Pouvoir, comment réduire les émissions de gaz à effet de serre, souveraineté des états vs GAFAM, surveillance chinoise, un futur des conflits, recrutement : profilage par traces numériques et ADN
Le pouvoir
« Le pouvoir ne concède rien sans qu'on l'exige. Il ne l'a jamais fait et ne le fera jamais. » Frederick Douglass
Réduire les émissions de gaz à effet de serre : Problème insoluble ? (interview radio, 5')
« Quoi faire pour respecter l'accord de Paris sur le climat soit respecter les 2 degrés d'élévation maximale des températures ?
Les émissions de CO2 doivent baisser de 5% par an pour les trente ans à venir soit un covid tous les ans pour donner un ordre de grandeur. On ne se rend pas compte à quel point c'est un effort titanesque. (..) Il s'agit de transformer le système économique en profondeur.
Les émissions de CO2 viennent de l'utilisation du pétrole, du charbon et du gaz naturel. Le problème c'est que c'est cela qui a fait la révolution industrielle, notre pouvoir d'achat, l'urbanisation, l'industrialisation, les transports faciles, l'alimentation pas chère. (…) Comme ces combustibles ont permis de mettre plein de machines au travail et d'augmenter très fortement la production donc notre pouvoir d'achat, faire avec de moins en moins de combustible fossiles c'est travailler dans un contexte dans lequel l'économie n'est plus en expansion mais en contraction. (…) La question est donc comment fait-on pour avoir un boulot dans un contexte où les émissions et donc l'économie se contractent, tout en assurant à chacun une forme de confiance en l'avenir ? C'est la quadrature du cercle. » Jean-Marc Jancovici
Comment fait-on ? L'ébauche d'un plan pour la France
Souveraineté des États vs puissance des multinationales du numérique et nous et nous et nous…
La Lettre du Dimanche S03-E76, Le Grand Continent, 20 fév 2021
Le bras de fer entre les GAFA et les États souverains a franchi une nouvelle étape cette semaine en Australie, après que Facebook a retiré tous les contenus d’actualité de ses pages sur l’île-continent, et que Google menace de fermer l’accès à son serveur aux utilisateurs australiens. Ces annonces font suite à une proposition de loi qui chercherait à contraindre les réseaux sociaux de reverser aux médias nationaux et notamment à la presse les revenus générés par la publication de leurs contenus sur leurs plateformes. Cette revendication est partagée par un certain nombre d’États, dont la France. Mais comme l’Australie en fait aujourd’hui l’expérience, il n’est pas certain que la méthode la plus frontale soit la plus fructueuse : sans contenu d’actualité sur les réseaux sociaux, il ne reste que les fake news… Face à la puissance des géants de la Silicon Valley et aux moyens de pression dont ils disposent, la question qui se pose est celle de l’échelle à laquelle une solution viable peut être trouvée, pour engager une action de régulation pertinente.
Force est de constater aujourd’hui que certaines entreprises peuvent, dans certains domaines, rivaliser avec des États, voire les concurrencer lorsque la législation leur déplaît. Contrairement aux groupes d’influence ou de pression avec lesquels les régimes démocratiques savent depuis longtemps composer, nous sommes ici en présence de méga-entreprises digitales qui, au grand jour, choisissent de jouer un rôle géopolitique en défiant les États dans leur capacité à faire respecter la loi, que ce soit dans le domaine de la fiscalité ou du droit du travail. De plus en plus, la question d’opérer hors-la-loi, ou en fixant sa propre loi, se posera pour ces groupes. On touche ici au motif dystopique de la « mégacorporation », ces entités para-étatiques que l’on retrouve dans de nombreuses œuvres de science-fiction, du Metropolis de Thea von Harbou aux Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K. Dick. Dans l’histoire moderne, certains cas de mégacorporations ont pu voir le jour. C’est notamment le cas de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, qui, à son apogée, contrôlait des comptoirs où elle exerçait les principales fonctions régaliennes, entretenant de nombreuses garnisons militaires et une flotte de guerre.
Mais dans le cas des GAFA, la nouveauté tient autant à la valorisation boursière colossale de ces multinationales qu’à la nature d’une de leurs ressources principales : nos données privées. Notre dépendance individuelle envers ces entreprises est le talon d’Achille de notre lutte collective contre elles. Réciproquement, se priver de l’accès aux contenus d’information ou de divertissement, aux plateformes de discussion ou aux services de messagerie en ligne est quasiment impensable, et plus que jamais en temps de pandémie. À la métaphore du « bras de fer », qui figure un affrontement net entre deux entités, l’une étatique et l’autre privée, mieux vaudrait substituer celle de la co-dépendance. Comme le note l’économiste Julia Cagé dans un entretien au Grand Continent, le problème posé par les GAFA est celui de la privatisation de certains territoires de la vie sociale et politique. C’est toute cette complexité du problème que détaille quant à elle l’analyse du juriste Martin Collet, en faisant remonter à la fondation de la Société des Nations l’épineuse question de la bonne articulation des compétences fiscales des États et du bon fonctionnement des échanges économiques. Territoire occupé, enjeu global, échelle pertinente : la puissance des GAFA est aussi un problème géopolitique.
Relations internationales (La lettre du Dimanche suite)
Toni Negri et Michael Hardt (…) [:] Cherchant à rendre compte de l’organisation du monde après la chute de l’Union soviétique, ils constataient la disparition de l’impérialisme moderne, qui avait défini les relations internationales aux XIXe et XXe siècles. À la place s’était imposé « l’Empire », c’est-à-dire une organisation mixte des relations internationales dans laquelle coexistent une monarchie — organisée autour des États-Unis et, plus généralement, du G8 et de l’OTAN —, une oligarchie — faite de multinationales et d’États-nations — et une démocratie — l’ONU et les ONG. L’articulation de ces trois pouvoirs, qui reprenait la tripartition de Polybe pour expliquer les triomphes de l’État romain, a fondé un monde dans lequel les relations internationales traditionnelles sont caduques. Comme tous les systèmes de relations internationales pourtant, l’Empire n’est pas immortel — et l’on peut se demander si l’affrontement, au sein de l’élément oligarchique de la triade, entre des multinationales d’un nouveau genre et des États-nations affaiblis, ne pourrait pas déséquilibrer le système global.
Technosurveillance
Newsletter Inkstone, 18 fév 2021
De nos jours, dans la capitale de Pékin, pour entrer dans n'importe quel espace public, même pour prendre un taxi, les gens doivent scanner un code QR qui donne au gouvernement le droit de suivre leur localisation. Et les entreprises technologiques ont maintenant mis au point des caméras qui peuvent reconnaître les gens grâce à des masques.
Contre la surveillance biométrique de masse : signez la pétition européenne
Le Futur des menaces : la nation pirate
source : Virginie Tournay, auteure à la Red Team
L’initiative Red Team a été décidée à l’été 2019 par l’Agence de l’innovation de Défense (AID) avec l’Etat-major des armées (EMA), la Direction générale de l’armement (DGA) et la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) dans le cadre du Document d’orientation de l’innovation de Défense.
La mission de la Red Team se veut ambitieuse : composée d’auteur(e)s et de scénaristes de science-fiction travaillant étroitement avec des experts scientifiques et militaires, elle a pour but d’imaginer les menaces pouvant directement mettre en danger la France et ses intérêts. Elle doit notamment permettre d’anticiper les aspects technologiques, économiques, sociétaux et environnementaux de l’avenir qui pourraient engendrer des potentiels de conflictualités à horizon 2030 - 2060.
Initiative bâtie selon des principes d’ouverture et d’approche multiculturelle, la Red Team s’inscrit en complémentarité des méthodes actuelles en matière de prospective. Les travaux pour partie classifiés auront pour objectif de nourrir les réflexions stratégiques, opérationnelles, technologiques et organisationnelles des armées, mais également d’acteurs extérieurs au ministère. La Red Team mettra en œuvre un processus structuré et itératif favorisant l’intuition et la créativité. Elle fera se confronter aux savoirs militaires, la science-fiction, la recherche scientifique pluridisciplinaire et les arts.
Le recrutement demain matin
Gare au recrutement par profilage digital et ADN ! Xerfi, 18 fév 2021
Nous sommes en 2035, la société que vous utilisez pour faire le pré screening d’une candidate, Madame Marquise, vous fait le rapport suivant. Allez-vous la recruter ?
Rapport : La candidate a 32 ans. Elle a fait de brillantes études avec un double diplôme X-HEC. Son CV a été vérifié et est exact.
Tout d’abord son profil social
Sa note sociale est neutre, car elle est peu active sur les réseaux sociaux. Cela en est presque négatif car on se demande si par hasard elle ne voudrait pas cacher quelque chose. Son activité de jeunesse, dans les années 2020, était plutôt dynamique, avec un certain activisme politique. Elle a aujourd’hui tendance à liker des billets ou des tweets sans en contrôler la provenance, ce qui fait douter de son sens critique. Une analyse de son profil social (à travers ses achats, ses recherches sur internet, ses voyages, les photos et informations que l’on trouve sur elle sur le réseau, etc.) montre qu’elle souhaite trouver plus de sens dans son travail et sa vie mais ce « sens » n’est pas clair. Quelques contradictions apparaissent aussi dans son profil social, notamment elle se présente comme sensible à l’écologie mais son bilan carbone est mauvais. Elle voyage beaucoup en avion pour ses loisirs, mange beaucoup de protéines animales et elle a même encore une voiture à essence.
Maintenant son profil biologique
Son ADN laisse apparaître un seul risque majeur, à forte probabilité d’occurrence mais précis et limité. Elle est porteuse d’un gène qui déclenche un cancer du côlon chez la femme vers 45 ans. Cela impliquera un certain temps d’absence et une baisse de son tonus et de son moral pour le temps du traitement, soient environ six mois. Ce traitement sera couteux mais sera pris en charge par la sécurité sociale et donc sera d’une incidence mineure sur la mutuelle de l’entreprise. Elle a fait congeler ses ovocytes et se montre intéressée par la modification génétique des embryons, il est donc probable qu’elle demandera une aide financière pour cette opération au cours des dix prochaines années quand elle décidera d’avoir un enfant. La brochure de votre entreprise mentionne cette possibilité. L’analyse génétique comportementale montre une tendance à la réflexion plutôt qu’à l’action, et une forte tendance à être révoltée quand quelque chose lui apparaît comme une injustice. Cette analyse comportementale montre aussi toutefois qu’elle a des qualités appréciées dans le monde de l’entreprise : créativité, empathie, sens éthique élevé, ponctualité.
Fin du rapport
Avant de répondre à la question de savoir si vous souhaitez ou non recruter Madame Marquise, je vous invite à vous poser trois questions.
Vous me direz peut-être que vous ne regarderez pas son ADN ? En êtes-vous sur ? Il n’y a pas si longtemps on demandait aux candidats une analyse graphologique qui était bien moins fiable et tout autant intrusive.
Saurez-vous distinguer dans ce rapport ce qui est une analyse approximative et ce qui est scientifique et fiable ?
La candidate a probablement sur elle-même moins d’information que vous en avez. Cette asymétrie informationnelle est-elle éthiquement acceptable ?
Toutes ces questions, et bien d’autres soulevées par les progrès des sciences, ne sont pas de la science-fiction. Il va falloir se les poser, dans les DRH et ailleurs car les moyens décrits ici arrivent très vite.
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