Création monétaire, Euro, Zone Euro, politique budgétaire, politique monétaire, démocratie
Tout est relatif - Merome - On refait le blog | 2/09/2014
"Comment, dès lors, faire en sorte que la monnaie ne soit pas porteuse en elle-même d'un préjugé sur la valeur des choses dans le temps et dans l'espace ?
Grâce à deux règles de base :
1. La création de monnaie doit être uniformément distribuée à tous les membres
2. La création de monnaie doit être uniformément distribuée au cours du temps"
L'euro, une monnaie incomplète Michel Agliettta - 23/09/2014
"La crise de l'euro, dont nous payons encore les conséquences, vient de l'incomplétude de cette monnaie: nulle part dans le monde, le lien n'a été coupé entre la banque centrale et l'Etat souverain, comme c'est le cas dans la zone euro. Par Michel Aglietta, université de Paris Ouest et CEPII (dernier ouvrage : "Un New Deal pour l'Europe", co-auteur avec Thomas Brand, 2013, Odile Jacob). Extraits d'une note publiée par le think tank Terra Nova. "
- "L'incomplétude de l'euro au prisme de la nature de la monnaie
- L'Europe se caractérise par l'incapacité des pays à mener ensemble des politiques efficaces dans tous les domaines. Nous vivons dans un espace monétaire commun sans espace public, donc sans institutions qui pourraient animer une vie démocratique, source de coordination et de choix collectifs. C'est pourquoi on dit à juste titre que l'euro est une monnaie incomplète. Elle est commune aux agents économiques dans les échanges marchands, mais elle est étrangère aux États.
- La monnaie n'est pas une marchandise, c'est un contrat social. Car elle est le medium commun par lequel la collectivité qui en fait usage rend à chacun de ses membres dans l'acte de payer ce qu'elle juge avoir reçu de lui par son activité. Le système de paiements est donc le bien public qui valide l'utilité sociale de l'activité de chacun. La monnaie règle le mouvement des dettes qui font la cohérence quotidienne des sociétés organisées selon une multitude d'échanges séparés. Pour pouvoir régler des dettes, la monnaie a elle-même la nature d'une dette. C'est la dette ultime reconnue et acceptée par tous. On peut la définir comme la dette de la société dans son ensemble sur elle-même. Elle se différencie donc radicalement des dettes privées. En cela la monnaie est le bien commun par excellence.
La monnaie est donc le lien social le plus général. Elle appartient à tous ceux qui l'acceptent comme un bien commun indiscuté et indiscutable. Dans un monde où les collectivités humaines sont organisées en nations, elle fait partie de la souveraineté nationale. (...) - en Allemagne, la stabilité de la monnaie est bien plus qu'un objectif de politique économique. C'est un impératif catégorique de la Loi Fondamentale. La stabilité de la monnaie est constitutive d'un ordre social qui transcende le politique. C'est pourquoi elle doit être assumée par une institution indépendante.
- Il faut donc tenir les deux faces de la monnaie. La première est l'autonomie par rapport au pouvoir exécutif de l'Etat sous une charte conférée par le peuple souverain à travers la Loi Fondamentale en Allemagne, par le Congrès dépositaire de la souveraineté populaire aux Etats-Unis. L'autonomie par rapport à l'Etat ne peut donc pas s'interpréter comme une indépendance absolue.
- L'autre face est le lien organique de la monnaie et de l'État via la dette sociale.
- La dette sociale se distingue des dettes privées en ce qu'elle est la dette de chaque membre de la société vis-à-vis de la société tout entière. En effet tout individu, en tant que membre de la société, dispose au cours de sa vie des biens publics qui font la cohésion des sociétés
- La dette sociale est la contrepartie de ce capital collectif.
- Chaque membre de la société consomme les services du capital collectif. Cette dette est honorée par le flux des impôts dus par les individus adultes leur vie durant. La légitimité de l'impôt est la contrepartie de la reconnaissance du bien commun. Les impôts sont levés par l'État sous le contrôle du parlement en tant que puissance tutélaire de la société.
- La dette publique, c'est-à-dire la dette financière de l'État (au sens large), résulte d'un transfert intergénérationnel lorsque l'État décide de s'endetter pour produire les biens publics, donc de les financer par des impôts différés. Ce transfert intergénérationnel établit la cohésion de la société dans le temps. En effet, lorsque l'État investit en capital collectif, il élève la capacité de production future de la nation ; ce qui crée un surcroît de revenus futurs. Il s'ensuit que les générations futures qui bénéficieront de cette augmentation du capital collectif seront plus riches pour contribuer au remboursement de la dette publique grâce à laquelle l'investissement collectif a été financé. Il s'ensuit un lien organique entre l'État et la monnaie.
- Ces deux dimensions, la monnaie en tant que lien de confiance entre les citoyens et la monnaie en tant que medium dans lequel la dette sociale est honorée, font l'ambivalence de la monnaie. C'est l'ordre constitutionnel, garantissant à la fois le lien de confiance et la solvabilité de la dette sociale, qui définit la complétude de la monnaie
- L'euro est une monnaie incomplète parce que cet ordre constitutionnel est absent. La BCE est la seule instance fédérale dans un ensemble de nations qui ne sont unies par aucune constitution démocratiquement instituée. C'est une monnaie qui n'est pas adossée à une dette sociale reconnue dans le même espace. C'est pourquoi le statut de la banque centrale dans le traité intergouvernemental de Maastricht lui a interdit d'acheter la dette publique des pays membres.
- Cette règle unique au monde résulte du caractère contradictoire de l'organisation de l'union monétaire européenne. La BCE émet une monnaie commune aux citoyens des pays membres, mais étrangère à tous les États. Dans la première dimension la zone euro est plus qu'un régime monétaire international, parce qu'elle a une banque centrale et un système de paiements unifié. Mais dans la seconde l'euro est une monnaie étrangère à changes fixes pour tous les États. En effet, les pays de la zone euro sont privés du lien organique, qui existe partout ailleurs, entre la banque centrale et l'État souverain. Dans tout pays qui émet la monnaie dans laquelle la dette publique est libellée (donc si la dette publique n'est pas émise en monnaie étrangère) et dont l'État n'est pas défaillant, la dette publique est à l'abri du défaut, parce que l'État a la capacité ultime de monétiser sa dette, donc de la mettre hors marché. Cela résulte de la réciprocité du lien organique entre banque centrale et État. L'État est le garant ultime du capital de la banque centrale. La banque centrale est le prêteur en dernier ressort du système financier dont le pivot est la dette publique.
- La crise financière a eu des effets dévastateurs en zone euro parce que ce lien organique n'existait pas.
- Le rôle de la banque centrale, qui émet la dette fiduciaire dans laquelle toutes les autres dettes doivent pouvoir se convertir, est de contenir l'instabilité intrinsèque de la finance. Ce rôle a été reconnu depuis longtemps dans les crises financières qui jalonnent l'histoire du capitalisme sous la figure du prêteur en dernier ressort. Mais cela ne suffit pas. Parce que la monnaie de crédit a envahi les habitudes de paiements de toute la population, la finance doit être régulée. Dans le quart de siècle précédant la crise financière globale, une double illusion a régné : d'une part que la régulation pouvait être d'autant plus légère que la finance se développait ; d'autre part qu'elle pouvait se cantonner à une réglementation micro financière indépendante de la politique monétaire."
La zone euro doit faire face à la réalité Adair Turner - Project Syndicate | 8/09/2014
- "Pour éviter l'effondrement de la zone euro, il faut qu'elle échappe à l'ornière de la récession. Cela passe par l'augmentation des déficits budgétaires financés par l'argent de la BCE.
- la zone euro risque une ou deux décennies perdues de faible croissance, avec toutes les difficultés que cela entraînera.
- Jens Weidmann a offert le spectacle inédit d'un président de la Bundesbank appelant à une hausse des salaires. Mais les salaires n'augmenteront pas sans mesures de stimulation.
- Une diminution simultanée de la dette publique et de la dette privée ne peut que déprimer la demande et freiner la croissance. C'est ce qui explique que l'austérité dans la zone euro ne marche pas. Ainsi, plus brutalement le gouvernement italien coupe dans les dépenses ou augmente les impôts, plus grande est la probabilité que sa dette publique (qui représente déjà plus de 1,3 fois son PIB) augmente et atteigne un niveau insupportable.
- Sans hausse de la demande agrégée, a-t-il déclaré, les réformes structurelles pourraient se révéler inefficaces ; et une augmentation de la demande suppose qu'une stimulation budgétaire accompagne une politique monétaire expansionniste.
- Ils proposent une réduction d'impôt d'un montant égal à 5% du PIB dans tous les pays de la zone euro, financée par une dette publique à très long terme que la BCE pourrait acheter dans son intégralité. Selon eux, en l'absence de relâchement budgétaire, le relâchement monétaire (QE, quantitative easing) de la BCE à lui tout seul ne peut être efficace.
- comment le relâchement monétaire peut-il stimuler l'économie ?
- Pour la Banque d'Angleterre
- Il pousse à la diminution des taux d'intérêt à moyen terme, à l'augmentation du prix des actifs et incite les investisseurs à modifier leurs préférences dans la composition de leur portefeuille de manière à stimuler la demande.
- La stimulation budgétaire a un effet direct considérable sur la demande.
- La stimulation monétaire à elle seule a un effet moins immédiat et présente des inconvénients. Des taux d'intérêt bas sur la durée permettent à des entreprises en mauvaise situation de perdurer, ce qui freine la croissance de la productivité. L'augmentation du prix des actifs exacerbe les inégalités et la stimulation monétaire n'est efficace qu'en relançant la croissance du crédit privé qui est à l'origine du surendettement.
- Mais si la banque centrale doit procéder à des achats obligataires pour faciliter la stimulation budgétaire en évitant la hausse des rendements obligataires et en apaisant les craintes quant à la viabilité de la dette, cela ne revient-il pas au financement monétaire des déficits budgétaires ?
- La réponse dépend de ce que ces achats seront permanents ou pas.
- si la proposition de Giavazzi et Tabellini était adoptée, cela se traduirait presque certainement par une augmentation permanente du bilan de la BCE.
- Faut-il admettre explicitement cette possibilité à priori ?
- qu'est-ce qui empêchera à une autre occasion les dirigeants politiques et leurs électeurs d'exiger de la BCE qu'elle finance d'autres déficits plus importants et inflationnistes ?
- Les risques politiques sont considérables. La meilleure politique pourrait donc passer par un certain manque de transparence ; une "coordination" monétaire et budgétaire peut aussi inclure un financement monétaire permanent, mais sans le dire explicitement." [!!!]
Et si les banques centrales versaient de l’argent aux ménages - Libération | 27 août 2014
Mark BLYTH Economiste, professeur à la Brown University (Rhodes Island, Etats-Unis) et auteur de Austerity : The History of a Dangerous Idea, éd. Oxford University Press et Eric LONERGAN Gestionnaire de fonds, basé à Londres et auteur de Money, éd. Routledge
Quand des activistes occupaient Wall Street Irène PEREIRA - Nonfiction.fr | 23/09/2014
Récension de "comme si nous étions déjà libres" D. Graeber
Résumé : L'anthropologue David Greaber nous livre son analyse du mouvement Occupy Wall Street et offre une réflexion plus large sur la question démocratique.
Résumé : L'anthropologue David Greaber nous livre son analyse du mouvement Occupy Wall Street et offre une réflexion plus large sur la question démocratique.
- "Le premier chapitre de l'ouvrage constitue une source primaire écrite avec la précision de l’ethnographie, mais par un ethnologue en position cette fois d'acteur.
- Pourquoi le mouvement a pris
(...) Mais Graeber ne s'en tient pas à la divine surprise. Il cherche à analyser les conditions de possibilité du démarrage du mouvement. Pourquoi cette fois-ci cela a marché, alors que la plupart du temps cela ne prend pas ? - Graeber étudie également les événements qui ont conduit à la désagrégation du mouvement.
- Qu'est-ce que l'anarchie et la démocratie ?
- (...) souligne ainsi que les pères fondateurs et les révolutionnaires français ne se réclamaient pas de la démocratie. Pour les élites de l'époque, il s'agissait plutôt de mettre en place un gouvernement électif.
- Graeber, en anthropologue, attaque l'europeanocentrisme attaché à la notion de démocratie. Il souligne comment l'influence des institutions amérindiennes fédéralistes, pourtant connues par les rédacteurs de la Constitution américaine, a sans doute été invisibilisée. Il reproche à la pensée occidentale de faire de la Grèce athénienne le berceau de la démocratie, alors que pour sa part les pratiques démocratiques lui semblent repérables sous des latitudes et à des époques différentes. Il s'agit pour lui d'un mode relativement courant de résolution des conflits présents dans différentes sociétés non-européennes ou dans des groupes marginaux tels que les contre-société de pirates à l'époque moderne.
- Qu'est-ce que faire consensus ?
- analyser concrètement en quoi consiste une prise de décision au consensus.
- Il entend soulever les malentendus et répondre aux objections que suscite généralement cette pratique.
- distingue plusieurs configurations en particulier en fonction de la taille du groupe. Il souligne l'importance de se doter de règles formelles de prise de décision sans pour autant tomber dans le formalisme
- le plus important dans cette forme de prise de décision n'est pas l'unanimité, mais la formulation de synthèses créatives qui visent à rapprocher les différentes parties. Ainsi, la prise de décision au consensus n'exclut pas forcément en définitif le vote.
- reconnaît néanmoins que le temps accordé à la participation aux activités publiques suppose de changer le rapport de nos société au travail en accordant davantage de place dans l'existence humaine à d'autres types d'activités.
- l'auteur propose quatre axes pour essayer de provoquer une révolution du « bon sens » : la remise en cause du productivisme, un travail non-productiviste, la critique de la bureaucratie et la réappropriation de l'idée communiste."
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