Ce que j'ai lu, oct-nov 2020

« Ce serait une consolation pour notre faiblesse et nos œuvres si toutes choses devaient périr aussi lentement qu’elles adviennent ; mais il est ainsi, la richesse est lente, et le chemin de la ruine est rapide. » Sénèque

« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien en toi qu’en autrui, toujours comme une fin et jamais simplement comme un moyen. » Immanuel Kant

(Énergie) Nous sommes des homo sapiens sapiens qui n’ont cessé d’évoluer face aux pressions exercées par notre environnement. Les maladies, les famines, les prédateurs et les climats difficiles sont des régulateurs de l’évolution. Pour toutes les espèces, survivre est un but sans fin et la recherche d’énergie reste essentielle, tant pour se nourrir que pour se protéger. Alfred Lotka a démontré dans les années 1920 que l’évolution biologique dépend de cette énergie, bien qu’elle se tarisse de manière irréversible avec l’entropie. L’espèce humaine a dû faire preuve d’ingéniosité pour lutter contre ce phénomène inévitable en se fabriquant des outils, des technologies et des institutions économiques (ex. le troc, les marchés) lui permettant de gérer les ressources dont elle a besoin. L’économiste Nicholas Georgescu-Roegen fut le premier, dans les années 1970, à nous avertir que les systèmes socioéconomiques et la raréfaction énergétique (l’entropie, donc) sont intimement liés et déterminent les grandes phases de prospérité et de déclin des civilisations. Ces cycles s’appuient sur l’usage de ressources abondantes à certaines époques auxquelles se sont greffées des technologies capables de les transformer. Ces technologies sont nommées par l’auteur des « technologies prométhéennes », un terme faisant référence au titan Prométhée de la mythologie grecque ayant volé le feu aux dieux au profit des hommes.

(Nerf de la guerre, podcast) La question de l’énergie est l’une des plus essentielles de notre époque, et pourtant elle est souvent incomprise, ou même simplement mise de côté. Nos économies, nos sociétés, nos modes de vie, notre capacité à innover, les jeux géopolitiques…

(Chaud mortel) Les engagements pris en 2015 par les 195 pays parties prenantes de l’accord de Paris, dont 169 l’ont à ce jour ratifié, ne permettront que d’accomplir « approximativement un tiers » du chemin, préviennent les rapporteurs. À supposer que tous les États respectent l’intégralité de leurs promesses, parfois conditionnées à l’obtention de financements internationaux et de surcroît non contraignantes, la Terre s’achemine aujourd’hui vers une hausse du thermomètre de 3 °C à 3,2 °C à la fin du siècle.
[3 °C d’augmentation en moyenne sur la planète, c’est le double sur les continents…]

Changement de température d'ici la fin du siècle, Université de Stanford (2013)


(Capitalisme mode d’emploi I) Je place le profit et la profitabilité du capital au centre de mes analyses économiques. Et en particulier au centre des crises historiques rapprochées que nous connaissons depuis de nombreuses années. (…) Les économistes de l’establishment placent la demande au centre de leurs théories, car c’est socialement et politiquement plus acceptable. On veut faire croire aux gens que le système produit pour satisfaire les besoins alors qu’en fait il produit pour le profit et que la satisfaction des besoins ne vient qu’au second plan : la preuve quand un besoin existe, mais que sa satisfaction ne procure pas de profit, il n’est pas satisfait. On le voit avec la santé en ce moment. (…) Autre preuve : les gaspillages de produits et denrées parce que leur production ne rapporte rien.. Autre preuve les mises au chômage de machines et de personnes pourtant en état de produire, simplement parce que ce qu’elles produisent n’est pas rentable. (…) Un régime capitaliste c’est à dire en régime d’accumulation de capital pour le profit (…) La Loi de Rentabilité en est une. Elle dit qu’il y a une tendance à la baisse du ratio de profitabilité du capital ; c’est à dire une tendance de fond à l’insuffisance du profit en regard de la masse de capital accumulé. (…) Il y a en quelque sorte trop de monde à table pour le gâteau/profit. La loi de la rentabilité nous dit que la logique du système conduit à un excédent de capital a rentabiliser en regard de la masse de profit disponible. Donc le ratio du profit divisé par la masse de capital a tendance à s’éroder. (…) La théorie du capital nous dit que les capitalistes se font concurrence pour augmenter/maximiser leurs profits et gagner des parts de marché, elle nous dit qu’ils essaient de battre leurs concurrents en réduisant les coûts, en particulier les coûts de main-d’œuvre. Ils investissent, dans les outils, les machines et la technologie pour réduire la main-d’œuvre. Les investissements constituent une fuite en avant obligatoire pour remplacer les travailleurs. La masse de capital qu’il faut mettre en œuvre augmente sans fin. Mais comme il n’y a de création de valeur que par le travail, parce que les machines et la technologie ne sont que du travail cristallisé, la nouvelle valeur-travail ne cesse de chuter. C’est bien connu c’est une conséquence de la productivité. La valeur d’une production dépendant de la force de travail incorporé, il y a une tendance à la baisse de la nouvelle valeur et en particulier baisse de la plus-value par rapport à l’augmentation des investissements en machines et installations. L’investissement en machines et installations s’appelle le capital constant. Avec le temps, il y a une augmentation inexorable du capital constant par rapport à la dépense en travail (capital variable) c’est-à-dire une augmentation de la composition organique du capital. Cette tendance pourrait être contrecarrée si les capitalistes trouvaient le moyen de hausser le taux d’exploitation de la main-d’œuvre employée : les payer moins et les faire produire plus. C’est ce qu’à réussi le néo libéralisme. Il a trouvé un moyen, des moyens de s’opposer à la loi de la rentabilité, à la tendance à la baisse du taux de profitabilité. Pour cela il a mis en place une stratégie globale dont les éléments sont complémentaires ; financiarisation, dérégulation, mise au travail des femmes, robotisation, confiscation de la productivité, délocalisation, immigration, création d’une armée de réserve des salariés pour peser sur les salaires.

(Capitalisme mode d’emploi II) Il ne s’agit pas ici de proposer une critique édifiante qui dénoncerait le cynisme des dirigeants de ces firmes qui font le contraire de ce qu’elles revendiquent. Certains sont cyniques bien sûr, mais ils n’ont surtout pas le choix. Leur comportement est dicté par les nécessités des structures capitalistes dans lesquelles ils évoluent. Ils sont contraints de délocaliser si leurs concurrents le font, de produire moins cher (et moins propre) pour rester dans la course, et in fine d’obéir au seul impératif d’une société capitaliste : offrir le meilleur retour sur investissement à ses actionnaires. Lesquels actionnaires ne sont pas non plus des êtres abjects, ce sont les fonds de pension qui font au mieux leur travail pour assurer les retraites des Américains ou encore des banques qui essaient de proposer les meilleurs rendements à leurs clients épargnants. Aller à l’encontre des règles du jeu c’est sortir du terrain et laisser sa place à un joueur plus docile. Quant au besoin de croissance du PIB, il est intimement lié à l’acceptation du cadre capitaliste. C’est la perspective de croissance des profits qui incite à l’investissement, qui permet ensuite la production puis la création d’emplois, la consommation, etc. Sans croissance du PIB, tout le système se grippe.

(Capitalisme mode d’emploi III) La sortie par le haut technologique pour éviter le rattrapage et maintenir la domination de l’oligopole des pays riches a buté sur l’épuisement des capacités d’innovations radicales. En outre les innovations les plus avancées, liées à l’intelligence artificielle détruisent plus d’emplois qu’elles n’en créent et posent des problèmes sociaux dans les pays riches. (…) Simultanément les possibilités de croissance matérielle se sont évanouies, et plus généralement, c’est la fin de la croissance matérielle. Le rythme de croissance des pays riches se réduit tendanciellement de manière continue depuis les années quatre-vingt, ceci en dépit de la libéralisation financière qui était censée permettre l’optimisation mondiale de l’allocation du capital, des investissements ; cette libéralisation a surtout permis l’essor d’innovations financières, de l’optimisation fiscale et fait la fortune des paradis fiscaux, toutes évolutions qui ont amené à la crise financière de 2008. Mais pire encore peut-être, la croissance matérielle a peu à peu épuisé les ressources de la planète Terre et les effets externes de cette production devenue ultra massive, à savoir les émissions de gaz à effet de serre et pollutions diverses, mettent en danger l’habitabilité de la Terre pour les générations futures. Il faudrait éviter à tout prix que le reste du monde, le monde non anciennement industrialisé, s’industrialise de la même manière que le fit l’ancien, car s’il exploitait autant la planète que celui-ci, la situation virerait à la catastrophe.

(Nombrilisme) Nous traitons des données dans un monde infiniment complexe. Les gens ont peur, ils s’accrochent à leurs modèles de ce qui est vrai ou faux et de cette façon, ils se détournent des traitements complexes. (…) C’est le sentiment que je me suis forgé à partir de l’analyse de toutes sortes de données et d’un tas d’expériences. Je n’ai pas toujours vécu en Europe, j’ai vu les choses changer et j’ai vu comment le désir de progrès matériel a grandi à travers le monde. Nous avons créé tous ces modes de vie à fort impact carbone. De nombreuses personnes, climatologues et écologistes, vivent dans leur bulle européenne. Ils ne comprennent pas les centaines de millions de gens qui tentent de joindre les deux bouts et qui, pour l’instant, ont besoin des combustibles fossiles pour le faire. Je ne vois pas les choses changer.

(L’éléphant dans le magasin de porcelaine, en anglais) Vers 2005, la Chine a dépassé les États-Unis pour devenir le plus grand émetteur du monde, sous l’impulsion d’une révolution industrielle sans précédent dans le monde. Entre 2000 et 2012, la Chine a doublé la production mondiale d’acier. Aujourd’hui, elle émet plus de dioxyde de carbone que les États-Unis et l’UE réunis. (…) Avec des émissions par habitant relativement similaires, les émissions totales de l’UE représentent moins d’un tiers de celles de la Chine. À moins que le 14e plan quinquennal de la Chine ne marque une rupture immédiate avec la trajectoire actuelle, et que l’UE n’aille de l’avant avec la décarbonation, les émissions de la Chine d’ici 2030 - date à laquelle elles sont censées avoir atteint leur maximum - pourraient être quatre ou cinq fois supérieures à celles de l’Europe. (…) La ville de Pékin produit à elle seule plus d’émissions que 19 membres de l’UE. (…)
Les défis techniques vraiment difficiles se situent ailleurs, surtout dans les industries lourdes, qui sont très majoritairement concentrées en Chine. Jamais depuis la révolution industrielle, la production mondiale de l’industrie lourde n’a été aussi concentrée dans un seul pays. En 2019, la Chine a produit six fois plus d’acier que l’UE. Elle produit huit fois plus d’aluminium. Les entreprises suisses et françaises sont des acteurs majeurs sur le marché mondial du ciment, mais la Chine produit 58 % de tout le ciment dans le monde. Nous n’avons actuellement aucune solution technologique pour la décarbonation de ces procédés. (…)
La source d’émissions de CO2 qui croît le plus rapidement n’est plus la Chine, mais ce qui est communément appelé le « reste du monde ». C’est surtout en Asie - en Inde, au Bangladesh, en Indonésie - que des décisions doivent être prises en matière de croissance économique et d’infrastructures. Actuellement, la Chine finance les projets d’infrastructure et d’énergie de 126 États dans le monde. Et ses projets s’engagent sur une voie désastreuse en termes d’intensité de carbone.
Si les projets actuels des « nouvelles routes de la soie » devaient être réalisés, cela ne changerait rien au fait que le reste du monde respecte ses engagements de Paris - la planète serait condamnée à un réchauffement de près de trois degrés. Bien sûr, il y a des intérêts industriels lourds en Chine qui favorisent l’exportation de technologies polluantes et qui pourraient le faire encore plus si elles sont sous pression sur les marchés intérieurs. Mais si Pékin est sincère sur la question de la neutralité carbone, il serait peu judicieux de continuer à financer le développement à forte intensité de carbone à l’étranger.

(L’éléphant dans le magasin de porcelaine II, en anglais) Ce dont la politique climatique occidentale et chinoise a besoin, c’est d’un pacte de stabilisation qui implique non seulement l’Inde, mais aussi d’autres grandes économies de marché émergentes comme le Brésil et l’Indonésie, de futurs géants démographiques comme le Pakistan et le Nigeria et les grands producteurs de charbon, de pétrole et de gaz comme l’Australie, le Canada, la Russie et les États du Golfe. (…) L’année dernière, 126 pays étaient impliqués dans les « nouvelles routes de la soie ». À l’époque, ces pays représentaient les deux tiers de la population mondiale, 23 % du PIB mondial et environ 28 % des émissions mondiales de carbone. Ils abritent également 75 % des réserves mondiales connues de combustibles fossiles. S’ils continuent sur la voie de la croissance à forte intensité de carbone modélisée par la Chine tandis que le reste du monde procède à la décarbonation, le résultat d’ici 2050 serait que les clients chinois des « nouvelles routes de la soie » seraient responsables de 66 % des émissions mondiales. La fumée des éructations de leurs centrales électriques suffirait à elle seule à entraîner le monde dans un scénario de réchauffement de 3 degrés. (…) Pour aligner les 126 membres du système sur un scénario de 2 degrés tout en leur permettant de réaliser un développement économique et industriel, il faudrait, selon une série d’estimations, un investissement de 11 800 milliards de dollars d’ici 2030. C’est gigantesque, mais après le choc COVID, ce n’est peut-être plus tout à fait inimaginable. La réponse budgétaire mondiale cumulée à la pandémie de cette année est estimée à 7 000 milliards de dollars.

(Climat, pauvreté et lutte finale) La croissance mondiale ne cesse de ralentir et elle va, selon tous les modèles, continuer de ralentir. Les prévisions ne trompent pas. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que l’on va produire moins de richesses (…) la période de transition [énergétique] va nous obliger à mettre au rebu et à déclarer obsolète une fraction considérable de notre appareil de production de richesses. Cela signifie que des choses qui étaient amorties sur longue durée vont devoir être passées en coûts, c’est à dire en perte. C’est un appauvrissement considérable (…) dans le même moment, il va falloir remplacer les installations, les équipements anciens par des équipements neufs qui vont coûter extrêmement cher et nécessiter des investissements financiers considérables. Si vous mettez tout ceci bout à bout, la simple logique vous conduit à penser que la production de richesses va ralentir, qu’il va y avoir une grosse destruction de richesses anciennes et qu’en même temps, il va falloir mettre de côté et réserver des richesses considérables pour investir dans la constitution d’un appareil de production moins destructeur de la planète. Mettez tout cela à la sauce que vous voulez, tripatouillez le tout, vous n’échapperez pas à la conclusion qui s’impose, les vraies richesses disponibles au cours des années et des décennies à venir vont être considérablement réduites. La lutte sur le partage du revenu mondial va s’exacerber ; la lutte pour le partage des revenus domestiques dans chaque pays va elle aussi devenir féroce.

(Boire ou conduire il faut choisir) Si nous devons baisser les émissions de 6 % par an, mais que le gain sur les émissions par euro de PIB plafonne à 1,5 % par an, cela signifie… un PIB qui baisse de 4,5 % par an en moyenne. Adieu pouvoir d’achat et retraites !

(Capitalisme mode d’emploi IV) Le juriste Alain Supiot (…) défend que « le capitalisme s’est appuyé sur différents montages juridiques pour développer une marchandisation de tout ce qui pouvait revêtir une valeur financière, y compris le travail : la notion de marché du travail repose ainsi sur une fiction juridique, que l’on a de plus en plus tendance à prendre pour une réalité ». (…) Alain Supiot appelle cela le « Marché total ». Érigé en valeur péremptoire, ce totalitarisme féconde une culture de la concurrence à laquelle il est difficile d’échapper. « La rivalité est le fondement de l’économie de marché », rappelle François Lévêque, professeur d’économie à Mines Paris Tech. (…) La productivité impose son rythme, ses mutations. Une personne créant sans produire de valeur mercantile, autrement dit insuffisamment productive, meurt donc sur le marché, déclarée inutile à la société. (…) Le capitalisme l’a compris : pour se perpétuer, il ne peut se contenter de rester confiné en entreprise et de se déployer dans la sphère économique. Il doit tout modeler : le travail, le temps, les mentalités et les mots. Il en va de sa survie.

(Capitalisme mode d’emploi V) [En] 2019, moins d’un pour cent de la population anglaise possède plus de la moitié des terres du pays. Quels changements 100 ans de suffrage universel ont-ils produit ? (…) Le rapport de 2018 du laboratoire sur les inégalités mondiales révèle qu’un pour cent des salariés les plus aisés a capté deux fois la croissance économique touchée par les 50 % les moins aisés entre 1980 et 2016. (…) Adam Smith [père fondateur de la science économique, en] 1776. « Nos marchands et nos maîtres-fabricants se plaignent des effets notoires de salaires élevés », remarqua Smith, mais « ils ne disent rien des effets pernicieux de leurs propres gains ». Il décrivit ceux qui « emploient les capitaux les plus conséquents » et « les vendeurs dans quelque branche du commerce que ce soit, ou les fabricants » comme « un ordre d’hommes dont l’intérêt n’est jamais exactement le même que celui du public, et qui ont généralement intérêt à tromper et même à opprimer le public, et qui donc l’ont, à bien des occasions, à la fois trompé et opprimé ». (…) Une avidité si extrême qu’elle préfère l’apocalypse à la réduction des profits : voici la conjoncture où notre civilisation est arrivée. C’est dire que nous avons atteint non la civilisation, mais la barbarie. (…) Là où la propriété privée s’est accumulée dans les mains de quelques-uns et a pu exercer une influence indue sur les systèmes politiques, l’avidité détermine le cours de l’économie, de la politique, et même du climat. Une telle avidité n’est ni accidentelle ni inévitable ; elle est le résultat de failles généralisées et systématiques dans la forme démocratique. Malgré le suffrage universel, l’aristocratie de la richesse a été autorisée à dominer l’humanité. Des niveaux extrêmes d’inégalité économique, d’inégalité politique, et de destruction de l’environnement ont déjà déterminé la forme prise par le XXIe siècle. Ce sont les effets de notre échec à accomplir la démocratie. Les nombreuses nations du monde vont soit retirer la Charte des oligarques – et produire une démocratie réelle – soit creuser la tombe de l’ordre démocratique et du monde naturel.

(Capitalisme mode d’emploi VI et médicament ?) Guy Debord dans La Société du Spectacle (1967), « Le spectacle est le moment où la marchandise est parvenue à l’occupation totale de la vie sociale. Non seulement le rapport à la marchandise est visible, mais on ne voit plus que lui : le monde que l’on voit est son monde. » (…) Comme le montre bien Clouscard, un des ressorts majeurs du capitalisme est la séduction, et résister à la façade de séduction est possible à condition d’en être pleinement conscient. Pour briser nos chaînes, il faut prendre conscience d’être enchaîné. On peut d’ailleurs aller plus loin que Clouscard et voir que c’est précisément la nature infinie du désir de chaque être humain, qu’il vive dans une société capitaliste ou non, qui rend l’accumulation dangereuse en soi. Aristote et sa dénonciation du vice de la πλεονεξία (« pléonexie », « volonté d’avoir toujours plus »), Marx et sa description de l’expansion capitaliste et René Girard et son analyse du mimétisme concordent là-dessus. (…) Aristote parle donc à juste titre dans l’Éthique à Nicomaque d’éduquer les pulsions et les passions, de les éduquer à ne désirer que ce qui est pour notre bien et le bien de la πόλις (« la cité », « la communauté »). Et appliquer cette éducation, cette praxis, non seulement dans nos vies propres, mais également et surtout dans les formes sociales dans lesquelles nous vivons, de manière à recréer des zones affranchies de la logique marchande du désir incontrôlé. Et ainsi opposer à l’éthique du consommateur la cohérence de l’éthique des producteurs, pour reprendre les mots du philosophe Georges Sorel. Cet engagement (προαίρεσις) ne s’accomplit pas en un claquement de doigt (…) le capitalisme a explosé après le consensus de Washington, il est maître de la planète, des humains, de leur destin, avec une opposition de plus en plus faible, numériquement et psychologiquement. Qui, à part quelques bourgeois de classe intermédiaire, éduqué, frustré par la panne de l’ascenseur social, conteste le capitalisme. Les GJ contestaient l’inégalité produite par le capitalisme. Ils ont eu le plus grand mal à adhérer à une vision structurelle, un lien économico-politique entre les différentes sortes de violences et de privations qui leur sont infligées, mis à part quelques éveillés. (…) « C’est la nature et l’étendue de cette consommation qui fait de nous des capitalistes ». Non, c’est l’étendue de l’exploitation, le salariat, la subordination et l’argent investi qui appellent le profit, qui veut développement, investissement, dans un cercle sans fin. (…) Le monde capitaliste produit des objets et de l’imaginaire, bien plus vite que ses contempteurs ne fondent des discours et des images pour le combattre. Comme il s’aperçoit qu’il est en récession économique – baisse tendancielle du taux de profit -, que ça se voit, que ça grippe et dope les groupuscules anti-capitalistes et la masse des frustrés, des coléreux qui veulent plus sans trop savoir de quoi, il sort le plan B. La violence des États qui s’accroit dans le monde entier. Mais ça aussi, c’est une barrière ancienne qui ne signifie aucune fin, aucun état critique du capitalisme. Ce sont les banques qui ont prolongé la guerre d’Algérie pour faire du profit. (…) Le capitalisme, comme l’a dit d’ailleurs Debord, comme l’a illustré P.K. Dick et tant d’autres, génère sa contestation interne dont il fixe les limites. S’éduquer à refuser le capitalisme c’est choisir entre les poubelles jaunes et bleues. La seule chose que nous pouvons développer c’est le discernement et la sauvagerie. Refuser sauvagement dès qu’on sent quelque chose du capital, en tous domaines. Et rester vigilant dans l’attente du moment où la planète va dire stop, le moment où tous les exploités seront dos au mur, réellement.

(Capitalisme mode d’emploi VII : des jeux, des prolétaires et  des lambeaux) La consommation s’est emparée de notre environnement extérieur, notamment de notre milieu urbain, en proposant des « moyens de divertissement » de façon plus récurrente et plus fréquente au fil des années. Nous avons cru ainsi trouver une nouvelle source d’occupation, mais c’est dorénavant ces mêmes loisirs (smartphones, réseaux sociaux, Netflix, Amazon) qui n’ont de cesse de nous stimuler jusque dans nos foyers. Ayant été habitués à être divertis sans effort, nous nous sommes habitués à rester chez nous ou à sortir en ville avec l’intime conviction que nous sommes destinés à être « occupés » par cette société de consommation. Le temps dédié à soi (au travers de l’ennui et de la réflexion), à l’autre (par le partage et le dialogue) ou à la nature (en silence et en pleine conscience) n’existe plus ou quasiment plus. La société de consommation laisse peser un sentiment de culpabilité sur ces rares instants de latence, pourtant nécessaires à l’équilibre mental et psychologique de tout être humain. (…) Baudrillard explique que l’individu est cerné par un « système de besoins », lui-même assouvi par un « système de productions » qu’il ne maîtrise pas et dont il est dépendant socialement, économiquement et politiquement parlant. Le système n’est pas vertueux par essence : la théorie de la croissance, au-delà de sa contradiction physique sur le plan des ressources planétaires, s’appuie par son organisation structurante sur un phénomène de paupérisation d’une partie de la société. Grossièrement dit, pour fonctionner, notre société est vouée à avoir un quota de pauvres, un socle de pauvreté qui permet la réalisation de notre système de croissance productiviste. (…) La prise en compte de l’urgence climatique, de l’absurdité de notre modèle de consommation, et la nécessité d’une reconnexion au vivant peut nous éclairer et nous orienter vers un nouveau destin. Nous autres homo economicus, détruisons le seul et unique bateau sur lequel nous naviguons maintenant depuis 2 millions d’années. Ce bateau, certes tanguant, ne craint rien du passage de l’homme à son bord, car il navigue depuis 4,5 milliards d’années et ne compte pas finir son périple de sitôt. L’être humain, au contraire, va voir sa situation et son environnement se dégrader de manière exponentielle lors des prochaines décennies. Le socle de pauvreté, sur lequel nous avons bâti notre système de production, va toucher de plus en plus d’individus et voir sa taille s’élargir de façon évidente. Cette baisse du « pouvoir d’achat », expression tant chérie par notre société, va nous mettre en face de nos responsabilités, générant de nouvelles crises d’ordre sanitaire, mais aussi des famines et des guerres (qui sont, par ailleurs, déjà présentes dans d’autres régions du globe).

(Ignorance ou urgence émotionnelle, en anglais) L’intelligence collective de la société occidentale actuelle est comparable à celle d’un enfant de cinq ans. La société, comme les enfants, fonctionne principalement sur un mode émotionnel. Les choses sont soit ignorées, soit elles prennent toute l’attention, et la durée d’attention est très courte. Donc, soit notre société ignore les problèmes, soit elle se met en plein « mode urgence ». C’est un interrupteur, il est soit allumé, soit éteint. Nous avons vu le passage en mode d’urgence avec la pandémie COVID-19. C’était une perturbation mineure, mais elle a été amplifiée par les médias au point que la société occidentale est entrée en pleine panique. Cela a généré le besoin d’agir, un comportement typique des êtres humains qui a même un nom : « biais d’action ». Nous avons tendance à penser que « faire quelque chose » est toujours mieux que ne rien faire, même s’il n’y a aucune preuve qu’une certaine action sera efficace pour résoudre le problème. C’est un problème typique de la médecine où les médecins ont tendance à réagir de façon excessive avant d’avoir suffisamment de données. Dans le cas des pandémies COVID, la société a réagi en agissant sur les problèmes, se débarrassant soudainement de toutes les préoccupations concernant les droits de l’homme, l’économie et le bien-être des personnes. Sans parler de la négligence d’autres pathologies, bien plus mortelles encore que la COVID-19 elle-même. Ce comportement a été poussé par une intoxication collective qui voyait le virus comme une menace existentielle à combattre par tous les moyens imaginable, quelles qu’en soient les conséquences négatives. Un parti pris pour l’action, en effet. Un tel passage à l’urgence ne s’est jamais produit pour le changement climatique, du moins jusqu’à présent. Il n’est pas évident qu’il se produira un jour : le changement climatique se produit lentement et la société est tout simplement incapable de réagir à tout ce qui n’est pas directement détectable sur une échelle de temps inférieure à quelques mois. Mais que se passerait-il si, soudainement, nous voyions le changement climatique traité avec la même demande frénétique de « faire quelque chose » que celle que nous avons vue avec la pandémie ? Si cela devait se produire, nous assisterions probablement au même type d’intoxication collective que celle que nous avons connue pour le virus et aux tentatives désespérées de faire quelque chose, quoi qu’il arrive, et au diable les conséquences. Les miroirs de Tao pourraient être considérés comme la baguette magique qui dissipe le réchauffement climatique, mais il existe d’autres moyens qui pourraient être utilisés en parallèle. Fertiliser l’océan avec de l’oxyde de fer, lancer des bombes nucléaires dans la caldeira des volcans actifs, ou se débarrasser de la plus grande partie de l’humanité (ce n’est pas une solution que je propose !!). L’important est de faire quelque chose, de faire quelque chose, de faire quelque chose. Un parti pris pour l’action, en effet.

(Une société sage, en anglais) Que ferait une société sage ? Une société sage choisirait une douleur à court terme en échange d’une douleur future beaucoup moins importante. Une société sage comprendrait que les fondations de la falaise qu’elle escalade s’effritent et qu’elle devrait commencer à descendre pour réduire les dommages futurs. Une société sage se déplacerait lentement et délibérément en descendant pour éviter de tomber. Une société sage utiliserait certaines des techniques suivantes pour descendre:…

(Des outils de la domination) Le problème est plutôt que l’argent permet, à ceux qui en disposent, de dominer le champ des idées politiques et des politiques publiques (notamment en ce qui concerne leur dimension économique). Certes, le financement des campagnes fait partie du problème, mais le véritable enjeu est ailleurs : de fait, l’argent détermine qui a droit au chapitre, quels problèmes sont abordés, et quelles politiques publiques sont envisageables. L’influence de l’argent n’est donc pas à chercher dans de simples quid pro quo (où telle ou telle personne en paierait une autre, en échange de faveurs politiques), mais dans le fait qu’il structure le débat en contrôlant l’accès à l’arène politique. Il s’agit là d’un pouvoir déterminant, puisqu’il décide des candidats, des thèmes qu’ils abordent en priorité, et de la manière dont ceux-ci sont traités. (…) Le pouvoir des lobbies et des « think tanks » : les élus sont des gens très occupés ; ce sont aussi des généralistes, dont les ressources en personnel sont limitées. Si bien qu’au bout du compte, ils dépendent énormément de l’information que leur transmettent les lobbies. Et ceux-ci, en leur faisant parvenir des dossiers et en négociant des alliances à leur place, leur facilitent grandement la tâche. On peut voir là une sorte de « subvention législative », dont le résultat serait que les élus se soucient plus de l’intérêt des lobbies que de celui des électeurs. Et comme tout le monde dans la cité n’a pas les mêmes moyens, les politiques publiques tendent donc à favoriser ceux qui peuvent se permettre d’embaucher de tels soutiens. Le but de ces think tanks n’est pas tant de développer un point de vue expert sur tel ou tel problème, mais de développer des projets de politiques qui s’accordent avec leur position idéologique. (…) Les médias : L’accès aux médias est une troisième dimension de la vie politique où l’argent joue un rôle déterminant, ne serait-ce que parce que les médias recherchent le profit – un objectif difficilement compatible avec leur autre fonction, qui est de fournir un bien public. (…) priver les citoyens d’informations locales qui sont pourtant essentielles, et de les entraîner dans les disputes partisanes qui sont caractéristiques du débat national. De telles disputes partisanes représentent le fonds de commerce de chaînes comme Fox News ou MSNBC, qui traitent ces conflits politiques comme une forme de divertissement. Hélas, une telle programmation désintéresse de la politique ceux qui n’en sont pas déjà passionnés, et encourage une focalisation sur des questions symboliques et polémiques, aux dépens des problèmes économiques et sociaux qui touchent au bien-être des Américains, et notamment des plus pauvres.

(Ordre mondial, ordre social) Depuis l’avènement des sociétés industrielles, et plus encore depuis l’après Seconde Guerre mondiale, la capacité à mobiliser des ressources, et plus encore des ressources énergétiques, s’identifie presque parfaitement à l’influence sur la scène politique globale. Le charbon et le pétrole sont non seulement les premiers moteurs d’une capacité productive qui doit engendrer de hauts niveaux de consommation et une relative pacification des rapports de classe, mais aussi les enjeux de projections transfrontalières de pouvoir destinées à sécuriser un approvisionnement continu et à bas prix. L’ordre politique issu de la Seconde Guerre mondiale, totalement obsédé par la recherche de la stabilité (à défaut d’une véritable paix) après l’épisode du fascisme, a trouvé dans le déploiement des forces productives un instrument d’une puissance inégalée, qui permet à la fois d’apaiser les tensions internes aux sociétés industrielles et de maintenir le statu quo entre ces nations et les nouveaux acteurs issus de la décolonisation. C’est cette dynamique historique qui explique les réticences à suivre la voie d’une révolution écologique. (…) L’histoire de la question sociale. Même si ce sont des choses que l’on n’aime pas toujours rappeler, l’édification des systèmes de protection a commencé en Prusse – et d’une certaine manière Xi Jinping est un peu le Bismarck de l’écologie : il n’a pas tant souhaité écouter des demandes de justice environnementale qu’il les a devancées pour les faire taire. Après-guerre, les avancées du droit social en Europe sont incompréhensibles en dehors du jeu géopolitique qui combine le spectre du fascisme, la guerre à éteindre, la possibilité bolchevique, et l’influence américaine. Comme le disait un représentant du Labour britannique en 1952, le National Health Service [sécurité sociale britannique] est un sous-produit du Blitz [la campagne de bombardements stratégiques durant la Seconde Guerre mondiale menée par l’aviation allemande contre le Royaume-Un]

(Violence d’État, violence partout) Des armes de guerre envoyées sur des civils, en plein Paris : il ne reconnaît pas « les doctrines d’emploi qu’il avait longuement étudiées, ce maintien de l’ordre “à la française‘, mythe que la nation vantait à elle-même et vendait encore dans le monde entier, ou presque ». « Ce qui n’était qu’un mythe de sa jeunesse, les snuff movies, était devenu une réalité, sa réalité, son quotidien : le trépas live, les gueules cassées en direct, les mutilés sous ses yeux, c’était possible, c’était terrible, et c’était maintenant. » Le maintien de l’ordre obéit toujours à des règles strictes, dictées par le pouvoir politique. « L’ordre, qu’il faut maintenir ou rétablir, c’est toujours celui de l’État. » Les principes qu’il avait connus ont été soudain pulvérisés : « la domination n’était plus seulement sociale, économique, la domination était policière. » « Le pays est devenu violent, sous l’œil complice de ses institutions. Il était devenu violent parce que les attentats, parce que les terroristes, et parce que l’union nationale étouffait la moindre critique. Il était devenu violent parce que l’antiterrorisme était devenu l’alpha et l’oméga de la vie politique, union sacrée, police partout, justice nulle part. État d’urgence et confusion totale. Il était devenu violent parce que les colères sociales ne trouvaient plus d’écho, ni de relais ; on avait fracassé les corps intermédiaires, écrabouillés les syndicats, criminalisés les militants. Sans soupapes, la cocotte explosait désormais et le couvercle qu’on lui imposait prenait les atours du bouclier CRS. Le pays était devenu violent parce que trente ans de débats sécuritaires l’avaient jeté dans les bras de la réaction en marche. »

Bilan des violences policières recensées par David Dufresne depuis le début des Gilets Jaunes

(Violence nécessaire) Nelson Mandela, qui dut choisir la résistance armée et violente lorsque toutes les armes non violentes avaient été utilisées en vain : « un combattant de la liberté apprend de façon brutale que c’est l’oppresseur qui définit la nature de la lutte, et il ne reste souvent à l’opprimé d’autres recours que d’utiliser les méthodes qui reflètent celles de l’oppresseur. À un certain moment, on ne peut combattre le feu que par le feu. »

(Autoritarisme partout, en anglais) L’une des tendances les plus frappantes qui est apparue au cours de la pandémie est la pression exercée sur les libertés partout dans le monde. Dans certains cas, cela a conduit à des mesures répressives de grande envergure. La pandémie a entraîné la fermeture de journaux au Moyen-Orient, le renforcement du contrôle des médias sociaux en Turquie et la menace d’amendes et même de lourdes peines de prison en Chine, en Russie ainsi que dans plusieurs autres pays pour avoir partagé des ragots, des rumeurs et de fausses nouvelles sur le coronavirus. Au Kazakhstan, de nouveaux pouvoirs étendus ont donné au président Kassym-Jomart Tokaev la possibilité d’intervenir dans tous les domaines, de la législation sur la santé aux marchés publics, de la réglementation monétaire à la mise en œuvre des obligations internationales. En Hongrie, le président Orban a revendiqué le pouvoir de gouverner par décret sans limite de temps, ce qui a provoqué des cris de protestation de la part de certains hommes politiques européens de premier plan comme Norbert Röttgen, pressenti comme futur chancelier allemand, pour demander la censure de l’Union européenne. Plus de quatre-vingts pays ont déclaré l’état d’urgence en raison du virus, selon le Centre pour les droits civils et politiques. Dans certains cas, cela a donné lieu à un débat passionné sur l’érosion des libertés civiles, par exemple en Israël, où le gouvernement a approuvé en mars une mesure controversée visant à suivre numériquement les personnes ayant été testées positives au coronavirus. En Grande-Bretagne, la loi “Coronavirus” de 329 pages a été adopté en un seul jour, suspendant l'obligation pour les municipalités de répondre aux besoins des personnes handicapées et vulnérables, entre autres, ainsi que le droit d'annuler ou de réorganiser les élections et de fermer les ports et les frontières. La police a diffusé des images de promeneurs dans le Peak District à l'aide de drones, des agents ont réprimandé des personnes qui utilisaient leur propre jardin, ou la police de la vallée de la Tamise a lancé des appels aux résidents locaux pour qu'ils s'informent les uns les autres s'ils soupçonnent des rassemblements pendant le confinement, ce qui montre que la relation entre les citoyens et les autorités a changé de façon spectaculaire en quelques semaines. Le nouveau mantra de notre monde pandémique et post-pandémique est mieux exprimé par le Premier ministre thaïlandais, Prayuth Chan-ocha - un général qui a lui-même pris le pouvoir lors d'un coup d'État en 2014 : “En ce moment, c'est la santé qui prime sur la liberté. (…) L’abandon des normes démocratiques au profit de mesures autocratiques s’explique par la justification selon laquelle la crise est si grave qu’elle nécessite des mesures d’urgence qui reflètent généralement un état de guerre. Il n’est donc pas surprenant que tant de dirigeants du monde entier aient qualifié le coronavirus de « guerre ».

(Dirigisme mortel et incapable, en anglais) J’ai examiné le bilan de certains dirigeants forts du passé (Napoléon III, Mussolini, Hitler). C’est parce que je pensais à l’évolution des situations d’urgence sociétale. Généralement, on élimine la dissidence (parfois en éliminant physiquement les dissidents) et on choisit des leaders forts. Malheureusement, sans la possibilité de dissension en exprimant des opinions alternatives, aucune planification rationnelle n’est possible. Le bilan des leaders forts est alors terriblement mauvais : non seulement ils sont incapables de résoudre les problèmes, mais ils ont tendance à les aggraver et à faire beaucoup de dégâts dans le processus - y compris en tuant un grand nombre de personnes.

(Épidémies, mémoire à long terme et bouc émissaire, en anglais) Les rumeurs se répandirent largement dans les années 1340, lorsque la peste noire s’imposa comme le résultat d’une conspiration des Juifs visant à tuer les populations chrétiennes en empoisonnant des puits et en important du poison de l’étranger. Dans de nombreuses villes, les Juifs furent persécutés et assassinés en grand nombre. Étonnamment, les attaques contre les Juifs en Allemagne dans les années 1920 et 1930 étaient six fois plus susceptibles de se produire dans les villes qui connurent des pogroms à la fin du Moyen Âge. Également, les déportations de Juifs vers les camps de 1933-44 ont été statistiquement beaucoup plus nombreuses à partir de ces endroits que d’autres villes - ce qui suggère que les mémoires à long terme ne sont pas seulement forgées, mais maintenues à travers les siècles : la xénophobie, la peur des étrangers et la suspicion à l’égard des étrangers sont toutes des sous-produits d’épidémies à grande échelle.

(Contrôle social) J’étais en Turquie il y a une dizaine de jours et j’ai appris que nul ne peut plus aujourd’hui effectuer aucune dépense dans ce pays, s’il y réside, sans montrer sa carte d’identité. Coiffeur, supermarché, épicier, pharmacie, etc. sont tous tenus d’enregistrer une pièce d’identité…laquelle contient évidemment une puce et très vraisemblablement un GPS qui renseigne les autorités sur les dépenses, le mode de vie et la géolocalisation de l’individu. Mises en place à la faveur du Covid afin de « protéger » les citoyens, ce traçage est destiné à perdurer au-delà du virus, selon l’avis de tout le monde sur place. Ces mesures sont certes mises en place par un dictateur mégalomaniaque, mais elles vous donnent, chers amis, la tendance de notre monde dont vous êtes tous du reste parfaitement conscients. Le problème est que l’avènement du Covid n’a fait qu’accélérer une prédisposition qui consistait à toujours plus de surveillance, d’interdits, de restrictions, etc. Comme je le dis, notre monde et nos dirigeants étaient « mûrs » pour pousser dans ce sens, bien évidemment largement favorisés par internet, la numérisation, la digitalisation, etc.

(Fous et effondrés) Rester-chez-soi-en-tant-que-mission-exceptionnelle… Il y a douze mois, n’importe quel étant humain aurait souri face à cet énoncé, imaginant un sketch des Monty Python, une fiction de Stanislav Lem ou une punchline du prochain épisode de Black Mirror. Bienvenue en 2020, il s’agit juste d’un message de l’Organisation mondiale de la Santé. Officiellement, cette phrase se situe entre l’invitation et la recommandation aux citoyens du monde à se protéger soi-même comme les autres en restant chez soi. Officieusement, il s’agit autant d’une publicité que d’une directive adressée à tous les citoyens du monde afin qu’ils apprennent à vivre et à consommer de chez eux, et par là même à participer-tous-ensemble à la dernière révolution économique, le quaternaire (…) La collapsologie ou théorie de l’effondrement nous concerne en tant qu’elle rappelle à quiconque l’aurait refoulée que nous vivons la sixième extinction de masse, et que nous en sommes sans doute la cause première. (…) nous sommes aussi désastrés et effondrés que le monde qui nous entoure. (…) Si ce sujet (en l’état, mais aussi en puissance en chacun) est assurément malade, il le doit en partie à la communication en monde, c’est-à-dire aux énoncés tant des gouvernants que des médias dominants. Après deux ans d’étude sur les « problèmes de communication » des schizophrènes, Grégory Bateson publia Vers une théorie de la schizophrénie (1956). Il y développa entre autres le phénomène psychologique de double bind ou injonction paradoxale. Ce fameux concept désigne une situation dans laquelle le sujet est coincé entre deux injonctions, d’intensité égale, mais contradictoires ou incompatibles dans leur contenu, de sorte que, nécessairement, l’une viole l’autre. « Dans les interactions sociales, ce phénomène est qualifié “d’art de rendre l’autre fou” - il produit en effet sur la psychè des effets d’impuissance et de dissonance cognitives qui ne vont pas sans traumatismes. » Si nous nous arrêtons un instant à ce concept afin de penser notre situation, il apparaît évident que nous ne pouvons pas ne pas devenir schizophrènes.

  • « Les masques ne servent à rien./ Les masques sont obligatoires dans les espaces clos./ Les masques sont indispensables à l’extérieur comme à l’intérieur mais pas en terrasse.

  • Restez chez vous et ne sortez que pour des choses essentielles./ Il est essentiel de prendre l’air.

  • Le virus reste sur toutes les surfaces pendant plusieurs heures./ Le virus ne se transmet que par aérosols ou contacts interhumains.

  • La chloroquine est sans danger et permet de soigner du covid./ chloroquine est assurément toxique et son efficacité n’est par ailleurs en rien prouvée.

  • Vous pouvez aller travailler en métro mais les enterrements sont interdits ou limités à dix personnes.

  • Sortir pour son amusement personnel n’est pas seulement égoïste mais criminel.

  • Vous ne pouvez voir que 5 personnes de votre entourage mais vous pouvez partir en vacances en avion. »

(84 ans) Santé Publique France (…) souligne qu’à partir “des données de la certification électronique des décès, l’âge moyen des personnes décédées dont les certificats contiennent une mention d’infection à la COVID-19 est bien de 81 ans”. L’âge médian, lui, divise les victimes en deux groupes numériquement égaux, une moitié étant plus jeune et l’autre plus âgée. Là encore, les 84 ans avancés sont exacts.

(Pendant ce temps-là en France) Les indicateurs sociaux virent au rouge. Le gouvernement estimait le 8 septembre que 8 millions de personnes ont besoin de l’aide alimentaire contre 5,5 millions en 2019. Les demandes de RSA (Revenu de Solidarité Active) ont augmenté d’environ 10 % par rapport à la même période en 2019. (…) Globalement les statisticiens estiment qu’un million de Français sont passés sous le seuil de pauvreté monétaire (1063 euros par mois et par unité de consommation) et s’ajoutent aux 9,8 millions existants, 14,8 % des ménages (chiffres de 2018).

(Sacré Koko) Patrick Buisson raconte : “Nous avions pris la décision de laisser les bandes de blacks et de beurs agresser les jeunes blancs aux Invalides, tout en informant les photographes de Paris Match. L’émotion fut en effet à son comble, après la publication de photos dont l’opinion ne retiendrait qu’une chose : des hordes sauvages étaient entrées dans Paris.” Dans ses souvenirs de la Place Beauvau, Patrick Buisson cite ce qu’aurait dit à l’époque Nicolas Sarkozy : “On laissera (les casseurs) faire leurs courses à Darty et à Go Sport”.

(Manipulation) On se souvient par exemple de la stratégie employée par les cigarettiers américains pour étendre leur marché. Durant la Première Guerre mondiale, ils avaient généreusement distribué des cigarettes aux soldats. Résultat, après la fin des hostilités, la plupart des hommes fumaient. Mais comment faire fumer les femmes ? Les cigarettiers ont donc sollicité Edward Bernays, publicitaire et neveu de Sigmund Freud. Celui-ci s’est adressé aux suffragettes et féministes, les incitant à défiler clopes au bec, devant les caméras, lors du traditionnel défilé de la parade de Pâque 1929. Les cigarettes étaient appelées “torches de la liberté”. Ainsi, grâce à Bernays, fumer devenait soudainement le symbole de la conquête du pouvoir masculin et de la libération de la femme… au prix de quelques cancers, mais pour le plus grand profit de l’industrie cigarettière (contrôlée par des hommes) !

(Arlésienne) La puissance des électricités éolienne et photovoltaïque fluctue considérablement et sans cesse en fonction de la puissance du vent pour la première, de la puissance solaire pour la deuxième. C’est leur intermittence, appelée parfois variabilité. Or ces variations sont naturelles, c’est-à-dire ne dépendent pas de la volonté humaine. Elles sont non-pilotables. Il en résulte qu’il est impossible à des éoliennes ou à des panneaux photovoltaïques de faire du suivi de charge, c’est-à-dire d’ajuster leur production à notre consommation d’électricité en temps réel et à la fréquence de 50 hertz, deux conditions qui sont indispensables à la stabilité du réseau électrique. Ce sont des électricités inutilisables et par conséquent sans valeur en tant que telles. Il faut pour les valoriser les associer en permanence soit à des centrales pilotables, soit à des stockages, qui permettent de faire en contrepoint cet ajustement. Les stockages actuels n’ayant pas les capacités pour cela et probablement pour très longtemps, ce sont des centrales pilotables qui sont utilisées, principalement à combustibles fossiles (charbon et gaz) en Allemagne, nucléaires en France.(…) Il faudrait pour cela pouvoir créer des stockages d’électricité capables d’accumuler d’énormes quantités d’électricité, de manière à pouvoir remplacer les centrales pilotables dans leur rôle actuel de régulateur de l’intermittence. Les types de stockage actuel en sont incapables et ne peuvent jouer qu’un rôle marginal. On envisage actuellement de créer des stockages d’hydrogène produit par électrolyse de l’eau, l’électricité étant produite par les éoliennes ou les panneaux solaires, l’hydrogène étant ensuite utilisé pour produire à la demande de l’électricité via des piles à combustible ou des turbines à hydrogène. Bien que ce soit très compliqué, une véritable usine à gaz, et donc peu sûr, c’est techniquement possible à petite échelle. Mais le rendement énergétique de ces procédés est très faible, 20 à 30 %, ce qui fait que : 1-on gaspillerait la plus grande partie de l’électricité produite ; 2-le coût de l’électricité serait considérablement augmenté 3- l’impact sur l’environnement, surfaces occupées, quantité de matériaux utilisés… serait multiplié par 3 à 4 par kWh d’électricité fourni au consommateur ! Il y a déjà 15 ans, les Norvégiens ont essayé ainsi de rendre autonome en électricité un village situé sur l’île d’Utsira. Après quatre années de déboires, ils ont abandonné. On ne peut jamais dire jamais, mais le stockage massif d’électricité, c’est actuellement comme l’Arlésienne, que l’on espère sans cesse, mais qui n’arrive jamais.

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