparativement à la taille de son économie était déflationniste pour l’Espagne et plus d’or et d’argent en Allemagne était inflationniste, jusqu’au point où le taux de change réel entre les deux pays se serait ajusté suffisamment pour inverser les déséquilibres commerciaux en raison des variations dans les prix domestiques.
Les importants excédents et les importantes dettes extérieures ne pouvaient pas durer, parce qu’ils étaient limités par les avoirs en or et en argent des pays déficitaires. C’était à peu près une limite automatique – bien que dans les derniers siècles, cela put être étendu par des prêts en espèces des banques centrales – et la limite était assez ferme. Du temps des Habsbourg en Espagne, les découvertes apparemment infinies d’argent en Europe de l’est et dans les Amériques permirent à l’Espagne d’agir comme si elle avait une capacité infinie à conduire des déficits commerciaux. Mais bien sûr les sempiternelles guerres de religion et guerres dynastiques, qui semblaient tellement plaire aux Habsbourg, assuraient que les sorties d’argent soient assez élevées pour drainer les découvertes d’argent plutôt rapidement (en fait les nouvelles découvertes d’argent étaient presque toujours dépensées avant qu’elles ne soient effectivement livrées).
A la fin du 19e siècle, au cours de la période impériale, ce mécanisme d’ajustement fut renversé par un processus, fameusement décrit par l’économiste britannique John Hobson dans sa théorie de la sous-consommation. Hobson fit valoir que les centres impériaux sous-consommaient systématiquement et exportaient des quantités énormes de leurs épargnes à la périphérie coloniale, ce qui bien sûr leur permettait d’entretenir d’important et rentables excédents commerciaux vis-à-vis de la périphérie.
Cette exportation de monnaie, du centre vers la périphérie, fut considérée comme le principal mécanisme de l’exploitation coloniale. Même Lénine pensait ainsi, et écrivit à ce propos dans « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme ». « Le propre de l’ancien capitalisme, lorsque la libre concurrence régnait sans partage, », écrivit Lénine, « était l’exportation des marchandises. La caractéristique de la dernière étape du capitalisme, lorsque les monopoles règnent, c’est l’exportation des capitaux. »
Comme ils contrôlaient la périphérie, et comme les obligations étaient libellées en or ou en argent, les centres impériaux exportateurs de capitaux, n’avaient pas à s’inquiéter du souci du présent – le refus ou l’incapacité de la périphérie à rembourser les importations de capitaux. Ils « géraient » les économies coloniales et leurs systèmes d’impôts, et donc ils pouvaient s’assurer que toutes les dettes soient remboursées. Dans ce cas, les importants déséquilibres des comptes courants pouvaient persister aussi longtemps que la colonie avait des actifs à échanger. Les lecteurs assidus se souviendront que j’ai discuté de cela, dans un billet du blog début mai, en référence à un papier très intéressant de Kenneth Austin.
A suivre: Le dilemme du compte courant 2/2
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